Investir dans les sociétés de traitement des déchets ne séduit pas forcément d’emblée, mais cela reste un secteur véritablement rentable, où les Américains tiennent particulièrement la forme. Ces deux dernières années, le secteur a, une fois encore, largement surpassé le S&P 500.
La gestion des déchets résiste assez bien à la récession. Les volumes de déchets ne cessent de gonfler et les prix de la collecte et du traitement sont souvent liés à l’inflation (ou bien des accords explicites sur les prix sont inclus dans les contrats). En outre, obtenir un permis pour de nouvelles décharges ou stations de transfert est un processus long et coûteux. La mise en place et l’entretien des décharges, des stations de transfert et des flottes de véhicules, qui nécessitent d’importants capitaux, créent des barrières à l’entrée élevées pour les nouveaux concurrents.
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Stratégie
La stratégie de sociétés comme Republic Services, Waste Management (WM) et Casella Waste Systems est axée sur l’internalisation : elles veulent traiter autant de déchets que possible dans leurs propres décharges et stations de transfert grâce à l’intégration verticale. Ce n’est pas seulement bon pour le taux d’occupation de ces installations : elles n’auront pas à payer de surtaxe à d’autres, ni à supporter des coûts de transport supplémentaires.
L’internalisation joue un moindre rôle le cas de GFL et de Waste Connections. Dans le cas de GFL, c’est dû, pour l’essentiel, à sa répartition géographique. D’origine canadienne, elle réalise encore 40% de son chiffre d’affaires (CA) au Canada, où les déchets collectés dans le cadre de contrats avec les autorités municipales sont traités dans des décharges appartenant à la municipalité.
Waste Connections, comme GFL, se concentre moins sur les contrats dans les grandes zones urbaines que sur les marchés ruraux plus petits, où la concurrence pour les nouveaux contrats est plus faible. Sur ces marchés, la collecte des déchets est souvent plus lucrative que l’exploitation de décharges et de stations de transfert. Chez Waste Connections, la part de la collecte des déchets dans le CA (71%), est donc un brin supérieure à celle de Republic Services (68%) et de WM (67%).
Clean Harbors se focalise sur les déchets industriels et dangereux et sur le recyclage des huiles usées. Ces activités sont un peu plus cycliques et certaines ont une marge plus faible, ce qui explique pourquoi la valorisation de Clean Harbors est un brin inférieure à celle des sociétés de traitement des déchets ordinaires.
Durable
Le traitement des déchets n’est pas une activité hyper respectueuse de l’environnement. La réglementation et la pression sociale incitent donc ces sociétés à accorder plus d’attention à la durabilité. La production de gaz à partir de déchets (GNR ou gaz naturel renouvelable) et le recyclage font l’objet d’une attention et d’investissements accrus. Le recyclage est à la fois une opportunité et une menace. Dans leurs rapports annuels, les grandes entreprises qualifient le recyclage et les règles visant à réduire les déchets de risque opérationnel et financier.
Parmi les principaux acteurs, WM se montre le plus positif à l’égard de ces tendances. Il tire 8,7% de son CA du recyclage et des ventes de GNR, soit plus que Republic Services (2%) et Waste Connections (2,7%). Les sociétés de traitement des déchets vendent des matériaux recyclés mais sont de ce fait exposées à la volatilité des prix du carton recyclé, par exemple. Selon Republic Services, une variation de 10 dollars par tonne du prix des matières recyclées entraîne une fluctuation de 11 millions de dollars du CA et du bénéfice d’exploitation.
WM est moins sensible à ce type de fluctuation des prix, la société ayant modifié son modèle de revenus en adoptant un modèle de paiement à l’acte. Si les prix des matériaux recyclés ne couvrent pas le coût du recyclage, WM facture un supplément. Si les prix des matériaux recyclés sont plus élevés, une réduction est accordée aux fournisseurs de déchets. D’autres fournisseurs de déchets appliquent de plus en plus ce modèle.
Dividende
Pour l’heure, les entreprises de traitement des déchets tirent l’essentiel de leurs revenus de la collecte et du traitement des déchets. Cela génère un important cash-flow disponible, qu’elles utilisent pour des acquisitions et pour gâter leurs actionnaires. Waste Connections a relevé son dividende pendant 14 années d’affilée. Ces cinq dernières années, il a en moyenne crû de 10,8% l’an. Republic Services et WM affichent un bilan de 21 ans, avec une croissance moyenne du dividende de 6,5% et de plus de 8%, respectivement, au cours des cinq dernières années. En février, WM a relevé son dividende de 10%.
Le cash-flow disponible des “trois grands” laisse une large place au dividende, qui reflète entre la moitié (WM) et le tiers (Republic Services et Waste Connections) du cash-flow disponible. Les versements de dividendes par les sociétés de traitement des déchets s’accompagnent généralement de rachats d’actions, sauf aujourd’hui chez WM. L’acquisition de Stericycle pour 7,2 milliards de dollars a fait grimper le ratio de la dette à 3,7. Ce ratio doit revenir au niveau habituel de 2,75 à 3,0 avant que les rachats d’actions ne soient à nouveau possibles.
Avec Stericycle, WM accède à deux nouveaux marchés : les déchets médicaux et la destruction sécurisée de documents. Les prochains trimestres devraient révéler le potentiel d’attractivité de l’activité de Stericycle. Selon Deutsche Bank, la croissance en volume des déchets médicaux est intéressante mais les prix sont sous pression. Au cours des deux dernières années, les cours des sociétés de traitement des déchets ont crû beaucoup plus que les bénéfices. En conséquence, les ratios cours/bénéfice de WM et de Waste Connections sont supérieurs de 16% à ce qu’ils étaient mi-2023, et ceux de Republic Services atteignent même 36%. Les sociétés de traitement des déchets opérant avec un capital d’emprunt assez élevé, le ratio ev/ebitda (valeur de l’actif économique/cash-flow d’exploitation) est souvent utilisé. C’est aussi chez Republic Services qu’il a enflé le plus rapidement, mais il est même un peu plus élevé en termes absolus chez Waste Connections.
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Le favori
Les grandes sociétés américaines restent intéressantes à long terme. Ceci dit, la valorisation de Republic Services, mais aussi celle de Waste Connections et des acteurs plus petits, sont aujourd’hui élevées. Dans le secteur, la préférence va à Waste Management (WM) plutôt qu’à Waste Connections et Republic Services. Clean Harbors est un acteur de niche intéressant.
La croissance par les acquisitions
Le marché américain du traitement des déchets est fragmenté. Il existe des centaines de petites entreprises à côté des grands groupes nationaux. Pour les petites entreprises, les coûts réglementaires et d’investissement peuvent inciter à chercher refuge auprès de l’un des grands acteurs, qui ont tous fait des acquisitions un pilier important de leur stratégie de croissance.
Waste Connections a par exemple dépensé 6,5 milliards de dollars pour 110 acquisitions depuis 2020. La canadienne GFL n’existe que depuis 2007 mais elle a déjà réalisé plus de 270 acquisitions, pour un montant total de 9,9 milliards de dollars. Et GFL est loin d’avoir terminé : elle dispose de 700 à 800 millions par an pour 30 à 50 acquisitions. Republic Services a respectivement dépensé 753 millions et 2,07 milliards pour de nouvelles acquisitions en 2023 et 2024. En 2023, Waste Management était encore en mode lent avec 12 acquisitions pour un total de 182 millions mais l’an dernier, il a acquis Stericycle pour 7,2 milliards et a dépensé 790 millions supplémentaires pour des acquisitions plus modestes.
Harry Wayne Huizenga a joué un rôle dans la création de Waste Management et de Republic Services. Il a fondé Waste Management en 1968, l’a quittée en 1984 et est devenu le CEO de Republic Services 14 ans plus tard. Il est décédé en 2018.
Dans de nombreuses autres sociétés, les fondateurs sont toujours actifs. Ron Mittelstaedt était l’un des quatre fondateurs de Waste Connections en 1997 et en est à nouveau le CEO depuis avril 2023. Les frères Douglas et John Casella ont créé Casella Waste Systems en 1975 et siègent toujours au conseil d’administration. GFL a été fondée en 2007 par Patrick Dovigi qui, en tant que CEO, détient 22,8% des droits de vote par le biais d’actions spéciales. Le fondateur Alan McKim détient toujours 4,8% de Clean Harbors. Il y a deux ans, il a publié un livre (Doing the doing) sur son expérience en tant que fondateur de Clean Harbors.