Les bons du Trésor américain n’ont plus la cote


Les marchés réagissent avec une nervosité extrême à la perspective des surtaxes douanières que Donald Trump impose, modifie ou suspend, ainsi qu’aux retours de boomerang en provenance des pays concernés. Aussi puérile qu’elle soit, l’affaire des droits de douane nuit au commerce mondial. La trêve de 90 jours annoncée la semaine dernière n’est certainement pas tombée du ciel. Si elle peut avoir plusieurs causes, la flambée des taux de rendement des Treasury bonds en est sans doute une des principales.
Hausse des taux
Les taux de rendement se sont envolés dès l’approche de la fin de la législature de Joe Biden. À la mi-octobre, le taux à 10 ans atteignait 4%, un chiffre qui a grimpé jusqu’à 4,8% au moment du passage de flambeau. Il est redescendu à 4% pendant que le nouveau locataire de la Maison-Blanche s’affairait à licencier les fonctionnaires et à multiplier les mesures contre la communauté LGBT+, avant de chuter lorsque la guerre commerciale a éclaté. Les rendements sont partis à la hausse, ce qu’une économie mondiale menacée de récession est loin de pouvoir se permettre.
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Les bons du Trésor américain faisant partie des havres considérés comme les plus sûrs, leurs cours augmentent, au détriment des rendements, quand les investisseurs cherchent refuge quelque part. C’est toujours vrai… sauf sous l’administration Trump. Là, les rendements filent, les emprunts et les investissements coûtent plus cher et quand l’État emprunte (énormément, dans le cas des États-Unis), c’est à des conditions beaucoup plus drastiques qu’auparavant. L’économie étant ainsi privée d’oxygène, la croissance menace de s’arrêter et la récession guette. Sans compter que la cohorte des chômeurs s’étoffe.
Fonds spéculatifs
Le taux de rendement des bons du Trésor à 10 ans a récemment grimpé à 4,46%, cependant que celui des bons à 30 ans atteignait 4,90%. En cause : les grands investisseurs qui, craignant que les États-Unis ne soient les principales victimes de problèmes économiques sans fin, bradent leurs obligations. Mais les fonds spéculatifs, qui n’ignorent pas que les effets de levier sur lesquels ils misent habituellement pourraient se retourner contre eux, ont eux aussi une responsabilité majeure dans cette vague de ventes. Ils cèdent en effet, parfois sous la pression des sociétés de courtage, d’énormes quantités de bons du Trésor, une stratégie susceptible de mettre bien des intérêts en péril.
Préférer les “Bunds”
Affirmer que les émissions souveraines américaines ne constituent plus une valeur refuge est sans doute aller un peu vite en besogne. Mais il est un fait que les marchés leur préfèrent actuellement les obligations de l’État allemand, de plus en plus fréquemment considérées comme un substitut à part entière. Les fonds d’assurance et les fonds de pension américains, qui achètent normalement des Treasury bonds, tendent vraiment à s’en détourner pour l’instant.
Il est donc à peu près certain que ce sont les chutes enregistrées à Wall Street et, plus encore, les cessions massives d’obligations souveraines et d’actions américaines, qui ont incité Donald Trump à changer son fusil d’épaule, ce que l’homme semble d’ailleurs admettre. Kevin Hasselt, un des conseillers économiques qui ont l’oreille du président, fait lui aussi mention de la nervosité des marchés obligataires lorsqu’il évoque la trêve. Reste que nul ne sait apparemment ce qui se passera quand elle s’achèvera. Si rien de fondamental ne se produit d’ici-là, la situation en sera au point mort.
Ce qui ne serait pas dépourvu de conséquences. Les grands portefeuilles doivent pouvoir avoir une confiance absolue dans les bons du Trésor. Si cette confiance est rompue, les marchés internationaux subiront de profonds bouleversements. La Chine, en particulier, ne restera pas inactive. Elle détient pour 760 milliards de dollars de Treasury bonds ; si elle décide de les vendre (si tant est qu’elle ne le fasse pas déjà), elle pourra consacrer l’argent ainsi récupéré à sa défense commerciale contre les États-Unis. Les cessions feraient chuter les cours des obligations et s’envoler les rendements, ce qui plongerait le budget américain dans de nouvelles affres.
L’approche traditionnelle en question
C’est donc un pari risqué qui se déroule par-dessus la tête de l’investisseur en obligations moyen. La traditionnelle répartition du portefeuille (60% en actions, 40% en obligations), mise en question depuis des années, revient à juste titre sur le tapis. Le tassement des cours des actions n’est plus compensé par la progression de ceux des obligations. Faut-il dès lors chercher refuge dans le yen et le franc suisse, très peu rémunérateurs ? Si ces devises conviennent parfaitement aux portefeuilles importants, qui préfèrent la préservation de la valeur au rendement, elles ne peuvent intéresser l’investisseur moyen, demandeur de coupons réguliers.
Peut-être le fléchissement (temporaire) des cours des obligations et la progression des rendements offrent-ils une excellente occasion d’étoffer les portefeuilles de qualité. Pour certains analystes, il est parfois “de bon ton” de semer la panique et d’extraire les informations de leur contexte. Ce n’est pourtant dans l’intérêt de personne. Le tableau ci-joint propose néanmoins quelques opportunités. Un euro fort rend les titres souverains américains plus intéressants encore.
Changements de notations
Le 11 avril, Standard & Poor’s a fait passer de BBB à BBB+ la note à long terme des obligations d’État italiennes en devises et en lire, et confirmé le A-2 attribué à la note à court terme. Les perspectives sont stables. Cette décision reflète l’amélioration de la situation économique et des réserves monétaires de l’Italie, dans un contexte mondial houleux, ainsi que les progrès réalisés dans la stabilisation des finances du pays depuis l’éclatement de la pandémie.
Fitch Ratings a relevé la note de Vallourec de BB+ à BBB- et qualifié les perspectives de stables. L’agence applaudit ce faisant au renforcement du bilan de la société, qui a clos l’exercice 2024 sur un endettement net nul. Sa nouvelle notation rend l’entreprise industrielle plus résistante à l’aggravation des incertitudes qui planent sur les marchés mondiaux. Les perspectives de Volkswagen Financial Services, en revanche, sont passées de stables à négatives, tandis que la note à long terme de l’entreprise demeurait fixée à A-.
Moody’s a relevé de Baa2 à Baa1 la note de la dette à long terme du Nasdaq, dont les perspectives demeurent stables. Cette progression s’explique par l’expansion de la Bourse des valeurs technologiques et par l’amélioration de son ratio d’endettement. Le Nasdaq a pour lui la diversité de ses activités, l’abondance des revenus récurrents issus de ses pôles non commerciaux, sa forte rentabilité et la solidité de sa position sur ses principaux marchés.
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