Investir : comment gérer la volatilité des marchés ? “Ce n’est pas le moment de faire des changements drastiques”

Olivier Pauwels. Images : Erik McGregor/LightRocket via Getty Images - BlackRock.
Charly Pohu

Les marchés ont été chamboulés sur ces premiers mois de 2025. La volatilité est prononcée. Dans un nouveau rapport, BlackRock fait le point sur ce que cela veut dire pour les investisseurs et leurs portefeuilles.

L’allocation d’actifs est tout un art. Qui se pratique de manière régulière, au gré des marchés, de l’économie, mais aussi de considérations personnelles, sur le court terme mais aussi le temps long. Pour aider les investisseurs à faire le point, BlackRock, géant de la gestion de fonds, publie régulièrement un rapport intitulé Investment Directions (lire encadré en fin d’article), qui analyse la situation macro-économique et ce qu’elle peut vouloir dire pour les portefeuilles.

Olivier Pauwels, responsable Wealth et Stratégies Multi asset chez BlackRock, nous donne plus de détails.

Trends-Tendances : Les marchés sont très volatils ces derniers mois. Comment faut-il réagir, en tant qu’investisseur ?

Olivier Pauwels : “Dans les conversations que nous avons avec nos clients, nous indiquons surtout qu’il n’est pas le moment de faire des changements drastiques dans les portefeuilles. Le contexte est tellement incertain et les marchés financiers sont tellement volatils que si on fait des changements drastiques aujourd’hui, il y a le risque d’un retournement rapide et on se trouve à ne pas être bien positionné. Ce que nous préconisons plutôt, c’est de rester concentré sur le long terme.

‘Avec l’incertitude, la volatilité, la possibilité d’une récession aux Etats-Unis… est-ce bien le bon moment d’investir?’ Voilà LA question qui revient le plus souvent, en ce moment. La réponse que nous donnons est la suivante : quand vous êtes investisseur, vous investissez pour un certain objectif, comme votre pension ou pour constituer une épargne pour vos enfants… Avec ces objectifs, il y a un but à long terme. Tant que ce but et son horizon n’ont pas changé, vous devez rester investi, en fonction de votre capacité à prendre du risque bien sûr. Si vous avez un goût modéré et que vous avez un portefeuille réparti en 50% actions et 50% obligations, par exemple, vous ne devez pas tout de suite passer à un ratio de 20-80 ou 80-20. Si votre objectif et votre horizon n’ont pas changé, il n’y a pas de raisons de modifier votre portefeuille ou de commencer à faire des choses drastiques.

Puis, en termes d’opportunités, il y a des thématiques à long terme comme l’intelligence artificielle, que nous trouvons très intéressantes et qui restent importantes malgré la volatilité actuelle.”

Dans votre rapport, vous parlez notamment d’investir en Europe.  

“De manière générale, l’Europe, et surtout les annonces de soutien fiscal pour l’infrastructure et la défense qui ont été faites, en l’Allemagne et à niveau de l’UE, sont peut-être la plus grande surprise que nous avons vue depuis le début de l’année. En dehors des droits de douane des États-Unis et du contexte américain. Et c’était, de surcroît, une surprise positive. C’est quelque chose que nous avons déjà vu par le passé : dans les moments de grande incertitude, l’Europe arrive à se réveiller, et c’est à nouveau le cas ici. C’est clairement une bonne nouvelle et nous ne nous y attendions pas. 

Ensuite, il y a aussi des points d’attention. La question des soutiens fiscaux a notamment évolué à ‘comment est-ce qu’on va dépenser cet argent?’ – c’est devenu la question la plus importante. Puis il y a les contraintes et limites en termes de capacité de production. Différentes grandes entreprises européennes, comme Airbus, annoncent tous les trimestres dans leurs résultats qu’elles ne trouvent pas assez de travailleurs et ingénieurs pour faire face à la demande. Donc même si l’argent est là, il faut savoir le dépenser. Et il faut trouver un équilibre entre le dépenser localement et le dépenser en Chine ou aux États-Unis. 

Le côté positif de l’Europe, c’est que même si la croissance est en train de diminuer, le momentum est devenu beaucoup plus positif. Nous avons une vue beaucoup plus positive sur le secteur financier, la défense et les utilities (entreprises de services dits publics, comme l’eau ou la distribution d’énergie). Pour la défense, il y a notamment les points d’attention suivants. Là aussi se pose la question de l’exécution. Et les investisseurs ont pris les devants et les valorisations ont fortement augmenté depuis le début de l’année. Cela ne veut pas dire que nous ne trouvons pas de point d’entrée intéressant, mais il faut prendre cet élément en compte.

Nous pensons que les actions européennes bénéficient d’un ensemble unique de facteurs favorables en 2025, même s’il est important d’être sélectif, car tous les secteurs et toutes les entreprises ne bénéficieront pas de manière égale. La surperformance de l’Europe par rapport aux actions américaines a été la plus importante de tous les mois de janvier depuis une décennie, et cette tendance s’est poursuivie pendant une grande partie du premier trimestre. Les catalyseurs de la poursuite de la surperformance européenne restent présents et pourraient être renforcés par un élan positif au cours des prochains mois.”

Y a-t-il des secteurs et des pays qui ont de meilleures opportunités que d’autres, en Europe ?

“L’approche dont nous parlons est plutôt une sélectivité au niveau des secteurs qu’au niveau des pays. Cette sélectivité est importante : car toutes les actions européennes ne sont pas un screaming buy (très forte recommandation d’achat, NDLR). Dans l’incertitude actuelle, il faut être plus sélectif et trouver un équilibre entre des valeurs cycliques et défensives, d’où les secteurs que j’ai indiqués. Ces valeurs sont réparties à travers tout le continent.”

Dans le rapport, vous parlez aussi d’inclure du bitcoin dans les portefeuilles.

“Oui, et c’est une demande que nous constatons aussi du côté des clients. Nous, de notre côté, nous faisons des recherches sur comment diversifier un portefeuille dans ce nouveau régime de marché. Traditionnellement, un portefeuille bien diversifié est composé d’actions et d’obligations, où ces dernières servent de valeur refuge pour compenser la volatilité des actions. Comme on a pu le constater ces dernières années et aussi en 2025, ce rôle de valeur refuge des obligations et de moins en moins présent. Dans les équipes de recherche sur les stratégies multi-actifs, nous réfléchissons à quelles sont les alternatives pour garder la diversification. Les actifs privés et l’or peuvent jouer un rôle, par exemple. Les investisseurs devront adopter une approche plus active de la construction de portefeuille et faire preuve de davantage de granularité.

Le bitcoin et d’autres actifs numériques constituent une classe d’actifs que nous suivons de près : peuvent-ils contribuer à la diversification ? Nous menons actuellement des recherches à ce sujet, et les premières conclusions suggèrent que, pour les investisseurs disposant des connaissances appropriées et capables de tolérer les fortes baisses à court terme qui peuvent être associées au bitcoin, celui-ci pourrait avoir un rôle à jouer. Cela dit, il ne représenterait de toute façon qu’une part très limitée d’un portefeuille, de l’ordre de 1 à 2%.”

Est-ce que cette allocation pourrait augmenter à l’avenir ?

“Notre recherche ne semble pas l’indiquer, notamment à cause de cette volatilité. Si, et cela reste conditionnel, la volatilité baisse, alors peut-être que les cryptomonnaies pourraient avoir une place plus importante. Mais ce n’est pas quelque chose que nous envisageons sur le court terme, d’où cette allocation faible.”

Quelle est la temporalité des avis que vous donnez ? C’est pour du long terme ? 

“Il ne s’agit pas des flux de marché tactiques qui peuvent changer d’une semaine à une autre. Certaines tendances que nous mettons en avant, comme l’intelligence artificielle ou d’autres mégaforces, sont clairement des tendances à long terme. Pour l’Europe, c’est une vue actuelle. Est-ce qu’elle sera encore aussi positive dans un an ? Cela dépendra du contexte et de la performance.”

Les perspectives d’allocations, en 4 points

“Comment les investisseurs devraient positionner leurs portefeuilles afin de naviguer dans un contexte de forte volatilité, tout en identifiant des opportunités de performance via des actifs diversifiants”

Actions – Gérer la volatilité tout en gardant une vision long terme :

Dans un contexte de volatilité accrue et d’incertitude, nous restons investis en actions – en gérant les risques à court terme tout en nous positionnant pour les opportunités à plus long terme. Nous nous tournons vers l’Europe à mesure que les capitaux se réorientent vers la région, tout en maîtrisant la volatilité et les risques de baisse, et en nous positionnant sur les gagnants à long terme.

Revenus fixes (l’obligataire) – Saisir les opportunités en Europe :

Les banques centrales des marchés développés – en particulier aux États-Unis – devraient maintenir des taux élevés plus longtemps dans ce cycle, ce qui engendre plus de volatilité sur les maturités longues. Les investisseurs dépassent donc les indices de référence traditionnels. Nous identifions des opportunités pour être plus sélectifs sur l’IG en euros (investment grade) et privilégions les produits à échéance fixe pour verrouiller les rendements.

Actifs diversifiants & instruments d’optimisation – Diversifier face aux risques de stagflation :

L’inflation américaine pourrait rester élevée, même si la croissance ralentit – nous cherchons à gérer les risques avec l’or et les obligations indexées sur l’inflation. Nous voyons un intérêt à réduire l’exposition au bêta de marché global et à diversifier les sources de risque/rendement via des alternatives liquides, dans un environnement où les corrélations sont moins fiables.

Repensez le portefeuille :

Nous cherchons à améliorer les rendements potentiels en combinant les marchés publics et privés, et en explorant de nouvelles opportunités de diversification des rendements grâce aux actifs numériques.

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