C’est le bon moment pour profiter de la décote des holdings

Délaissés ces dernières années, les holdings affichent désormais une décote historiquement élevée. Ce qui offre des opportunités pour les investisseurs à la recherche de valeurs de qualité à un prix attractif.

Malgré le pic de volatilité estivale, la tendance demeure résolument positive en Bourse, les principaux indices évoluant (quasiment) à des niveaux record. Même le Bel 20 bruxellois lorgne désormais son précédent sommet historique établi en 2007. Un environnement en principe favorable aux holdings dont la principale activité est d’investir. Pourtant, les principales sociétés à portefeuille de la cote bruxelloise sont pour la plupart très loin de leurs sommets.

Performances décevantes

Sur les trois dernières années, seul D’Ieteren est ainsi réellement parvenu à se distinguer. Brederode, GBL, Bois Sauvage, GIMV, Quest for Growth ou Sofina affichent pour leur part des replis assez sensibles.

Même la performance de la Financière de Tubize, mono holding ayant comme unique actif une participation de 36% dans UCB, apparaît plutôt décevante. Alors que le groupe biopharmaceutique trône sur le Bel 20 avec une hausse de 67% en trois ans, Tubize affiche une progression d’à peine 30%. En conséquence, sa décote a bondi à plus de 50% par rapport à sa valeur intrinsèque qui atteint 258 euros par action à l’heure d’écrire ces lignes. A noter que cette valeur intrinsèque tient compte du cours de Bourse d’UCB et de la (légère) dette nette de la holding (31,1 millions d’euros fin juin).

Hausse de la décote

Plus largement, la hausse de la décote est l’une des principales raisons de la sous-performance des holdings ces dernières années. Selon les analystes de Degroof-Petercam, la décote moyenne d’une sélection de holdings a plus que doublé depuis 2021, en passant à 31% au deuxième trimestre.

Ce qui traduit un certain dédain des investisseurs que l’on peut rapprocher du déclin des fonds gérés activement. Aux Etats-Unis, la gestion passive (basée sur des indices) a même dépassé la gestion active l’année dernière. L’une des principales raisons tient à la performance (après frais). L’année dernière, seuls 31,2% des gestionnaires en actions ont réussi à faire au moins aussi bien que les fonds passifs selon Morningstar. Sur une plus longue période, le pourcentage est encore plus bas, à seulement 17% sur 10 ans. Les investisseurs intéressés par une gestion plus dynamique préfèrent sélectionner leurs actions eux-mêmes ou privilégier des gestionnaires qui ont la cote.

Investissements non cotés

La seconde raison du dédain des investisseurs pour les holdings est le coup de froid sur le private equity, c’est-à-dire les investissements dans les entreprises non cotées. Pendant les années covid, la numérisation accélérée de nos sociétés a engendré énormément de nouvelles licornes (sociétés non cotées valorisées à plus d’un milliard de dollars), jusqu’à plus de 50 par mois en 2021, selon Crunchbase.
Nombre de holdings ont ainsi renforcé leurs investissements dans le private equity, à l’image notamment de GBL qui en a fait son principal axe stratégique, réduisant son exposition aux grandes entreprises européennes (cotées). Une décision initialement saluée par les marchés qui voyaient dans les holdings un moyen d’investir dans ces start-up assez peu accessibles.

La remontée des taux et la sortie de la crise sanitaire en 2022 ont toutefois fait dérailler la tendance. Les financements se sont taris, a fortiori après la chute de la Silicon Valley Bank. Depuis fin 2022, le nombre de nouvelles licornes est revenu à environ 10 par mois au niveau mondial, avec de plus une série d’échecs baptisés “zombiecorn”. Parallèlement, les multiples de valorisation ont chuté et les possibilités de sortie (revente, introduction en Bourse…) intéressante sont devenues rares.

Sofina, star déchue

Du côté belge, Sofina illustre sans doute le mieux cette tendance. Pâtissant autrefois d’une image assez poussiéreuse, la holding de la famille Boël a entamé sa mue il y a une quinzaine d’années. Elle a notamment troqué des participations historiques dans Colruyt, Engie ou Danone contre des investissements dans le private equity, que cela soit directement ou via des fonds spécialisés (destinés aux institutionnels).

Sofina avait notamment mis le cap sur l’Inde et ses start-up technologiques comme Byju’s, une plateforme d’apprentissage en ligne valorisée jusqu’à 50 milliards de dollars. Fin 2021, cette stratégie était plébiscitée par les marchés qui valorisaient la holding à 15 milliards de dollars. Le titre n’affichait pas une décote, mais une prime de 35% par rapport à sa valeur intrinsèque. En d’autres termes, les investisseurs étaient prêts à payer 135 euros un portefeuille évalué à 100 euros, spéculant sur d’autres Byju’s. Aujourd’hui, la start-up indienne a dû déposer le bilan, incapable de faire face à ses échéances financières. En Bourse, la prime de Sofina s’est muée en décote de 24% bien que la holding ait annoncé, début 2023, détenir un investissement de longue date dans ByteDance, la maison mère de Tiktok.

Surperformance à long terme

Faut-il en conclure que les holdings n’ont plus aucun intérêt ? Pas du tout selon Joren Van Aken et Kris Kippers de DegroofPetercam. “Nos recherches indiquent que les sociétés d’investissement offrent des rendements ajustés au risque supérieur tout en ayant une faible corrélation avec le marché général. En tant que telles, elles offrent des avantages significatifs en termes de diversification. Sur pratiquement tous les indicateurs que nous avons testés, un portefeuille de sociétés d’investissement a surperformé” les principaux indices boursiers mondiaux.

Ils soulignent que les holdings “constituent une classe d’actifs hybride à part entière, car elles offrent dans la plupart des cas des rendements similaires à ceux du private equity et une faible volatilité, tout en offrant la liquidité et généralement la transparence d’une action cotée en Bourse”.

A noter que le private equity est l’un des rares types d’investissement (si pas le seul) à afficher une meilleure performance que les Bourses sur le long terme. Aux Etats-Unis, le non-coté a ainsi affiché un rendement annualisé de 12,77% au cours du dernier quart de siècle contre 7,56% pour l’indice S&P 500, selon Cambridge Associates.

GBL à la traîne

Partant de ce constat favorable à long terme, l’heure serait plutôt à investir dans les holdings en profitant des décotes historiquement élevées. Les analystes de DegroofPetercam ont ainsi émis un avis d’achat sur la plupart des holdings belges cotées à l’exception de Bois Sauvage, Quest for Growth, Solvac, TINC et surtout GBL.

Même l’annonce cet été d’un dividende exceptionnel de 5 euros par action et une décote de 42% n’ont pas convaincu Kris Kippers. Ce dernier souligne que GBL pâtit surtout d’une trop faible performance d’investissement avec un rendement annualisé de 5% entre 2018 et 2023 contre 10,6% pour l’indice paneuropéen Stoxx 600 et une moyenne de 11,6% pour les holdings suivies. GBL a notamment souffert des évolutions décevantes d’importantes participations comme Adidas, Pernod Ricard ou Umicore.

D’Ieteren, le bon élève

Du côté des holdings à privilégier, le choix est plutôt vaste. Trois profils se distinguent toutefois : le bon élève, la belle endormie et le monomaniaque. Le bon élève est sans aucun doute D’Ieteren dont la mue en holding familial a généré un rendement moyen de 24% par an au cours de la décennie écoulée. Elle a notamment réduit la voilure dans Belron, leader mondial du vitrage automobile, avec des enseignes comme Carglass, pour diversifier ses investissements.

Kris Kippers évalue sa valeur globale à 329 euros par action (soit une décote de 34%) et a fixé un objectif de cours de 280 euros en tenant compte d’une décote de holding de 15%. L’analyste se montre également confiant dans les perspectives. D’Ieteren pourrait recevoir un versement de 500 millions d’euros supplémentaires de Belron et PHE Parts (distribution de pièces détachées automobiles), sa deuxième participation en importance qui connaît une croissance solide (7%-8% par an au total) combiné à un important potentiel d’amélioration de ses marges.

La belle endormie et le monomaniaque

La belle endormie aurait pu correspondre à Sofina qui s’est assoupie depuis 2021. Sa valeur intrinsèque a d’ailleurs repris un peu de hauteur au premier semestre à 286 euros par action. Mais le redressement manque encore de dynamisme alors que la holding de la famille Boël devra retrouver la confiance des marchés.

Ce profil de belle endormie correspondant ainsi davantage dans l’immédiat à Ackermans. Après une période mitigée, la holding est clairement en train de se réveiller grâce aux solides performances de ses principales positions : DEME et la banque privée. Le géant du dragage profite du développement de l’éolien offshore et de vastes projets au Moyen-Orient, ce qui lui a permis d’afficher une croissance de 22% au premier semestre.

Du côté de la banque privée, Delen et Van Breda continuent de gagner des parts de marché, organiquement et avec l’annonce du rachat de Dierckx Leys en 2025. Le bénéfice net du pôle banque privée a ainsi bondi de 23% au premier semestre.

Enfin, le monomaniaque est la Financière de Tubize qui détient uniquement une participation de contrôle dans UCB. L’importante décote (>50%) en fait un choix judicieux pour miser sur le groupe biopharmaceutique, particulièrement en vue grâce à la commercialisation de nouveaux traitements.

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