Fonds: prudence confirmée sur les actifs américains

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Durant l’été, l’impact des mesures de l’administration Trump va commencer à se faire sentir dans les chiffres économiques.

Les analystes se sont récemment livrés au petit jeu des prévisions économiques et financières à l’issue d’un premier semestre particulièrement bouleversé sur les marchés financiers. Pour Christofer Govaerts, stratégiste en chef chez Nagelmackers, un exercice 2025 plus modéré était relativement logique après deux excellentes années. “Trump 2.0 a toutefois été la pire nouvelle administration américaine pour les investisseurs depuis 1975”, dit-il. Et contrairement aux attentes de la plupart des stratégistes, ce sont les marchés européens qui ont tiré la performance.

“Je pense que nous avons aujourd’hui dépassé le pire en ce qui concerne les tarifs, mais personne ne peut actuellement dire sur quels niveaux ils vont se stabiliser à l’issue du moratoire qui vient à expiration en juillet, et ceux qui prétendent le savoir vous mentent”, souligne Benjamin Jones, director of macro research chez Invesco. En conséquence, il estime que la volatilité va continuer de dominer les marchés durant les prochains mois.

Pression économique

Les stratégistes n’envisagent pas que l’économie américaine puisse entrer en récession. “La croissance mondiale est partie pour être sur un de ses niveaux les plus faibles des 20 dernières années suite à l’accumulation de chocs intervenus depuis le début de l’année”, estime Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques chez Lazard Frères Gestion. Celui-ci pointe notamment l’impact des taux élevés sur le marché immobilier américain, avec un taux hypothécaire à 30 ans de 7% et bloque les acheteurs.

Cette incertitude importante a commencé à se marquer dans la dégradation des indicateurs de sentiment, et pourrait commencer à impacter les chiffres de la croissance et de l’emploi durant les prochaines semaines. “L’administration Trump a remis en question le modèle de globalisation qui avait soutenu les entreprises pendant plus de 30 ans, estime Guillaume Lasserre, CIO de La Banque Postale Asset Management. Je pense que les marchés sont actuellement beaucoup trop conciliants face aux risques liés à cette guerre commerciale.”

Polarisation

Au niveau des politiques monétaires, les stratégistes sont aujourd’hui très partagés sur l’évolution du taux directeur américain. Certains estiment que la hausse de l’inflation suite à l’entrée en vigueur des tarifs va repousser les éventuelles baisses de taux vers 2026, voire entraîner un nouveau durcissement des conditions monétaires.

D’autres estiment que la dégradation de l’économie risque de pousser rapidement la Fed à agir, avec deux ou trois baisses de taux pour le reste de l’année. “Il y a clairement une polarisation, notamment sur la manière dont les tarifs vont impacter l’économie, constate Philippe d’Orgeval, deputy CIO chez Amundi. A minima, nous pensons que le tarif moyen qui devrait atteindre 15% pour l’ensemble des importations, avec une dégradation des indicateurs qui poussera la Fed à agir.”

À l’inverse, la situation de la BCE semble aujourd’hui plus facile à appréhender, avec une croissance économique qui va être progressivement soutenue par les différents plans d’infrastructure, et une inflation qui est en train de retomber sous l’objectif de 2%. La BCE pourrait donc encore procéder à plusieurs baisses de son taux directeur, pour tomber entre 1,5 et 1,75% d’ici la fin 2025.

Rééquilibrage

Les stratégistes pointent aujourd’hui le besoin d’avoir une approche plus diversifiée que durant la décennie précédente, avec une unanimité assez large sur le besoin de réduire le positionnement sur les actions américaines. Christofer Govaerts estime que les prochains mois devraient rester difficiles pour les actions américaines, avec une possible embellie pour les derniers mois de 2025. “Dans l’ensemble, nous pourrions avoir une performance stable sur l’ensemble de l’année”, dit-il.

Oliver Collin, co-head of European equitites chez Invesco, souligne que l’Europe devrait se montrer plus résiliente que par le passé en cas de ralentissement fort au niveau des États-Unis. “Le redressement de l’économie allemande, qui représente un quart du PIB européen et qui est en récession depuis deux ans, constitue un élément significatif à cet égard, avec des plans de relance susceptibles de soutenir la croissance durant les prochaines décennies.”

Philippe d’Orgeval souligne également rester légèrement positif sur les actions, “dans un contexte où la récession ne se produit pas et où les bénéfices continuent de progresser. Nous avons adopté une approche plus équilibrée sur les États-Unis et une surpondération sur l’Europe, avec une exposition renforcée sur les petites et moyennes capitalisations”. “Nous apprécions également les perspectives offertes par cette classe d’actif”, déclare de son côté Julien-Pierre Nouen. Il souligne que ce segment sera davantage impacté par les baisses de taux de la BCE.

Tout le monde ne partage toutefois pas cet avis, et notamment Nicolas Forest, CIO chez Candriam, qui conserve une allocation plus importante sur les actions américaines. “Notre principale conviction reste actuellement la technologie. À long terme, le thème de la transformation technologique et de l’intelligence artificielle va rester au centre de nos allocations d’actifs.”

Prudence souveraine

Au niveau des marchés obligataires, il faut aujourd’hui faire une distinction importante entre la dette souveraine et la dette d’entreprise. Les stratégistes sont très prudents sur les souverains américains, en raison de l’impact de la loi fiscale en cours de négociation au niveau du Sénat américain. La dette souveraine américaine a d’ailleurs largement perdu son statut de valeur refuge durant les derniers mois. “Si Donald Trump parvient à faire passer son programme, la situation va devenir vraiment néfaste pour les États-Unis, et nous n’avons d’ailleurs plus d’exposition sur ce segment du marché à l’heure actuelle”, constate Guillaume Lasserre.

De son côté, Philippe d’Orgeval estime toutefois qu’il ne faut pas spécialement craindre une montée du taux à 10 ans au-dessus de 5%. “À partir de ce niveau, il y aura beaucoup de forces qui se mettront en place, avec une intervention probable de la Fed et des flux entrants de la part des investisseurs, un niveau de 5% constituant souvent un signal d’achat pour de nombreux investisseurs.”

Obligations entreprises

À l’inverse, sur la dette d’entreprise, le consensus est assez favorable avec une situation financière qui reste généralement très saine, avec des taux de défaut qui devraient rester largement sous contrôle en dépit d’une croissance économique qui restera faible. De son côté, le dollar devrait rester sous pression en raison des incertitudes provoquées par l’administration Trump et des rééquilibrages des portefeuilles en dehors des États-Unis, avec un plancher qui est généralement estimé autour de 1,2 dollar pour 1 euro.

De même, l’or reste considéré comme un actif à détenir chez plusieurs stratégistes, en raison de son potentiel de diversification des risques et de protection des portefeuilles dans un contexte d’incertitude élevé. “Le métal jaune reste supporté par les achats des banques centrales émergentes, et par une croissance de l’offre qui va rester limitée”, conclut Benjamin Jones.

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