Donation d’un portefeuille-titres: comment bien procéder?

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Vous envisagez de faire don d’un portefeuille- titres à vos enfants afin de réduire des droits de succession élevés en cas de décès ? Si c’est le cas, vous pouvez toujours en conserver les revenus et le contrôle si vous le souhaitez.

Maurice et Marie se sont mariés sous le régime légal (de la communauté de biens) il y a plus de 40 ans. Aujour­d’hui, ils jouissent d’une retraite bien méritée. Outre une maison et un appartement au bord de la mer, ils possèdent un portefeuille-­titres diversifié à leurs deux noms, d’une valeur d’environ un million d’euros. Le couple a deux enfants qui ont entretemps développé leur propre carrière. Ils sont bien installés et ne manquent de rien.

Néanmoins, Maurice et Marie envisagent de faire don de leurs titres à leur progéniture. Ils ne sont plus tout jeunes et souhaitent préparer (et optimiser) la succession de leur patrimoine dès à présent. En faisant don de leur portefeuille-titres, ils peuvent éviter des droits de succession élevés à leurs héritiers. Mais d’un autre côté, ils souhaitent continuer à bénéficier des revenus de leur patrimoine, en conserver le contrôle et la gestion, et protéger le conjoint survivant.

“Une donation notariée du portefeuille-titres avec réserve d’usufruit permet de répondre à tous ces souhaits, explique Benoît Verschueren, senior estate planner à la Deutsche Bank. Dans ce cas, seule la nue-­propriété du portefeuille est trans­férée au donataire. Ce type de donation répond à un certain nombre d’objectifs de protection qu’ont beaucoup de parents, leur offrant ainsi la sécurité souhaitée pour leur vie future.”

Dans la pratique, la donation avec réserve d’usufruit est donc un outil apprécié des parents qui souhaitent transférer de manière optimale une partie de leur patrimoine à leurs enfants tout en poursuivant un certain nombre d’objectifs concrets. Nous développons ci-­dessous les différents objectifs d’une telle construction relativement simple et parfaitement légale.

Objectif 1 : réduire les droits de succession

“La donation d’un portefeuille de titres avec réserve d’usufruit ne peut en principe se faire que par acte notarié, explique Benoît Verschueren. Et comme cet acte doit être obligatoirement enregistré en Belgique, des droits de donation sont dus. Entre parents et enfants, le taux fixe est de 3 % (en Régions flamande et de Bruxelles-­Capitale) ou de 3,3 % (en Région wallonne), calculé sur la valeur de la pleine propriété du portefeuille donné.”

Comme les droits de donation sont payés sur la valeur en pleine propriété du bien donné, aucun droit de succession (beaucoup plus élevé) n’est dû par la suite sur le portefeuille donné au décès des parents. A ce moment-là, les enfants deviennent les propriétaires à part entière de l’ensemble.

L’acte de donation stipule généralement que les enfants n’ont pas le droit de transférer la nue-­propriété du portefeuille.” – Benoît Verschueren (Deutsche Bank)

Objectif 2 : conserver les revenus

Aujourd’hui, en tant qu’usufruitiers, Maurice et Marie conservent le droit aux revenus générés (dividendes et intérêts) par les titres donnés. “Mais comme ceux-ci peuvent fluctuer d’une année à l’autre, poursuit Benoît Verschueren, ils pourraient envisager d’assortir la donation d’une charge financière subsidiaire minimale. Si l’usufruit reste en dessous d’un certain pourcentage au cours d’une année donnée, cette charge compense le manque à gagner. Cette charge peut même être indexée annuellement.”

Cette option peut également s’avérer intéressante lorsque le portefeuille-titres est composé en tout ou en partie de fonds d’investissement à capitalisation (ne distribuant aucun revenu).

Objectif 3 : garder le contrôle

En donnant leur portefeuille avec une réserve d’usufruit, Maurice et Marie évi­tent de permettre à leurs descendants de disposer librement et séparément de sa pleine propriété aujourd’hui.

“D’ailleurs, l’acte stipule généralement que les enfants n’ont pas non plus le droit de transférer la nue-propriété du portefeuille, précise Benoît Verschueren. De cette manière, le caractère familial de la transaction est préservé tant que les parents sont en vie.”

Objectif 4 : gérer le portefeuille

Lors de la donation d’un portefeuille de titres en usufruit, Maurice et Marie conservent, en tant qu’usufruitiers, le droit de gérer le portefeuille. Ce faisant, ils doivent agir en tant que personne prudente et raisonnable, ainsi que conformément à l’objectif du bien.

Etant donné qu’un portefeuille de titres est une unité générale de propriété, Maurice et Marie peuvent céder les titres sous-jacents tant que le bien qui les remplace fait partie du portefeuille. “Ils peu­vent par exemple vendre certains titres sous-jacents du portefeuille pour en acheter d’autres, ou réinvestir le produit d’un titre arrivé à échéance”, explique Benoît Verschueren.

“Toutefois, les parents ne peuvent vendre aucun titre du portefeuille pour en faire un usage libre. En principe, la vente de l’ensemble du portefeuille pour investir dans un bien immobilier, par exem­ple, n’est pas non plus autorisée, sauf si les parties en ont convenu autrement.

Dans tous les cas, il est fortement recommandé de définir clairement les droits de l’usufruitier et du (des) nu-propriétaire(s) dans l’acte de donation, en tenant compte du profil d’investisseur de toutes les parties.”

Objectif 5 : protéger le conjoint survivant

Maurice et Marie souhaitent également se protéger au maximum après le décès de l’un d’eux. Il existe déjà plusieurs mécanismes qui continuent à garantir l’usufruit du portefeuille de titres au conjoint survivant : l’usufruit successif légalement accordé, l’accroissement légal en usufruit tel que prévu par le droit des biens et la clause dite d’accroissement conventionnelle (il s’agit d’une clause incluse dans l’acte de donation).

“Si une clause d’acquisition conventionnelle est prévue dans l’acte de donation, elle prime sur les deux autres mécanismes, indique Benoît Verschueren. Dans la pratique, il est souvent opportun de prévoir une telle clause, non seulement parce que les parties peuvent la plier à leur volonté, mais aussi pour des raisons fiscales. En effet, le traitement fiscal diffère en fonction de la situation concrète, du mécanisme applicable et de la Région. Par exemple, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale ne prélèvent pas de droits de succession sur les usufruits successifs légalement accordés, alors qu’en Flandre, elles le font – sous réserve d’exemptions spécifiques. D’autre part, aucune des Régions ne dispose d’une disposition formelle permettant de soumettre l’acquisition légale de l’usufruit aux droits de succession. Et dans la situation de Maurice et Marie, l’acquisition conventionnelle de l’usufruit n’est pas non plus soumise aux droits de succession ou de donation.”

Exercice de réflexion globale

“Toute solution patrimoniale optimale est le résultat d’une réflexion globale qui tient compte de la situation concrète, des objectifs spécifiques des parties concernées et des conséquences civiles et fiscales, conclut Benoît Verschueren. Il est donc conseillé de prendre conseil auprès d’un notaire, d’un avocat ou d’un autre expert en planification patrimoniale. Il pourra élaborer pour vous un plan adapté à vos besoins.”

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