Le secteur des véhicules électriques chinois devant une crise à la Evergrande ?

Stand de Great Wall Motor lors d’un salon automobile, image d’illustration. REUTERS/Athit Perawongmetha/File Photo © REUTERS
Charly Pohu

Le marché chinois des véhicules électriques est dans la tourmente. Une guerre des prix, qui vient de repartir pour un tour, inquiète les observateurs. Pour certains, il vit déjà la même crise que celle de l’immobilier chinois et d’Evergrande.

Les récentes réductions des prix de BYD ont fait parler d’elles… mais elles n’étaient qu’un pas de plus dans une guerre des prix, pour booster la demande, qui dure depuis plus de deux ans. Et qui commence à inquiéter de plus en plus d’observateurs.

A l’intérieur du secteur, par exemple. Le CEO du constructeur d’automobiles électriques Great Wall Motor n’y va pas du dos de la cuillère : pour lui, le secteur n’est pas “sain” et déjà embourbé dans une crise comme celle de l’immobilier chinois. Cette dernière s’est soldée par l’effondrement de grands groupes, dont le numéro 1 Evergrande. “Une crise semblable à celle d’Evergrande existe déjà dans l’industrie automobile. Elle n’a tout simplement pas encore éclaté”, avertissait-il récemment dans les pages de Sina Finance.

Mais à l’extérieur aussi. A échelle politique, notamment. Dans le People’s Daily, média du Parti communiste, un article intitulé “La ‘guerre des prix’ dans l’industrie automobile ne mène nulle part et n’a aucun avenir” est paru ce lundi. “Les guerres des prix désordonnées réduisent les bénéfices tout au long de la chaîne, ce qui a un impact sur l’ensemble de l’écosystème et risque d’entraîner une baisse des revenus des travailleurs. À long terme, cette course vers le bas n’est pas viable”, peut-on y lire. Faut-il y voir un avertissement ? Pékin a serré la vis à d’autres secteurs ces dernières années, notamment la tech.

Baisse des prix : demande boostée ou retardée ?

Les vendeurs de voitures d’occasion sont également impactés, rapporte CNBC. Ils perdent de l’argent, admettent-ils. Ils notent aussi qu’ils reçoivent des véhicules affichant zéro kilomètres sur le tableau de bord… car les constructeurs et concessionnaires les immatriculent pour qu’elles soient considérées comme vendues, pour ainsi gonfler leurs chiffres.

Puis, ils se demandent aussi si cette guerre des prix ne va pas plutôt retarder la demande plutôt que de la booster, et donc encore plus mettre la pression sur le secteur. Si les acheteurs voient que d’un jour à l’autre, une baisse de 34% (dans le cas de BYD) ou de plusieurs milliers d’euros est annoncée, ils peuvent en effet préférer attendre avant d’acheter au lieu de passer à côté d’une réduction importante. Ce qui pourrait entrainer un cercle vicieux.

Évincement des plus faibles ?

Reste à voir jusqu’où mènera cette guerre des prix ou course vers le bas. Les marges et les bénéfices sont en tout cas entamés. Des observateurs craignent que certains vendent même à perte. Les acteurs les plus faibles seront-ils évincés, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une poignée d’acteurs plus solides ? Pour un des vendeurs d’occasion, il y a en tout cas “trop d’entreprises qui font trop de voitures électriques”. Ou faut-il même craindre pour la viabilité des gros acteurs, dans un scénario à la Evergrande ?

Dans les deux cas, les investisseurs risquent de perdre de l’argent. Avant cette guerre des prix, l’électrique était fortement hypée en bourse (en 2020 et 2021 surtout il y eut un effet d’emballement), et on lui promettait un avenir radieux et une croissance rapide. Les cours des entreprises, pour certaines fraichement cotées, ont explosé. Mais la situation est finalement plus difficile que ce qui était espéré.

Certes, le besoin de la population d’avoir une voiture ne change pas. A terme, le marché devrait donc se stabiliser. Mais d’ici-là, il risque de traverser une période de turbulences.

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