Mars a été un record pour les ETF en actions européennes. Autant les investisseurs domestiques que les américains se sont rués sur ces actifs, constate BlackRock. Et quel impact y a-t-il eu en avril, lors de la tempête boursière provoquée par les droits de douane de Trump ?
En bourse, l’un des marchés qui a rallyé en ce début d’année est l’Europe. Un sujet qui était sur toutes les lèvres, avant que l’actualité autour des droits de douane de Trump ne prenne (complètement) le dessus.
Ce rallye n’est donc pas passé inaperçu, et cela s’est également reflété dans les achats d’ETF. Mars a ainsi été un mois de tous les records pour les fonds reprenant les titres européens, constate BlackRock, numéro un mondial de la gestion d’actifs, dans un rapport sur les flux du marché des ETF, que Jérôme Folcque, co-directeur de la division Wealth de BlackRock en Belgique & Luxembourg, analyse avec nous. Voici quelques chiffres :
- Les investisseurs ont acheté (en net!, c’est-à-dire achats moins ventes) pour 20,8 milliards de parts d’ETP (grande famille des ETF) d’actions européennes. C’est un nouveau record… battant largement l’ancien record mensuel de 14,7 milliards de dollars datant d’il y a pile dix ans. C’est aussi plus de la moitié des flux entrants nets de tout le premier trimestre (39 milliards d’euros).
- Les investisseurs américains notamment étaient friands de valeurs européennes : les ETP d’actions européennes cotés aux États-Unis ont vu des flux entrants de 7,7 milliards de dollars. C’est le deuxième meilleur mois de l’histoire, après mars 2015 (8,6 milliards). Là aussi, le mois de mars est un point de rupture : sur les deux premiers mois de l’année, c’étaient surtout des Européens des ETF d’actions européennes.
- Autre record : celui des flux vers les fonds reprenant l’industrie européenne en particulier. Les décisions de l’Allemagne et de l’UE d’investir davantage dans l’armement et dans l’infrastructure ont inspiré les investisseurs. Ils ont ainsi injecté 1,5 milliard de dollars dans les ETF de l’industrie européenne… soit quatre fois l’ancien record, datant de février 2025. Dans le même contexte, les flux vers les moyennes capitalisation européennes battent aussi un record en mars (2 milliards de dollars), tout comme vers les ETP d’actifs allemands (4,3 milliards).
- Le secteur financier se débrouille très bien aussi, avec des flux de 1,7 milliard de dollars. Ce n’est juste pas assez pour établir un nouveau record (1,7 milliard de dollars, en juillet 2017).
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La Bourse de Wall Street reste la reine des marchés, mais…
L’Europe avait le vent en poupe en mars, mais elle n’a pas encore su battre les États-Unis. En termes de flux vers les ETP, du moins… car en ce qui concerne les performances des indices boursiers, le Vieux Continent a fait mieux. Les flux vers les fonds reprenant des actifs américains ont été de 52,8 milliards de dollars. C’est plus qu’en février.
Mais d’un point de vue sectoriel, l’Europe a fait aussi bien que les Etats-Unis. “La tendance cyclique des flux sectoriels d’actions européennes par rapport à leurs homologues américains a été notable en mars. Les volumes globaux de flux sectoriels pour l’Europe étaient équivalents à ceux des États-Unis – une tendance inhabituelle compte tenu de l’univers objectivement plus vaste des ETP pour les secteurs américains”, peut-on lire.
Actions avant tout
Sinon, à échelle mondiale, les investisseurs ont injecté 149,9 milliards de dollars dans des ETP, en mars. Sur ce chiffre, 112,8 milliards de dollars sont allés vers des fonds en actions. Les flux vers les actifs à rendement fixe (comme des ETF obligataires) ont baissé de moitié entre février et mars (à 82,2 milliards) et les investisseurs ont donc davantage misé sur les actions. Mars est ainsi aussi une inversion de la tendance constatée en début d’année : sur le premier trimestre, les investissements en ETF d’actions étaient en baisse par rapport au dernier trimestre de 2024, et les investissements dans les obligations en hausse. “Les investisseurs ont pris leurs gains après ces deux dernières de hausses des actions, et se sont diversifiés avec des obligations, pour réduire les risques, avec l’incertitude liée à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump”, analyse Jérôme Folcque.
Les ETP de matières premières, dont avant tout d’or, ont représenté 7,4 milliards de dollars. Le marché japonais a représenté 5,3 milliards de dollars et les marchés émergents 8,1 milliards, en mars.
Pour les secteurs, “au niveau mondial, les technologies (14,1 milliards de dollars) ont continué à dominer les flux sectoriels, tandis que les valeurs industrielles (1,1 milliard) et financières (4,2 milliards) sont restées populaires. Les flux vers les entreprises de services publics (1,3 milliard) ont augmenté pour atteindre leur plus haut niveau depuis juillet 2024 – lorsque les investisseurs ont vu des opportunités de jouer la baisse des taux. Les flux mondiaux Les flux de la santé mondiale restent négatifs à -1,6 milliard de dollars”, explique BlackRock.
Droits de douane
Tout cela, c’était en mars. Au début du mois d’avril, Donald Trump a sérieusement secoué les marchés avec ses nouveaux droits de douane. Comment cela s’est-il reflété sur les ETF ? Jérôme Folcque nous explique : “Les flux nets vers les ETF d’actions ont été négatifs, sur la semaine du 2 au 9 avril. C’est une première en 52 semaines. Il y a surtout eu des ventes d’actions américaines. Pour l’Europe, le tableau est mitigé : l’Europe dans son ensemble est légèrement en baisse, mais la zone euro est en hausse (avec 653 millions d’euros), en ce qui concerne les flux nets. La Suisse et l’Allemagne notamment ont vu des flux positifs.”
Les ETF obligataires voient aussi des sorties nettes (-4,2 milliards de dollars) sur la semaine, mais cela concerne surtout les crédits d’entreprises, plus risqués dans un contexte de récession potentielle. Les ETF de matières premières (+1,35 milliard), dont surtout l’or (+600 millions) ont continué à attirer des fonds. Sorties nettes aussi pour les marchés émergents, dont avant tout la Chine.
“La journée après le ‘Liberation Day’ a vu des volumes record s’échanger, valant 1.540 milliards de dollars. 37% de cette valeur échangée sont des ETF. Cela confirme que les ETF ont une place importante sur les marchés financiers”, retrace Jérôme Folcque.
La minute éducation financière
Après les chiffres et tendances du mois de mars et du premier trimestre, Jérôme Folcque fait aussi le point sur un sujet d’éducation financière. Qu’est-ce que la réplication d’un ETF ? Quel peut être l’impact sur le rendement et à quoi doivent faire attention les investisseurs.
“Il y a deux types de réplication : la réplication physique et la réplication synthétique. Pour le premier, l’ETF détient les titres vifs sous-jacents à un indice. Par exemple les actions des 50 entreprises de l’Euro Stoxx 50, si c’est un ETF qui réplique cet indice. Pour le deuxième, il s’agit de produits dérivés, comme des swaps : le gestionnaire du fonds va échanger la performance d’un indice contre un panier d’autres titres.”
“Il y a ensuite différents types de réplication physique. Le premier est la réplication totale : cet ETF reprendre exactement les mêmes titres, avec quasi la même pondération (il y a une part minime de cash dans le fonds également), que l’indice en question. Le deuxième est la réplication optimisée : elle s’applique aux marchés émergents, par exemple, car il peut y avoir certains titres d’un indice, qui ont une part minime dans un indice, qui ne sont pas liquides et chers à négocier. On ne va donc pas les inclure dans l’ETF, dans un souci d’efficience. Le troisième type est l’échantillonnage. Il compte pour les obligations. Les indices sont plus difficiles à répliquer car c’est un marché moins transparent. On va donc segmenter ces indices en différents éléments, comme la durée des obligations, les secteurs, etc., puis remplir ces cases avec des obligations pour être le plus proche des indices.”
“L’investisseur doit être conscient de ces choix. Mais tout dépend in fine de ce qu’on veut répliquer. Les risques ne sont pas les mêmes non plus : pour la réplication synthétique, il y a le risque de contrepartie. C’est quand la contrepartie de l’échange ne respecte pas ses obligations.”