L’industrie des semi-conducteurs tourne à plein régime et ses perspectives à moyen terme sont prometteuses. Nous avons décidé de lui consacrer une série en trois parties. Ce premier volet explique ce qu’est un semi-conducteur et ce que font les trois principaux fabricants de puces néerlandais.
Plus de 1.000 milliards de semi-conducteurs sont produits chaque année dans le monde. Cela correspond à 125 unités environ par an, par personne vivant sur Terre, c’est dire si la demande est forte. Il existe divers types de semi-conducteurs : aux puces informatiques destinées aux calculs s’ajoutent celles utilisées pour les communications sans fil, celles qui permettent de procéder à des mesures ou encore les puces mémoire, qui interviennent dans le stockage des données.
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L’industrie utilise énormément de semi-conducteurs. La voiture du futur, qui sera entièrement électrique et vraisemblablement, autonome, stimule la demande. Le nombre d’appareils intelligents connectés à Internet va lui aussi continuer de grimper. Les services cloud sont de plus en plus utilisés et les centres de données (qui font un usage abondant de semi-conducteurs) poussent comme des champignons – et nous n’avons pas encore évoqué les smartphones, les applications militaires, l’efficacité énergétique, les soins de santé, la cybersécurité ou l’intelligence artificielle. En d’autres termes, les semi-conducteurs sont de plus en plus sophistiqués et la demande ne cesse de s’intensifier, dans tous les domaines d’application possibles.
La croissance constante enregistrée par le secteur depuis plusieurs années n’est sans doute pas près de toucher à sa fin. Selon maints bureaux d’analyses, le chiffre d’affaires devrait passer de 600 milliards de dollars environ en 2024 à 1.200 milliards de dollars au bas mot d’ici au terme de la décennie.
Qu’est-ce qu’un semi-conducteur ?
Un circuit imprimé supporte de petits boîtiers métalliques de couleur noire qui, une fois ouverts, laissent voir de minces plaques brillantes en silicium – ce sont les semi-conducteurs. Extrêmement fines, ces plaques ne sont généralement pas plus grandes que l’ongle du petit doigt. Chacune d’elles contient un nombre considérable de transistors, qui sont de minuscules commutateurs à deux positions : marche et arrêt.
Il est globalement permis d’affirmer que plus une puce contient de transistors, plus elle est rapide. Grâce à la miniaturisation, des semi-conducteurs microscopiques peuvent désormais accueillir des milliards de transistors. Les transistors les plus petits actuellement produits à grande échelle ont une largeur de trois nanomètres environ (ils sont d’ailleurs appelés “3 nanomètres”, même si cette mesure ne leur correspond pas toujours précisément) ; à titre de comparaison, le diamètre d’un cheveu dépasse 30.000 nanomètres.
Production
La production commence par la fabrication de la plaquette – le “wafer” –, sur laquelle la puce sera posée. Les plaquettes de silicium étant des “semi”-conducteurs, elles peuvent véhiculer le courant, mais aussi, le bloquer, ce qui est parfait, pour un transistor qui doit être activé et désactivé en permanence.
Le silicium est une des matières premières les plus abondamment présentes sur Terre. On en trouve par exemple dans le sable. Pour fabriquer une plaquette, un type particulier de sable est purifié à l’extrême, fondu, puis cristallisé jusqu’à former un grand cylindre. Celui-ci est ensuite découpé en fines lamelles : les plaquettes. Les plaquettes peuvent être de tailles diverses, mais la plupart ont un diamètre de 30 centimètres.
Chaque plaquette permet de fabriquer une multitude de semi-conducteurs simultanément – leur nombre exact dépend du type de puce. Les semi-conducteurs qui entrent dans la composition des iPhone mesurent quelque 90 mm², et chaque plaquette peut en contenir des centaines. Les puces les plus grandes, comme celles produites par Nvidia dans le contexte de l’intelligence artificielle, peuvent faire jusqu’à 10 fois cette taille. Ici, chaque plaquette contient une soixantaine de puces. C’est une fois la plaquette prête que le véritable processus de production commence et que les semi-conducteurs sont assemblés, couche après couche, dans les usines de TSMC ou de SMIC, par exemple.
Qui fait quoi ?
En très gros, l’on distingue les fabricants de machines à puces, les producteurs de puces et les concepteurs de puces. Les premiers fournissent les outils spécialisés indispensables à l’ensemble du processus de production. Les entreprises spécialisées dans la conception ne produisent pas elles-mêmes de semi-conducteurs. Il existe par ailleurs des sociétés qui, comme Intel, Samsung ou Micron, se chargent à la fois du développement et de la production des puces.
Les Pays-Bas ne comptent pas moins de trois grands fabricants de semi-conducteurs. Les voici, en quelques mots.
ASML : quasi-monopole
Le procédé lithographique, qui consiste à graver des motifs sur les plaquettes, est la spécialité d’ASML. Les analystes qualifient cette activité de principale étape du processus de production de semi-conducteurs avancés. Forte de sa vaste gamme de produits, ASML détient plus de 90% des parts de marché du segment de la lithographie. Pour les machines de lithographie extrême ultraviolet les plus avancées, sa part de marché atteint même 100%. La complexité de l’outillage et la taille de l’écosystème sous-jacent (plus de 5.000 fournisseurs) rendent insignifiant le risque de concurrence.
Les principaux clients d’ASML sont les fabricants de semi-conducteurs TSMC, Samsung, Intel, Micron et SK Hynix. Compte tenu des perspectives de croissance dont peut se prévaloir le secteur et de l’objectif à moyen terme fixé par la direction, un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros d’ici à 2030, assorti d’une marge brute de plus de 50%, semble relever de l’ordre du possible. Si le groupe continue à racheter régulièrement ses actions, le bénéfice pourrait excéder 50 euros par titre.
Le cours est passé de 600 à 900 euros en quelques mois, sans augmentation notable des bénéfices prévisionnels. Trente-cinq fois les bénéfices escomptés pour l’an prochain, c’est actuellement trop cher pour recommander d’acheter. Nous conseillons donc de conserver, et de profiter des corrections intermédiaires pour intensifier les positions.
ASMI : abaissement de la recommandation
ASM International (ASMI) fabrique elle aussi des machines qui interviennent dans la production de semi-conducteurs, mais il s’agit dans son cas de machines de dépôt, une étape davantage en amont du processus. Le dépôt consiste à appliquer de fines couches de matériau, dont chacune sera constitutive de la structure finale, sur la plaquette. ASMI détient plus de 50% du marché du dépôt de couches atomiques. Ultrafines, ces tranches autorisent le recours à des transistors miniaturisés.
À l’instar d’Applied Materials et de Lam Research, ses concurrentes, ASMI envisage l’avenir avec optimisme. Sa direction table pour 2030 sur un chiffre d’affaires d’au moins 5,7 milliards d’euros, ce qui correspond à une croissance de 12% par an en moyenne au minimum. La marge brute devrait se situer entre 47% et 51%. Nous avions relevé notre recommandation à “acheter” cet été, à l’issue d’un deuxième trimestre décevant qui avait fait perdre 20% au titre. Le recul étant désormais entièrement compensé, nous ramenons prudemment notre conseil à “conserver”.
Besi : nouvelle technologie prometteuse
Contrairement à ASML et ASMI, Besi est un fabricant de machines actif au stade de l’encapsulation, soit en aval du processus. Le collage hybride, qui permet d’empiler verticalement les puces (“puces empilées en 3D”), est une nouvelle technologie extrêmement prometteuse. La direction mise sur un chiffre d’affaires de 1,6 à 1,9 milliard d’euros sur cinq ans, pour une marge brute qui devrait être comprise entre 64% et 68%. Besi devrait clore l’exercice en cours sur un chiffre d’affaires de 585 millions d’euros approximativement.
Même si l’action s’est récemment appréciée, une multiplication par trois du chiffre d’affaires et des bénéfices pourrait, à terme, la faire progresser beaucoup plus encore. Rien n’est jamais acquis, évidemment, mais nous y croyons. Besi est en tout cas bien placée pour tirer profit des projets d’investissement d’OpenAI et de la révolution de l’intelligence artificielle, pour ne citer qu’eux. Si les objectifs fixés pour 2030 sont atteints, le bénéfice par action devrait tourner autour de 9 euros. C’est donc cette action qui, relativement, a le plus de potentiel. Les opportunités que nous distinguons à terme nous inspirent confiance. Chaque recul (significatif) ouvre une nouvelle fenêtre d’achat.