Des conditions favorables pour le crédit européen

En dépit d’un environnement macroéconomique difficile, les fonds exposés sur le crédit européen devraient bien se comporter.
En dépit de données économiques qui restent encore relativement favorables en ce début d’année 2025, les incertitudes monétaires causées par l’administration Trump ont augmenté significativement les risques sur la croissance et l’inflation, avec un risque de stagflation (environnement combinant inflation élevée et croissance faible) qui a considérablement augmenté aux États-Unis.
Avantage Europe
Dans ce contexte, la Réserve fédérale américaine fait face au défi de devoir gérer une inflation résiliente avec des perspectives économiques qui se dégradent. Le marché semble convaincu que des baisses du taux directeur pourraient être annoncées dans les prochains mois, mais Marc-Antoine Collard, chef économiste chez Rothschild & Co Asset Management, estime que ce raisonnement pourrait se révéler erroné car le ralentissement de la croissance pourrait ne pas s’accompagner d’un fort recul de l’emploi au vu des conditions du marché très tendues, renforcées par la politique de lutte contre l’immigration clandestine depuis le début janvier. “La Fed aura également du mal à ignorer les augmentations de prix liées aux droits de douane si elles entraînent une hausse des attentes en matière d’inflation.”
Dans ce contexte, l’environnement semble aujourd’hui plus favorable en Europe, avec une inflation qui continue de refluer, et une activité économique soutenue par les plans d’investissements, notamment pour améliorer les infrastructures et relever les capacités de défense militaire de la zone euro. Les fonds exposés sur le crédit européen devraient bénéficier de cet environnement.
Nous avons repris dans notre tableau une dizaine de fonds avec des encours supérieurs au milliard d’euros, avec un historique de performance supérieur à cinq ans, et affichant une notation Morningstar de trois étoiles ou plus. En tête du classement, nous trouvons un trio de stratégies qui ont la possibilité de pouvoir prendre des positions à la baisse, et de se couvrir en cas de hausse des taux longs.

Prime de complexité
Carmignac Portfolio Credit affiche une performance annualisée proche de 6% sur les cinq dernières années, et est également le seul à être pratiquement à l’équilibre depuis le début 2025. Pierre Verlé, gestionnaire du fonds, souligne qu’il porte assez peu d’attention au contexte macroéconomique. “Ce n’est pas à ce niveau que je suis en mesure de créer de la valeur pour les investisseurs. Je préfère me concentrer sur la sélection des risques, comme un spécialiste de l’assurance auto qui n’a finalement aucun contrôle de l’augmentation du nombre d’accidents durant une année bien précise.” En 2024, Carmignac Portfolio Credit a surperformé dans un environnement favorable, grâce à un portefeuille très diversifié (plus de 150 émetteurs et 250 obligations), avec notamment une bonne performance des émissions financières.
Avec le retour de l’inflation et de taux longs positifs, le marché du crédit aux entreprises a retrouvé un environnement plus normalisé, avec des rendements plus attractifs qui sont de nature à attirer davantage d’investisseurs. Si les historiques de performances restent encore largement impactés par le calamiteux exercice 2022, les performances durant les deux dernières années ont été généralement supérieures à la moyenne historique sur cinq et dix ans. “Nous avons beaucoup d’investisseurs qui, contraints par les taux bas, ont fait leur retour sur la classe d’actifs, constate encore Pierre Verlé. Nous avons des rendements appréciables, des marges de crédit qui ne sont pas particulièrement élevées, et des primes de complexité (rémunération supplémentaire obtenue en analysant un risque complexe) qui sont conformes à la situation qui existait avant la grande crise financière.”
“Nous avons beaucoup d’investisseurs qui, contraints par les taux bas, ont fait leur retour sur la classe d’actifs.” – Pierre Verlé (Carmignac Portfolio Credit )
En clair, l’environnement sur le crédit offre des rendements appréciables qui permettent de faire fructifier l’épargne à un niveau plus rapide que l’inflation, et qui est fertile pour les gestionnaires en mesure de bien sélectionner leurs émissions. “Ceci va de pair avec une montée des taux de défaut, qui vont continuer à monter. Il n’y a pas de crédit sans risque, et c’est la peur d’un tel événement qui pousse à allouer correctement le capital qui est confié au gestionnaire. Je n’investis jamais dans une émission en me disant qu’il n’y a pas de risque.”
Pour Éléonore Bunel, gestionnaire du fonds Lazard Credit Opportunities, les annonces contradictoires survenues au sujet des droits de douane ont beaucoup perturbé la lecture du scénario économique. “Sur le segment des obligations d’entreprises européennes, les fondamentaux restent toutefois solides avec un rendement attractif. Nous privilégions le crédit sur des notations entre la dette de bonne qualité (investment grade) et à haut rendement, soit des notations comprises entre BBB et BB, avec des maturités courtes ou intermédiaires. Nous conservons une très forte préférence pour les actifs européens (plus de 80% de l’exposition du fonds au 31 mars), avec une prédilection pour les dettes émises par le secteur financier et les émetteurs d’Europe périphérique (38% des encours) qui bénéficient depuis quelques trimestres d’une meilleure dynamique économique que les pays centraux.”
Sur le segment des obligations d’entreprises européennes, les fondamentaux restent solides avec un rendement attractif.” – Éléonore Bunel (Lazard Credit Opportunities).
Enfin, Éléonore Bunel souligne également que le niveau de liquidité reste normal dans le portefeuille, autour de 5 à 6% des actifs sous gestion car le risque de récession en Europe reste faible.
Un segment sain
“Des niveaux de rendement de 3,5% sur la dette d’entreprise de bonne qualité et de plus de 5% sur le haut rendement restent tout à fait décents pour une classe d’actifs notée et liquide”, estime pour sa part Boutaina Deixonne, head of euro credit chez Axa Investment Management et gestionnaire du fonds Axa WF Euro Credit Total Return. “L’économie devrait rester bien orientée, avec surtout une trajectoire d’inflation en baisse et une BCE qui va continuer de couper son taux directeur.”
Boutaina Deixonne souligne également la force de la demande de la part des investisseurs ainsi que des fondamentaux qui restent solides pour les entreprises. “L’environnement nous pousse toutefois à être aujourd’hui plus sélectifs dans les lignes que nous entrons dans le portefeuille, notamment sur le haut rendement ; et nous privilégions les secteurs qui vont être peu impactés par les tarifs douaniers comme les télécoms, la banque ou les transports. Enfin, nous apprécions également le secteur immobilier, qui devrait mieux se tenir grâce à l’amélioration de leur endettement.”
Enfin, Emmanuel Petit, gestionnaire de R-co Conviction Credit, estime également que le niveau étroit des primes de risque par rapport au taux souverain à 10 ans n’empêche pas le marché du crédit de conserver un attrait certain. “Dans un contexte global d’incertitude, dit-il, il offre un rendement attractif pour des fondamentaux qui restent sains, avec des entreprises qui sont en bonne santé et peuvent se refinancer facilement.”
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