Amid Faljaoui

“Je sais que je ne sais pas”: petite leçon d’humilité boursière

Dans un monde saturé d’analyses contradictoires et de prédictions catastrophistes, nous devons faire preuve d’humilité. Face à la volatilité des marchés et aux incertitudes politiques, mieux vaut reconnaître qu’on ne sait pas tout… et que personne ne sait vraiment ce que l’avenir nous réserve.

Télé, presse écrite, réseaux sociaux… Et tous, en ce moment, nous annoncent la même chose : la Bourse va plonger encore plus, la récession est là, au coin de la rue, l’inflation va tout emporter, et on est à deux doigts d’une Troisième Guerre mondiale.

Fin du monde dans trois, deux, un…

Mais ce qui m’amuse (ou m’inquiète), c’est que ce sont les mêmes experts — exactement les mêmes — qui, il y a deux ou trois mois à peine, nous expliquaient doctement qu’il fallait absolument investir sur les actions américaines. Les mêmes qui misaient sur les “Trump-trades”. Les mêmes qui voyaient les “7 Magnifiques” (Meta, Apple, Microsoft, Alphabet, Tesla, Nvidia, Amazon) s’envoler sans plafond.

Pour le moment, ils s’en tirent en nous rappelant que tant qu’on a pas vendu ses actions, on n’a pas perdu. Et qu’il faut bien se diversifier. Merci, docteur !

Et surtout, ce sont les mêmes qui n’ont pas vu venir le Brexit, ni Trump en 2016. Des visionnaires à mémoire de poisson rouge, recyclés en boucle sur les plateaux. Et je vous rassure, je mets les médias aussi dans le même sac. Il faut aussi savoir battre sa propre coulpe. Alors qu’avec un peu d’humilité, il faudrait dire comme Jean Gabin dans sa chanson : “Je sais que je ne sais pas.” Et c’est peut-être la seule position intellectuellement honnête dans un monde où tout change… très vite, à la vitesse d’un tweet trumpien.

Prenons l’exemple que tout le monde commente : les tarifs douaniers voulus par Trump. Oui, ils vont grimper. Oui, ils auront un impact. Mais est-ce que ça va provoquer une inflation incontrôlable ou un effondrement de la croissance ? Calmons -nous. Personne n’en sait rien. Il y a la mécanique, les modèles économétriques. Et puis, il y aura la réalité. Des exemples parmi d’autres ? Même avec une hausse de 20 %, un ouvrier mexicain restera moins cher qu’un ouvrier américain.

Les entreprises ne vont pas relocaliser leurs usines aux États-Unis du jour au lendemain. Pourquoi ? Parce que délocaliser coûte cher. Très cher. Et prend du temps. Beaucoup de temps. Plusieurs années, au bas mot, pour implanter une usine. Or, dans deux ans… en novembre 2026, Trump pourrait avoir perdu les élections de mi-mandat.

Et surtout (deuxième exemple) : vous imaginez Apple assembler ses iPhones aux États-Unis ? Aujourd’hui, le coût d’assemblage d’un iPhone en Chine tourne autour de 30 dollars. Aux États-Unis, ce serait dix fois plus selon les derniers calculs : 300 dollars par appareil. Ajoutez à cela l’infrastructure à créer, les compétences à retrouver, les délais à absorber… C’est économiquement intenable. Même avec des droits de douane à 54 %, l’option la plus rationnelle pour Apple reste… de continuer à produire en Asie. Puis, autre élément oublié des alarmistes : le pétrole a baissé de 7 % la semaine dernière.

L’OPEP promet d’augmenter la production. Les taux d’intérêt reculent. Le dollar aussi, sans oublier les devises de pays exportateurs comme le Vietnam ou le Cambodge. Tout cela soutient ou soutiendra aussi le pouvoir d’achat des ménages américains. Et pourrait même compenser, en partie, les effets des nouvelles taxes.

Et Trump, dans tout ça ?

Il ne cherche pas le chaos. Il cherche le deal. C’est l’auteur du livre The Art of the Deal, souvenez-vous. Ce qu’il veut, c’est négocier. Et surtout gagner les élections de mid-term en novembre 2026. Aux Etats-Unis, certains pensent même qu’il utilisera les recettes fiscales générées par les tarifs pour alléger les impôts des classes populaires. Objectif : popularité maximale.

Mais le vrai danger, dont personne ne parle ou presque, c’est Jerome Powell. Le président de la Fed. Or, le locataire de la Maison Blanche le déteste. Si Trump tente de l’évincer pour le remplacer par un fidèle, alors là, oui, le marché pourrait paniquer. La raison ? On entrerait dans un scénario à la turque : banque centrale aux ordres, inflation galopante, taux d’intérêt à 42 % comme à Ankara.

Ce n’est pas une fiction. C’est un scénario qu’il faut aussi envisager. Alors non, ce n’est pas la fin du monde. Pas encore. Non, ce n’est pas le début non plus. C’est juste un monde flou. Volatile. Contradictoire. Et dans ce brouillard, prétendre tout savoir, c’est sans doute le plus grand des aveuglements. Restons sceptiques. Humblement sceptiques.

Au fond, chers abonnés, chers lecteurs, c’est peut-être ça, la vraie compétence rare aujourd’hui.

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