Le Journal des Marchés : quel début d’année pour le marché obligataire ?
Olivier Colsoul, expert auprès d’AG Insurance, est l’invité du Journal des Marchés. Il débriefe le début d’année du marché obligataire.
Sur le marché des obligations, rien ne s’est passé comme prévu. “Le scénario de base prévoyait un risque à la hausse sur les taux américains pour cause des mesures potentiellement reflationnistes voire inflationnistes de la part de la nouvelle administration Trump et un biais baissier en Europe en raison d’un impact négatif sur la croissance dû aux droits de douane américains sur fond de politique monétaire de moins en moins restrictive de la part de la BCE”, explique l’expert.
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“D’une certaine manière, c’est le contraire qui s’est produit, en raison de deux effets concomitants inattendus et de sens opposé. Le sursaut européen et surtout allemand en matière de dépenses militaires annoncé la semaine dernière constitue une surprise par son ampleur. Les impulsions fiscales à venir sont sur le papier importantes et s’apparentent un peu à ce que l’on a connu lors du fonds de relance européen post-Covid. De l’autre côté de l’Atlantique, la confiance des consommateurs et des entreprises se retourne à cause des agissements du locataire de la Maison-Blanche, il y a des coupes sombres budgétaires et on parle même de récession sans doute technique due à une forte augmentation des importations avant le relèvement des droits de douane. Donc, la machine économique ralentit.”
Taux
Comment cela se reflète-t-il sur les taux ? “Résultat des courses, depuis le début le taux du bon du Trésor américain à 10 ans a reculé de 4,57% à 4,22%, soit une baisse de 35 points de base, alors que celui du Bund allemand est passé de 2,36% à 2,87%, soit un gain de 51 points de base. Concernant les grands indices obligataires, au niveau européen, si la performance était encore dans le vert à fin février, elle est désormais négative alors qu’au niveau global, elle est positive avec la détente des taux longs américains.”
Comment pourraient-ils évoluer ? “En Europe, cela va dépendre surtout de la relance budgétaire allemande. Si l’Europe annonce 800 milliards d’investissement pour réarmer l’Europe sur quatre ans, ce sont surtout les pays européens qui devront les financer et l’Allemagne va y consacrer 400 milliards sur 10 ans. De plus, notre voisin d’outre-Rhin va rajouter 500 milliards de dépenses d’infrastructures sur 10 ans. Mais, il y a un hic, c’est qu’il faut faire voter ces mesures avant l’installation du prochain Bundestag qui aura lieu le 25 mars car il sera très difficile voire impossible d’avoir une majorité après. Et les écologistes allemands font monter les enchères, notamment pour avoir du soutien pour d’autres politiques qui leur tiennent à cœur. Il serait question d’un nouvel accord pour la fin de la semaine, qui pourrait être plus ambitieux. Selon un article du Financial Times, l’Allemagne pourrait même doubler la mise sans rencontrer de problème d’endettement. Cela pourrait éventuellement faire bouger les taux à la hausse. Mais, si les négociations capotent, l’effet inverse pourrait se produire. Réponse sous peu.”
Aux États-Unis, “soit Donald Trump accepte les perturbations actuelles avec une économie qui pourrait encore ralentir. Et cela n’est pas du tout en ligne avec son programme économique. Soit, il se modère et mise sur les baisses d’impôts et la dérégulation, et la machine pourrait réaccélérer avec une incidence à la hausse sur les taux longs américains. Pour paraphraser Jerome Powell, le patron de la Fed, le degré d’incertitude économique est pour le moins élevé et plus de clarté est nécessaire pour se prononcer dans un sens ou dans l’autre.”
Bilan
Qu’est-ce que cela veut dire pour les investisseurs ? “Les banques centrales vont se montrer plus prudentes dans leur cycle de baisse des taux. En Europe, on arrive dans le dur, c’est-à-dire dans le haut de la fourchette du taux neutre et, avec les annonces de relance budgétaire, on n’ira sans doute un peu mais pas beaucoup plus bas. Pareil aux États-Unis, à moins que le trou d’air passager ne s’aggrave sensiblement. Pour les taux obligataires, la remontée des derniers jours procure un peu plus de rendement en Europe, autour de 3% en moyenne. Et si la tendance est plus à une stabilisation voire à un raffermissement des taux obligataires plutôt qu’à un effritement, comme on aurait pu le penser en cas d’assouplissement monétaire, ce ne sera pas pour autant mauvais pour l’investisseur.”
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