Un communiste flamand chez les Wallons
La popularité croissante de la figure de proue du PTB/PvdA Raoul Hedebouw rend la rue de la Loi nerveuse. L’épingler à propos de l’ancienne adoration du parti pour les dictateurs de gauche, cela ne l’a pas déstabilisé. L’attaque se déplace maintenant en direction du programme économique irréaliste du parti. Un portrait réalisé par notre collègue journaliste néerlandophone de Trends Alain Mouton.
Ce lundi 19 décembre, le Parti Socialiste (PS) tiendra un bureau spécial du parti autour d’un seul thème: les scores toujours meilleurs du parti de gauche radicale PTB/PvdA dans les sondages. Le parti obtiendrait 18% d’intentions de vote en Wallonie. Figure de proue et député fédéral, Raoul Hedebouw grimpe à la troisième place dans les sondages de popularité wallons, derrière le président du PS Elio Di Rupo et le Premier ministre Charles Michel (MR). Avec le croissant succès d’Hedebouw, le PS se trouve contrarié. Di Rupo l’ignore. “Il n’a encore rien dit à mon encontre à la Chambre”, dit Hedebouw.
Les socialistes francophones ont jusqu’à présent envoyé des signaux contradictoires concernant le PTB. Un membre influent du PS: “Hedebouw est le sourire derrière lequel une idéologie totalitaire se cache encore et toujours.” Ensuite, d’autres socialistes wallons trouvent que le PTB devrait rapidement être inclus dans une coalition, pour ‘brûler politiquement’ le parti. Lundi, le bureau du parti du PS visera la définition d’une stratégie uniforme pour faire face à la vague radicale de gauche.
Racines à Ruddervoorde
Raoul Hedebouw ne se laisse pas émouvoir et profite de sa popularité croissante, aussi en Flandre. En témoigne sa participation à l’émission De Slimste Mens ter Wereld. Sa présence dans ce média et son talent verbal font que beaucoup de personnes pensent qu’Hedebouw est le président du PTB/PvdA, alors que c’est en fait l’Anversois Peter Mertens.
Hedebouw a une explication simple pour son succès et celui de son parti: jusqu’en 2014, le PS a mené une politique trop à droite dans les gouvernements fédéraux. La limite dans la durée des allocations d’insertion (les anciennes allocations d’attente pour les personnes qui terminent leurs études) et la dégressivité des allocations de chômage – des mesures du gouvernement Di Rupo – surtout ont détourné pas mal de Wallons du PS. Ensuite, Hedebouw souligne que le PTB essaie d’occuper le terrain que le PS a déserté petit à petit: les anciennes maisons du peuple, le lieu de travail, les piquets de grève.
C’est le biotope dans lequel Hedebouw a grandi. Ses grands-parents étaient actifs dans le mouvement ouvrier chrétien. Son père, Hubert, originaire de Ruddervoorde, était plus radical et a rejoint Amada, le prédécesseur du PTB/PvdA. Loyal envers l’idéologie marxiste-léniniste, il a arrêté ses études de psychologie pour aller travailler dans l’industrie sidérurgique wallonne. Sa maman, Paula Hertogen, vient du Limbourg. A Herstal, où Raoul Hedebouw a grandi, la langue parlée à la maison est restée le néerlandais. Très jeune déjà, Hedebouw a emboîté le pas de ses parents au niveau syndical. Lorsque sa mère a été licenciée en 1992 d’une société américaine de l’industrie chimique à cause de ses activités syndicales, cela a été un choc pour le jeune Raoul.
L’écolier Hedebouw a ainsi pris part à la protestation contre les économies dans l’enseignement francophone. En 1997, alors qu’il n’avait pas encore vingt, il se trouvait aux côtés de Roberto D’Orazio sur le podium des Forges de Clabecq. Le parfait bilingue Hedebouw traduisait ses discours en Néerlandais. Hedebouw était alors encore un DJ bien connu dans la vie nocturne liégeoise. Après ses études en biologie et une courte période en tant que professeur, il est parti au Congo. Il y a séjourné chez l’ancien président du PvdA Ludo Martens, l’homme qui a écrit une apologie du dictateur du Soviet, Un autre regard sur Staline. Officiellement, Hedebouw y faisait de l’aide au développement, mais il devait en fait créer un mouvement de gauche au Congo. Ce qui n’a pas réussi. De retour en Belgique, Hedebouw est devenu le porte-parole du parti en 2005. 2008 a été une année charnière. Le PTB/PvdA est resté marxiste, mais il a rompu avec l’idéologie stalinienne et maoïste.
Les opposants essaient d’épingler le parti sur ce passé. La présidente du Vld Gwendolyn Rutten et les libéraux francophones pensent à un cordon sanitaire. Le politologue de l’ULB Pascal Delwit souligne les deux visages du PvdA: “Le problème reste que, derrière une sympathique image de gauche pour le monde extérieur, une ligne de parti interne rigide existe. Pour les fondateurs ou leurs enfants, la révolution socialiste reste un objectif.”
Coût: 50 milliards d’euros
Mais les années sombres du parti ne peuvent pas déstabiliser le PTB/PvdA. La critique se dirige depuis peu davantage sur le programme économique du parti. Hedebouw dit: “Je me trouve à la gauche de la gauche. Parce que les socialistes se sont beaucoup trop rapprochés de l’orientation libérale.” Une taxe sur les millionnaires, une semaine de travail de 30 heures, des pensions plus élevées et la nationalisation sont les piliers.
Gauche populiste et intolérable, disent les critiques. L’économiste Ive Marx, connu pour être de gauche, a encore tweeté la semaine dernière: “Leuk dat Hedebouw de PS de stuipen op het lijf jaagt, maar helaas wel met verkeerde gevolgen: robottaksen, protectionisme, vierdagenweek,…” (que l’on pourrait traduire par “Amusant que Hedebouw file la frousse au PS, mais hélas avec de mauvaises conséquences: taxe sur l’automatisation, protectionnisme, semaine de quatre jours, …”). Philippe Defeyt, un économiste wallon respecté à gauche et ancien président d’Ecolo, a calculé le coût du programme du PTB/PvdA: 50 milliards d’euros. Chaque année. Ce chiffre, Hedebouw & co auront à l’entendre plus d’une fois, au cours des prochains mois.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici