Lazard Frères Gestion : “Il est important de garder une bonne diversification”
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La croissance des “Magnificent Seven” devrait se normaliser, ce qui souligne le besoin de garder un bon équilibre dans la composition des portefeuilles en ce début 2025.
Selon les spécialistes de Lazard Frères Gestion, la situation économique actuelle est ambigüe et difficile à appréhender. Au bout d’une phase de hausse des taux qui a été assez forte, la croissance économique n’a pas été cassée, mais le problème de l’inflation n’a pas non plus été totalement résolu. À cette incertitude économique s’ajoute l’impact des mesures prises par l’administration Trump.
“Alors qu’en septembre dernier, il était légitime de se poser la question d’un impact des hausses de taux sur l’économie américaine, force est de constater que l’activité économique n’a fait qu’accélérer depuis, constate Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques et de la gestion diversifiée chez Lazard Frères Gestion. Une performance qui est essentiellement liée à la très bonne résistance du consommateur américain, mais également au maintien d’un niveau élevé de dépenses publiques.”
D’un autre côté, la ligne politique prônée par le nouvel homme fort de la Maison Blanche est aujourd’hui loin d’être claire, mais Julien-Pierre Nouen estime néanmoins qu’un volet évident pour les prochains mois va être le maintien d’une dépense publique “faramineuse”, avec une pérennisation des baisses d’impôts votées en 2017, notamment pour les sociétés qui produisent aux États-Unis. “Cette dépense publique se produit alors que le déficit public s’élève déjà à 7%, ce qui va vraisemblablement entraîner de longues négociations pour parvenir à faire passer les volets budgétaires.”
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Impacts négatifs
Au niveau des tarifs, la situation est floue avec des annonces assez chaotiques, mais Julien-Pierre Nouen rappelle que le président dispose d’importants pouvoirs discrétionnaires dans ce domaine, et qu’il est entouré de beaucoup plus de fidèles du mouvement Make America Great Again que lors de sa première présidence. “Il peut donc agir largement à sa guise, avec un impact potentiellement négatif sur l’activité économique.”
La politique d’immigration est un autre pilier important de la vision économique de Donald Trump, et Julien-Pierre Nouen rappelle qu’elle a été fondamentale pour stabiliser l’économie américaine en 2022 et 2023, et parvenir à faire retomber l’inflation sans passer par la case récession. Il se montre par contre plus favorable aux initiatives qui pourraient être prises en matière de dérégulation. “Nous avons souvent l’image d’une économie américaine qui sera très dérégulée, une appréciation qui est contredite par les études réalisées régulièrement par l’OCDE, notamment en matière des marchés de biens et services. Donc une dérégulation dans ce domaine aurait un impact positif, mais elle prendra du temps à ruisseler sur la croissance économique.”
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Dans l’ensemble, Julien-Pierre Nouen souligne que l’économie américaine devrait continuer de bien se comporter durant les prochains mois, avec un recul de l’inflation qui semble aujourd’hui s’être stabilisé “sur un niveau qui est sans doute un peu trop élevé pour la Réserve fédérale, avec un net recalibrage en cours des attentes du marché quant aux baisses des taux à attendre aux États-Unis”.
“Il n’y a rien qui transforme plus facilement une excellente entreprise en très mauvais investissement qu’un niveau d’achat très élevé.” – Julien-Pierre Nouen (Lazard Frères Gestion)
Réserve de croissance
Au niveau de l’Europe, il constate que si certains secteurs connaissent des moments difficiles (notamment l’automobile), d’autres (services, construction) se sont stabilisés à des niveaux très corrects. “Évidemment, l’Allemagne est dans une situation compliquée avec un PIB qui stagne depuis près de cinq ans, mais les derniers chiffres semblent montrer une dynamique désormais plus favorable, ce qui pourrait indiquer que le pire est désormais derrière nous.”
Julien-Pierre Nouen rappelle également que la zone euro dispose également d’une réserve de croissance importante au niveau de la consommation, avec un taux d’épargne élevé et un pouvoir d’achat qui augmente avec le recul de l’inflation. “Durant les prochains mois, nous devrions avoir une accélération de la consommation qui va se rapprocher de la croissance des revenus salariaux réels”, ce qui pourrait amener la croissance du PIB jusqu’à 1,2% en 2025.
Enfin, la Chine reste un bloc économique sur lequel les perspectives restent actuellement très mitigées, avec une déflation qui s’est installée depuis plusieurs trimestres et une consommation domestique qui reste déprimée. “Il faudra vraisemblablement attendre le mois de mars, et la tenue d’une grande conférence économique du parti communiste chinois, pour avoir des mesures concrètes de relance.”
Approche prudente
En termes d’impact sur les marchés financiers, Julien-Pierre Nouen constate que les marchés américains ont commencé l’année 2025 sur des niveaux de valorisation relativement élevés par rapport aux 20 dernières années, alors que les autres marchés étaient davantage en ligne avec leur moyenne historique. “Sur base des études historiques, nous nous trouvons aujourd’hui sur un niveau où la performance à attendre de la Bourse américaine a souvent été négative sur une période de trois ans.”
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“Les petites capitalisations sont clairement une zone du marché qu’il faudra observer durant les prochains mois.” – Thomas Brenier (Lazard Frères Gestion)
Une grande partie de cette valorisation excessive trouve son origine dans la forte concentration du marché américain autour de quelques valeurs. “En regardant l’indice S&P500 sur base équipondérée (même poids pour toutes les valeurs), la situation est clairement moins problématique. Pour les Magnificent Seven, nous nous attendons à une normalisation des attentes sur leurs résultats, ce qui nous pousse à avoir des allocations assez prudentes sur les actions à l’heure actuelle et ce qui souligne toujours l’importance de garder, malgré la concentration de la performance, une construction diversifiée des portefeuilles. Il n’y a rien qui transforme plus facilement une excellente entreprise en très mauvais investissement qu’un niveau d’achat très élevé.”
Enfin, Thomas Brenier, directeur de la Gestion et de la Recherche Actions chez Lazard Frères Gestion, souligne que si la baisse des taux a généralement un impact positif sur la performance des petites et moyennes capitalisations, il y a généralement un délai de 9 à 12 mois entre la première baisse du taux directeur et le moment où cette classe d’actifs commence à réaliser de bonnes performances boursières. “C’est clairement une zone du marché qu’il faudra observer durant les prochains mois.”
Toujours le crédit
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Au niveau des marchés obligataires, Eléonore Bunel, responsable de la gestion taux chez Lazard Frères Gestion, constate que le crédit a été le meilleur segment en 2024, et notamment la dette à haut rendement qui a été moins exposée à la hausse des taux à 10 ans. “Pour 2025, nous continuons d’être dans un environnement de pentification de la courbe des taux, avec des banques centrales qui vont baisser leur taux directeur pour la partie courte, tandis que les taux longs vont rester soutenus par les questionnements sur le niveau des déficits publics.”
“Le refinancement n’est toutefois plus un point sensible à l’heure actuelle.” – Eléonore Bunel (Lazard Frères Gestion)
Pour le crédit, elle concède que la performance va être principalement dégagée par la baisse attendue des taux courts. “Le refinancement n’est toutefois plus un point sensible à l’heure actuelle, avec des entreprises généralement en bonne santé qui parviennent à se refinancer assez facilement. En outre, les flux entrants restent significatifs sur le crédit, et nous privilégions actuellement un positionnement sur des notations BB ou BBB pour avoir davantage d’exposition sur un segment plus sensible à la baisse des taux.”
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