Un drone hypersonique à hydrogène, le rêve fou de Destinus

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Destinus © Destinus

Un drone pouvant relier Paris à New York en 90 minutes sans émettre le moindre gramme de CO2: le rêve de la start-up européenne Destinus paraît très ambitieux. Mais la feuille de route pour y parvenir est-elle bien établie?

Le projet: développer un avion autonome hypersonique – volant donc au-delà de Mach 5, soit 6.100 km/h – à 30 kilomètres d’altitude, qui consommera de l’hydrogène liquide et transportera du fret, mais aussi des passagers. Une sorte de mini-Concorde vert, qui volera presque deux fois plus haut et trois fois plus vite que l’ancien supersonique franco-britannique.

L’engin sera “autonome”, c’est-à-dire avec “une personne dans la boucle mais qui n’est pas à bord” pour gérer notamment les phases de décollage et d’atterrissage, explique à l’AFP Jean-Philippe Girault, directeur général de Destinus. L’idée a pris forme en mars 2021, quand le Russe Mikhail Kokorich a fondé la société, basée en Suisse. L’entrepreneur avait quitté la Russie en 2012 et s’était installé aux Etats-Unis pour y créer une start-up du spatial à succès, Momentus, avant de devoir en laisser les rênes sur fond d’imbroglio juridico-financier et de rebondir en Europe.

L’objectif est de développer un premier appareil commercial capable de transporter 25 à 30 personnes ou 3 à 4 tonnes de fret à “l’horizon 2031-2032”, détaille Jean-Philippe Girault. “Le fret express intercontinental, c’est aujourd’hui minimum 10 heures. Ce qu’on dit, c’est qu’on est capable de diviser par trois” le temps de transport, affirme-t-il, évoquant un marché par exemple pour des “pièces détachées” à convoyer d’urgence à l’autre bout du monde pour ne pas mettre à l’arrêt une chaîne de production. Le domaine hypersonique étant – en tout cas pour l’heure – réservé aux missiles et aux véhicules spatiaux, ne s’agirait-il pas aussi de transporter des charges militaires? “C’est une technologie double usage, qui peut avoir des applications militaires (ou civiles, NDLR) comme tout avion”, convient-il. “Aujourd’hui en tout cas en France, il n’y a pas d’applications (militaires) qui sont envisagées” pour Destinus, ajoute-t-il.

Pour l’heure, il s’agit de développer, pas à pas, les technologies qui permettront d’arriver au vol hypersonique à hydrogène, sans aucune émission donc.

“Fer à repasser très effilé”

Deux premiers démonstrateurs, des engins destinés à démontrer les technologies et concepts d’emploi, ont déjà volé et ont été exposés à l’occasion du salon aéronautique du Bourget, la semaine dernière. Le premier, Destinus 1, un engin de 4 mètres de long en forme de “fer à repasser très effilé”, a commencé à voler huit mois après la création de l’entreprise. Pour le second, Destinus 2 et ses 10 mètres de long, ce fut 10 mois après. Il s’agissait de tester un turboréacteur fonctionnant au kérosène d’aviation avec une post-combustion à l’hydrogène. Celle-ci permet au réacteur d’avoir une poussée supplémentaire, comme sur les avions de chasse. L’objectif de l’entreprise maintenant est de faire voler début 2024 Destinus 3, qui franchira le cap supersonique en volant à Mach 1,3.

La société qui, outre la Suisse, est présente en Espagne, en Allemagne et en France, compte réaliser ces essais supersoniques depuis l’aéroport français de Rochefort (Charente-Maritime) pour profiter notamment de sa proximité avec l’océan. Destinus 4 aura ensuite pour mission d’aller vers le “supersonique élevé”, à Mach 2,5 (3.000 km/h), vitesse à laquelle il est possible d'”allumer un statoréacteur” permettant de chercher les vitesses encore plus hautes. Vers 2027-2028, le dernier démonstrateur, Destinus 5, intégrera toutes les technologiques pour franchir le seuil hypersonique.

A ces vitesses folles, l’hydrogène liquide, outre sa combustion dans le moteur, servira également à refroidir les parois de l’engin soumises à un échauffement intense dû à la vitesse ainsi que l’air entrant dans le réacteur, explique Jean-Philippe Girault. La start-up a déjà pris contact avec l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) pour discuter des moyens d’une future certification, sésame indispensable pour mettre un avion en service. “On part d’une feuille de route complètement blanche”, justifie le patron de Destinus. L’entreprise a déjà levé “un peu plus de 50 millions d’euros” auprès de fonds de capital-risque notamment et du gouvernement espagnol (10 millions d’euros) via le programme Horizon Europe. Il en faudra encore beaucoup, “de l’ordre du milliard” d’euros pour aller au bout des expérimentations de Destinus 5, selon le directeur général, et “plusieurs milliards” supplémentaires pour les premiers engins de série.

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