(ABM FN) En hausse de 1,6 pour cent à 4.848 points, le Bel20 poursuit son rally amorcé en juin, tiré notamment cette semaine par ses poids lourds de la pharma et AB InBev. Résumant la tendance actuelle sur les bourses, KBC a mis en lumière la rotation sectorielle en cours qui voit les valeurs de la tech US être délaissées et les capitaux affluer vers les valeurs européennes à la traîne.
Si la géopolitique et les rencontres à Washington ont dominé le début de semaine, les regards se sont rapidement tournés vers la Fed avec la publication mercredi soir des “Minutes”, du nom du compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de l’institution, lequel a témoigné d’une division croissante au sein de la Banque centrale.
On rappellera que fin juillet, Michelle Bowman et Christopher Waller, administrateurs de la Fed, ont voté en faveur d’une baisse de 25 points de base et que jamais depuis 1993, deux membres votants du comité avaient été dissidents.
Le procès-verbal a donc dressé le portrait d’un comité de plus en plus divisé par les signaux contradictoires qu’il reçoit du marché. Là où certains membres disent avoir besoin de plus de temps pour clarifier l’impact des droits de douane sur l’inflation, d’autres ont estimé qu’il n’était “ni faisable ni approprié” d’attendre que la situation se clarifie.
Bernard Keppenne, économiste en chef de CBC Banque, retient que les “Minutes” ont montré que la Fed a du mal à comprendre l’impact réel de la hausse des tarifs douaniers. En outre, elle pourrait être confrontée à des choix difficiles à l’avenir si l’inflation élevée persiste, tandis que dans le même temps, les perspectives du marché du travail s’assombrissent”.
“Tout cela survient à un moment où Donald Trump a insisté à plusieurs reprises auprès de la Fed pour qu’elle baisse ses taux et a remplacé l’ancienne gouverneure Adriana Kugler par Stephen Miran”, ajoute Bernard Keppenne.
“Et comme si cela ne suffisait pas, le locataire de la Maison Blanche a demandé à Lisa Cook, gouverneure de la Fed, de démissionner en raison d’accusations de mauvaise conduite liées à des hypothèques immobilières qu’elle détient en Géorgie et au Michigan”.
“Et tandis que Donald Trump a même menacé de licencier lui même Lise Cook si elle ne démissionnait pas volontairement, ces coups de butoir affaiblissent la Fed et remettent indirectement en question son indépendance”, ajoute l’économiste de CBC Banque, selon qui cette indépendance est “un principe essentiel” pour la préservation de l’ensemble du système financier.
Powell laisse la porte ouverte à une baisse des taux d’intérêt
En fin de semaine, tous les regards étaient tournés vers le Wyoming américain où se tenait à Jackson Hole le traditionnel symposium annuel des banquiers centraux et où Jerome Powell devait prendre la parole.
A cette occasion, l’homme fort de la Fed a ouvert la porte à une baisse des taux en septembre, exprimant notamment son inquiétude face à l’affaiblissement du marché du travail US.
Pour autant, il reste préoccupé par les risques d’inflation, de quoi exclure une intervention plus agressive de la Fed sous la forme d’une baisse des taux de 50 points de base.
“Une prudence de sioux”
Bernard Keppenne retient que Jerome Powell a fait preuve “d’une prudence de sioux” lors de son intervention.
Certes, le grand argentier “a quand même fait allusion à une possible réduction des taux lors de la réunion de septembre, sans pour autant s’engager”.
“Et surtout”, ajoute l’économiste de CBC Banque, il a évoqué les risques croissants pour le marché de l’emploi. En ce qui concerne les bourses, “elles n’ont retenu que la possibilité d’une baisse des taux”, conclut Bernard Keppenne.
Notons que le baromètre du CME montre que le marché anticipe à hauteur de 89 pour cent une baisse des taux en septembre.
Selon Frank Vranken de la Banque Edmond de Rothschild, des baisses de taux sont “absolument nécessaires” pour soutenir les bourses mais aussi pour maintenir la dette publique US à un niveau abordable.
L’activité industrielle rebondit malgré les tarifs douaniers
En semaine, les investisseurs ont pu prendre la température de l’activité industrielle à l’échelle mondiale. Il ressort des indices composites des directeurs d’achat des entreprises du secteur que l’activité a renoué avec la croissance en zone euro qu’aux États-Unis, tandis que le secteur des services a ralenti.
En ce qui concerne la zone euro, “la situation s’améliore”, retient Cyrus de la Rubia, économiste à la Hamburg Commercial Bank, notant que malgré des vents contraires tels que les droits d’importation US et l’incertitude générale, les entreprises de la zone économique et monétaire semblent plutôt bien s’en sortir.
L’économiste Chris Williamson de S&P Global a pour sa part mis en garde contre la hausse des prix de vente des biens et services aux États-Unis, laquelle laisse présager une nouvelle hausse de l’inflation des prix à la consommation au cours des prochains mois, au-delà de l’objectif de 2 pour cent fixé par la Fed.
“Combinée à la reprise de l’activité économique et de l’emploi, la hausse des prix révélée par l’enquête montre que les PMI plaident davantage en faveur d’une hausse des taux que d’une baisse, compte tenu de la relation historique entre ces indicateurs économiques et les changements de politique de la Fed”, conclut Chris Williamson.
Du côté des devises, l’euro a fortement progressé, au-delà de 1,17 dollar, suite à la prise de parole de Jerome Powell vendredi après-midi. A ce titre, les cambistes d’ING n’excluent pas une hausse à 1,20 dollar en fin d’année si la Fed réduit ses taux à plusieurs reprises ces prochains mois.
Du côté de l’énergie, le pétrole a pris 2 pour cent, soutenu par une baisse des stocks US tandis que les espoirs de cessez-le-feu rapide en Ukraine se sont évaporés.