Bourse : le retour des petites et moyennes capitalisations ?

La BCE a baissé ses taux le 6 juin. © Getty Images

Délaissées ces dernières années, les “small & mid caps” ont des arguments à faire valoir et pourraient profiter d’un changement de cycle économique et financier.

Les principaux indices boursiers mondiaux battent record sur record depuis le début de l’année – à l’exception notable du Bel 20 bruxellois. Une tendance essentiellement soutenue par les poids lourds de la cote. Aux Etats-Unis, les Sept Fantastiques (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla) déterminent plus que jamais l’orientation des marchés, pesant près d’un tiers de l’indice élargi S&P 500.

Le phénomène est également à l’œuvre en Europe même s’il est moins prononcé. Les deux valeurs stars du Vieux Continent, à savoir ASML et Novo Nordisk, représentent près de 7% du Stoxx 600. La pondération des géants du luxe plafonne sous 3% en raison de leur flottant (partie du capital échangeable en Bourse) réduit, la famille Arnault détenant 49% de LVMH et le holding des familles Guerrand, Dumas et Puech 66% d’Hermès.

Décote de 41%

Face à cette concentration des marchés, les petites et moyen­nes capitalisations sont largement restées à la traîne comme l’illustrent les indices américains Russell. Le Russell 1000 rassemble les 1.000 principales entreprises cotées aux Etats-Unis, le Russell 2000, les 2.000 suivantes. Sur les trois dernières années, le premier affiche un gain de 22,5% alors que l’indice des small & mid caps a chuté de 10%.

Cette évolution se reflète de plus en plus sur les niveaux de valorisation. Le Russell 1000 cote ainsi 23,5 fois les bénéfices réalisés (hors sociétés déficitaires) et 4,4 fois la valeur comptable des entreprises composant l’indice. Comparativement, ces rapports ne sont que de 16,2 fois et 2,1 fois pour le Russell 2000 qui affiche ainsi une décote moyenne de 41% sur la base de ces deux ratios.

Les plus petites entreprises n’ont pourtant pas à rougir de leurs performances financières. Au cours des cinq dernières années, le bénéfice par action des entreprises du Russell 2000 a progressé de 13,92% par an en moyenne contre 14,75% pour le Russell 1000 selon les données de FTSE Russell.

Diversification sectorielle

En termes de composition, la plus grande différence entre le Russell 1000 et le Russell 2000 est sans aucun doute l’exposition sectorielle. Parmi les grandes capitalisations, les technologies (33% du Russell 1000) dominent largement devant la consommation discrétionnaire (14%) et l’industrie (13%), soit 70% pour les trois principaux secteurs.

Comparativement, le Russell 2000 est bien plus diversifié, les principaux secteurs étant l’industrie (19%), les services financiers (15%), les soins de santé (15%), les technologies (14%) et la consommation discrétionnaire (13%). Le top 3 ne pèse donc que 49% de l’indice.

En Europe, les plus petites capitalisations présentent un profil assez similaire à leurs pairs américains. L’indice MSCI Europe Small Cap cote ainsi 15 fois les bénéfices (contre 16 pour le Russell 2000) et les principaux secteurs sont l’industrie (25%), les services financiers (16%) et la consommation discrétionnaire (11%). Les écarts par rapport aux grandes capitalisations sont toutefois moins marqués, les géants (technologiques) étant très peu nombreux en Europe.

Cycle conjoncturel

Cette exposition plus marquée des petites et moyennes capitali­sa­tions à des secteurs plus cycliques comme l’industrie pourrait être le catalyseur d’un retour à l’avant-plan de ce segment de marché comme l’épingle Yves Kazadi, investment analyst chez Beobank.

“Progressivement, le cycle conjoncturel évolue vers une reprise”, dit-il, tout particulièrement en Europe où le ralentissement avait été marqué et où l’indicateur d’activité du secteur privé a progressé au cours des cinq derniers mois pour repasser en zone d’expansion (>50) et atteindre un plus haut depuis un an. “Le rapport risque-­rendement devient beaucoup plus favorable aux segments délaissés” comme les small & mid caps.

Outre leur décote et l’évolution du cycle économique, la perspective d’un basculement de la politique des banques centrales devrait aussi soutenir les petites et moyennes capitalisations. Contrairement aux “grandes entreprises qui ont profité de la période de taux bas (ndlr : jusqu’en 2020) pour bloquer les coûts d’emprunt à long terme, les petites entreprises doivent souvent emprunter à plus court terme ou à taux variable”, pointe Matt Liebman, CEO de Amplius Wealth Advisors. Leurs marges bénéficiaires ont ainsi davantage souffert de la remontée des taux depuis 2021.

Surperformance historique

Le dernier élément plaidant en faveur des petites et moyen­nes capitalisations est simplement leur comportement historique comme l’épingle Olgerd Eichler, gérant de portefeuille chez MainFirst. “Ceux qui ont investi dans des small caps européennes il y a 20 ans peuvent se réjouir d’un rendement total de 495 %, contre seulement 226 % pour les grandes capitalisations européennes. Une analyse de MSCI portant sur la période allant de novembre 1975 à juin 2023 montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène unique et que les valeurs secondaires ont été plus performantes que les blue chips (ndlr : grandes capitalisations) sur de longues périodes également en dehors de l’Europe. Environ 9 fois sur 10 par le passé, les petites capitalisations ont été plus performantes que les grandes capitalisations sur un horizon de placement de 15 ans.”

Cette surperformance “s’explique notamment par le fait que les petites et moyennes entreprises disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour se développer”, poursuit Olgerd Eichler, et elles sont également “plus flexibles et plus innovantes. Ces entreprises se caractérisent souvent par une bureaucratie réduite, ce qui leur permet non seulement d’agir plus rapidement, mais surtout de réagir avec agilité aux changements”.

Potentiel imminent

Après la récente sous-performance, le potentiel de hausse n’en est donc que plus élevé. Ce potentiel pourrait commencer à se concré­tiser dès ce jeudi 6 juin alors que la Banque centrale européenne (BCE) va vraisemblablement abaisser ses taux directeurs pour la première fois depuis 2019.

Reste à déterminer comment investir sur ce segment de marché méconnu. Même les valeurs phares des petites et moyennes capitalisations, comme Super Micro Computer (solutions de refroidissement liquide pour les serveurs d’IA notamment) aux Etats-Unis ou ASM International (équipement pour l’industrie des semi-conducteurs) en Europe restent assez méconnues.

A moins d’être assidu de l’actualité financière et de disposer d’un important portefeuille pour assurer une grande diversification, indispensable pour investir dans les petites et moyennes capitalisations, vous avez donc tout intérêt à cibler ce segment de marché via des fonds.

“Ceux qui ont investi dans des small caps européennes il y a 20 ans peuvent se réjouir d’un rendement total de 495 %, contre seulement 226 % pour les grandes capitalisations européennes.” – Olgerd Eichler (MainFirst)

Fonds gérés activement

Le fait que ces valeurs soient moins suivies peut permettre aux gérants d’un fonds actif de faire la différence. Au niveau mondial, le fonds CT (Lux) – Global Smaller Companies AE (ISIN : LU0570870567 ; frais annuels de 1,80%) affiche ainsi la meilleure performance sur 10 ans (10,7%) avec une sensible surperformance nette (1,6%). A noter toutefois que le fonds est en perte de vitesse depuis le changement de gérant principal intervenu en 2019.

Le numéro deux est Goldman Sachs Global Small Cap CORE Equity Portfolio R (LU0245182059 ; frais de 1,95%). Le fonds affiche un rendement tout juste en ligne avec son indice de référence sur 10 ans (9,2%), mais s’illustre depuis 3 ans (surperformance annuelle de 1,4%). Son portefeuille est très diversifié, sa principale position actuelle (Carpenter Technologie) ayant un poids de 1,1%.

Du côté des petites et moyennes capitalisations européennes, Alken Fund – Small Cap Europe Class R (LU0300834669 ; frais annuels de 2,11%) s’illustre avec un rendement annuel de 8,7% sur 10 ans, soit une surperformance nette de 2,2% par rapport au marché. Fin avril, le fonds surpondérait largement le secteur de l’énergie (21,8% du portefeuille) et surtout, le marché français (38,7%).

Fonds indiciels

L’autre option est évidemment de miser sur des fonds indiciels via des ETF, plus faciles à échanger (en Bourse) et moins coûteux en termes de frais. Le sous-­jacent le plus courant est l’indice américain des small & mid caps Russell 2000 à l’image du SPDR Russell 2000 US Small Cap (ticker R2US sur Euronext Paris, frais annuels de 0,30%).

Au niveau mondial, l’iShares MSCI World Small Cap (IUSN en Bourse de Francfort, frais annuels de 0,35%) offre une belle diversification sectorielle et géographique : 56% aux Etats-Unis, 12% au Japon et le reste réparti entre les autres marchés développés (Europe, Canada, Australie) pour un total de plus de 3.000 positions.

En Europe, l’ETF Xtrackers MSCI Europe Small Cap (XXSC sur la Bourse de Milan ; frais annuels de 0,30%) est plus concentré, que cela soit au niveau sectoriel (24% pour l’industrie et 15% pour les services financiers) ou géographique (27% au Royaume-Uni, 11% en Suède). Parmi les principales valeurs, citons notamment Trelleborg, producteur suédois de production de caoutchouc et de polymères industriels, ou Weir Group, société d’ingénierie écossaise.


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