Législatives en France: pour les marchés, la victoire du “scénario du moins pire”
La Bourse de Paris a ouvert en nette hausse, lundi, au lendemain du premier tour des législatives en France qui a vu le Rassemblement national (RN) arriver en tête. Ce qui est étonnant pour les analystes.
L’indice vedette de la Bourse de Paris, le CAC 40, gagnait ce lundi plus de 2,5% à l’ouverture après avoir cédé 6,42% en juin. Les investisseurs semblent soulagés à l’idée que le RN, le parti d’extrême-droite, ne soit pas en mesure de décrocher une majorité absolue à l’Assemblée nationale, malgré des résultats historiquement élevés.
En toute logique, les actions qui avaient été jusqu’ici les plus pénalisées, étaient le plus recherchées. Les banques cotées sur l’indice CAC 40 rebondissaient de plus de 5%. Société Générale prenait 7,14%, Crédit Agricole 4,87% et BNP Paribas 4,54%. D’autres entreprises malmenées depuis la dissolution – comme les géants du BTP Vinci (+4,95%) et Eiffage (+4,85%), le groupe de télévision TF1 (7,41%) ou encore l’énergéticien Engie (+4,69%) – étaient aussi en forte hausse.
Pas de majorité absolue
Cet optimisme assez étonnant des marchés s’explique par la spéculation que le Rassemblement national (RN) ne pourra pas obtenir une majorité absolue au second tour des élections, ce qui l’empêcherait de mettre en place des mesures radicales et le forcerait à suivre une trajectoire budgétaire plus stricte.
Avec plus d’un tiers des suffrages au niveau national, le RN et ses alliés font moins que les 36% à 37% annoncés par les sondages des derniers jours de campagne et “finalement, les macronistes ne se sont pas complètement effondrés”, note Alexandre Baradez, chef analyste d’IG France.
De plus, l’appel de la coalition des gauches à faire barrage au RN est perçu positivement par les marchés car il réduirait l’influence du parti d’extrême droite. Si le RN avait gagné plus nettement dès le premier tour, les investisseurs craignaient une politique budgétaire expansive et coûteuse, une inquiétude partagée en cas de victoire du Nouveau front populaire (NFP) en raison de leur désaccord avec le cadre fiscal européen.
Le Rassemblement national est arrivé en tête des suffrages avec plus de 33% des voix, le Nouveau front populaire atteint près de 28% et le camp présidentiel environ 21%. Par ailleurs, “comme d’autres partis semblent désormais prêts à former des alliances au second tour, les chances de l’extrême droite d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale devraient s’en trouver encore réduites”, commentent les analystes de Deutsch Bank.
Le “scénario du moins pire”
Pour les marchés, c’est ainsi la victoire du “scénario du moins pire” qui s’est déroulé dimanche, commente John Plassard, spécialiste de l’investissement pour Mirabaud. “Ce que le marché craignait le plus était une majorité absolue, d’un côté comme de l’autre. Pour le moment, pour le Rassemblement national, ce scénario n’est pas encore écarté, mais on voit que les tractations ont débuté sur la question des désistements”, ajoute-t-il. “Cette volonté de désistement peut ne pas donner la majorité absolue au RN et peut permettre d’arrondir les angles sur certains programmes, à commencer par celui de Gabriel Attal sur la réforme de l’assurance chômage”, estime l’analyste.
La réforme sur l’assurance chômage sur pause
Le Premier ministre a annoncé dimanche soir mettre sur pause la réforme controversée de l’assurance chômage, dénoncée tant par l’extrême droite que par l’alliance de gauche. Sur le marché de la dette des Etats, l’écart entre le taux d’intérêt de l’emprunt de la France à 10 ans et celui de l’Allemagne, la référence en Europe, se réduit après avoir touché un pic plus atteint depuis 2012 la semaine précédente. Cet écart, appelé “spread”, est un indicateur qui mesure la confiance des investisseurs dans un pays. Le taux de l’emprunt français à 10 ans évoluait à 07H15 GMT (09H15, heure de Bruxelles) vers 3,29%, contre 2,54% pour le taux allemand.
Les stratégistes sceptiques
Sur le marché des changes, la monnaie unique européenne gagnait 0,52% face au billet vert, à 1,0769 dollar pour un euro, porté par le scénario “selon lequel le Rassemblement national pourrait ne pas obtenir une majorité absolue au second tour”, commente également Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank.
Cependant, les stratégistes, notamment Vincent Juvyns de J.P. Morgan Asset Management, restent sceptiques, estimant dans L’Echo qu’aucun scénario issu du second tour ne sera vraiment favorable aux marchés financiers. L’incertitude politique pourrait limiter la capacité à mettre en œuvre des réformes fiscales et budgétaires nécessaires, maintenant ainsi une volatilité persistante, estiment les experts.
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