Veuve Clicquot: plus “classe” que mode!

L’hôtel du Marc qui avait été construit à Reims par la Veuve et son associé rouvre ses portes pour recevoir les meilleurs amis de l’une des plus célèbres maisons de champagne au monde. Reflet en pierre d’une réussite en liquide.

C’est en 1840, au moment où la veuve de François Clicquot a définitivement installé la petite entreprise familiale au sommet de la gloire du champagne, que l’hôtel du Marc voit le jour. Malgré le prestige qui entoure désormais celle que l’on appelle “la Grande Dame de la Champagne”, la veuve choisit d’édifier un hôtel néoclassique aux proportions raisonnables, prolongé par un jardin de taille humaine, caché lui-même discrètement au coeur de la ville de Reims. L’hôtel est avant tout construit pour perpétuer la tradition d’accueil champenoise, mais également pour loger l’incontournable associé de la veuve, Edouard Werlé. Cent septante ans plus tard, ce haut lieu de la marque vient de faire peau neuve, en cherchant à rendre hommage à l’esprit audacieux et innovant de la Veuve. Des cinq chambres à coucher réservées aux hôtes à l’intimité du fumoir en passant par le bar et ses mille et une bouteilles, l’hôtel ose les contrastes. En face d’une rampe classique, il y a désormais une rampe contemporaine qui jaillit tel un pied de vigne. Dans le petit salon, lieu qui se veut hors du temps, trône à présent la console et le miroir cosmique du designer Edouard Van der Straeten et dans le jardin où l’on se promenait jadis en haut-de-forme s’élève aujourd’hui une oeuvre d’art en spirale de métal couleur “jaune Clicquot” née de l’imagination des frères Campana, qui évoque sans complexe l’effervescence du champagne. Un marché essentiellement étranger Cette rénovation a été le fruit d’une réflexion sur les qualités qui ont fait la réussite de la maison. Des qualités qui doivent beaucoup au tempérament de la Veuve. Si l’on remonte un instant dans le temps, on découvre en effet que l’histoire de Barbe Nicole Ponsardin, veuve à 27 ans de François Clicquot, était proprement révolutionnaire pour l’époque, la consacrant a posteriori comme une des premières femmes d’affaires de l’histoire de France. A l’époque où une jeune femme touchée par le veuvage se contentait généralement, si sa situation financière le permettait, de vivre des rentes laissées par son mari, madame Clicquot décide de prendre les rênes de l’entreprise familiale créée en 1772. Dès sa “prise de pouvoir” et en pleine tourmente économique consécutive aux guerres napoléoniennes, elle se fait remarquer pour son audace : ainsi expédie-t-elle en 1805 un quart de ses 115.000 bouteilles vers la Russie, bravant l’insécurité qui sévit alors sur les routes d’Europe. Tandis que la marque devient ainsi rapidement la “klikofskoé” — comme l’appellent les clients russes — la femme d’affaires tourne déjà les yeux vers le marché américain dont le goût pour son champagne va affiner son image de marque, notamment à travers la “carte jaune” qui plaît tant aux Anglo-Saxons et nouveaux riches de la côte est américaine….

Plus de 200 ans plus tard, cette orientation étrangère n’a pas changé : sur les huit millions de bouteilles produites par an (sur 320 millions produites par toute la Champagne), 90 % de la production part vers le marché étranger. Le premier marché de la maison reste les Etats-Unis, suivis du Royaume-Uni et de l’Italie, la Belgique tenant le 8e rang. Que ce soit dans les hôtels de luxe de Moscou ou dans les bars de nuit de Miami, Veuve Clicquot est toujours un must pour une clientèle aisée qui aime la marque visuelle indémodable de l’étiquette jaune orange et son gage de qualité. Dans le même esprit d’ouverture au monde qu’avait montré madame Cliquot à son époque, la maison s’est à présent développée dans les pays émergents, notamment au Brésil, où l’on adore faire sauter un bouchon Clicquot. Un gage d’avenir pour une marque au long cours…

Innovation, rénovation Mais le regard que la Veuve a toujours porté vers les horizons lointains ne l’a pas empêchée de le poser au plus près de la vigne et de ses terres. C’est là sans doute qu’elle a trouvé les ressources profondes de sa créativité. Ainsi, la méthode champenoise lui doit sa première table de remuage, créée en 1816, qui permet de planter des bouteilles de manière inclinée pour les faire “dégorger” de leurs dépôts et offrir au client un champagne plus limpide. Une innovation qui, deux siècles plus tard, a inspiré la designer Andrée Putman, laquelle a réalisé une table trouée dans laquelle on peut planter ses bouteilles selon des inclinaisons différentes, lesquelles reflètent les stades du procédé inventé par Barbe Nicole Clicquot…. C’est la Veuve également qui en 1818 a osé ajouter quelques grappes de vins rouges de Bouzy pour lancer le premier rosé connu en Champagne, ouvrant ainsi la porte aux nombreuses déclinaisons du produit, du champagne brut “carte jaune” au plus prestigieux des prestigieux : la Grande Dame ou la Grande Dame Rosé, créée en 1988 et composé uniquement les meilleures années, avec la meilleure qualité de raisin, issu des meilleurs terroirs de la maison.

C’est dans cet esprit d’innovations qui en engendrent d’autres qu’a été rouvert le lieu de réception privilégié que constitue l’hôtel du Marc. Si sa restauration veut montrer que la maison Clicquot s’inscrit dans la créativité contemporaine, en faisant appel à des artistes comme Pablo Reinoso, Matthieu Lehanneur ou Bruno Moinard, l’architecte décorateur principal, elle a conservé par ailleurs, à quelques kilomètres de l’hôtel du Marc, le Manoir de Verzy, une bâtisse située dans un village classé Grand Cru, au coeur même de la vigne : les hôtes de la marque peuvent y prendre un déjeuner champêtre dans un cadre inchangé depuis deux siècles.

Une marque au féminin Comme pour toutes les vieilles maisons françaises, le défi de Veuve Clicquot est de rester un champagne de référence qui perpétue un savoir-faire, tout en démontrant sa capacité à s’adapter pour ne jamais sembler dépassée. C’est ainsi que Veuve Clicquot s’est inséré dans le monde du spectacle et de l’événement, en s’associant à des manifestations sportives chic, comme le Polo Classic de New York ou le grand moment du tennis en France qu’est Roland Garros. Son souci écologique tant dans la production de son champagne que dans la restauration de l’hôtel est également un signe qui lui a valu une reconnaissance contemporaine. Mais il n’y avait rien de plus performant en matière d’image moderne que de miser sur l’origine féminine de la maison. Le prix Veuve Clicquot de la femme d’affaires a ainsi été créé dès 1972. Il est décerné aujourd’hui dans quelque 27 pays différents, couronnant des centaines de femmes issues des quatre coins de la planète pour leur audace et leur créativité dans le monde de l’entreprise. La personnalité exceptionnelle de la Veuve est certainement la meilleure carte à jouer pour se distinguer des autres maisons de champagne, dont Moët et Chandon qui sont désormais intégrées au sein du même groupe LVMH.

LAURENCE D’HONDT

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