Une carte blanche de Julien Sicart, SVP Digital Services Business Line chez Orange Business
Alors que le monde traverse une période d’incertitude, les entreprises font face à des priorités contradictoires et doivent s’adapter rapidement ; les choix technologiques du moment seront primordiaux, et sujets à un double impératif. Le premier est l’exploitation de la puissance de l’intelligence artificielle pour innover, tout en conservant un contrôle absolu sur leurs données les plus sensibles. Le second, concilier innovation avec des exigences de sécurité et de conformité toujours plus strictes. Cette dualité est d’autant plus prégnante que la question de la souveraineté numérique s’impose aujourd’hui comme un enjeu majeur. En témoigne la récente démarche de la Commission européenne et de son référentiel de définition pour le cloud souverain. L’initiative souligne l’urgence et la complexité de bâtir un environnement numérique à la fois performant et maîtrisé.
L’importance cruciale de la souveraineté à l’ère numérique
La souveraineté numérique n’est ainsi plus un simple concept théorique, mais une nécessité opérationnelle et stratégique. Les cadres réglementaires tels que le RGPD en Europe, auxquels s’ajoutent les législations sectorielles spécifiques (santé, finance, défense), imposent des exigences strictes en matière de localisation, de traitement et de protection des données. Un cloud souverain doit conforter les entreprises dans leurs efforts de se conformer à ces régulations, évitant ainsi des sanctions lourdes et une atteinte à leur réputation, et garantir que les données ne soient pas soumises à des juridictions étrangères potentiellement conflictuelles.
Des données sécurisées représentent un gage de confiance. Les entreprises et services de l’Etat peuvent innover plus sereinement, développer de nouveaux services numériques, performants et sécurisés, ainsi que rassurer leurs clients et partenaires quant à l’intégrité de leurs informations. Elles forment aussi un cadre pour assurer la continuité des services numériques essentiels, même en cas de tensions géopolitiques.
Bâtir une infrastructure adaptée à chaque entreprise
La mise en œuvre d’une telle stratégie de cloud souverain ne relève pas d’un choix binaire. Elle doit être pensée sur mesure et tenir compte des besoins spécifiques de chaque organisation. Chaque entreprise est exposée à des risques propres et sujette à des exigences réglementaires uniques. Le concept de “Souveraineté à la demande” permet de répondre au niveau de sécurité requis pour chaque type de donnée ou d’application. Il s’agit d’identifier les actifs les plus critiques et de leur appliquer le plus haut niveau de protection, tout en conservant la flexibilité pour des charges de travail moins sensibles. Cette approche pragmatique optimise les coûts et les ressources.
Une infrastructure souveraine n’aboutit pas non plus à un enfermement technologique. Au contraire, en combinant les possibilités d’héberger les données sur site, dans un cloud privé ou un cloud public, une stratégie hybride multi-cloud offre la flexibilité de choisir ses modalités opérationnelles en fonction de leur sensibilité et des exigences de performance. Reste la question, essentielle, de la migration. Elle doit être facilitée par des outils et une expertise solide, pour assurer des transferts sécurisés et sans interruption. Un tel environnement demande l’intégration de règles de sécurité dès la conception, l’automatisation des processus de gouvernance des données et l’implémentation de solutions robustes de gestion des identités et des accès.
Protéger les données sensibles
L’émergence de l’IA générative amplifie la nécessité d’une approche axée sur la sécurité, en particulier pour les entreprises manipulant des données sensibles. Pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA, les entreprises ont besoin d’infrastructures dédiées, capables de gérer des charges de calcul intensives tout en garantissant l’intégrité et la confidentialité des données utilisées pour l’entraînement des modèles. Une étude de Fivetran révélait récemment que 64 % des DSI déclarent avoir dû retarder des projets d’innovation pour répondre à des préoccupations de conformité et de sécurité. Une infrastructure souveraine assure que ces ressources de calcul et de stockage sont sous le contrôle de l’entreprise. Du développement à la production, les entreprises ont besoin d’un environnement contrôlé pour l’intégration des modèles, la gestion des API et la surveillance des performances, garantissant que les algorithmes et les données soient protégés contre les accès non autorisés ou les fuites.
Par exemple, un de nos clients souhaitait personnaliser un modèle de langage avec ses données sensibles. En utilisant un environnement souverain, il a assuré la protection de ses données propriétaires, évitant tout risque de fuite ou d’appropriation par des tiers.
L’une des applications importantes de l’IA est le fine-tuning des modèles de langage (SLM/LLM) avec des données spécifiques à l’entreprise. Cependant, cette opération est extrêmement sensible, car elle expose des informations propriétaires et confidentielles. Un cloud sécurisé permettra de réaliser ce fine-tuning dans un environnement souverain, où les données ne quitteront jamais le périmètre de contrôle de l’entreprise, évitant ainsi les risques de fuite ou d’appropriation par des tiers. Alors que l’abandon des projets d’IA représente un coût considérable, cette technique de sécurisation deviendra indispensable pour déployer ces projets à grande échelle.
Le cloud souverain devient une composante essentielle de la stratégie des entreprises modernes. Il incarne la convergence des impératifs de sécurité, de conformité et d’innovation, offrant un cadre robuste pour exploiter la puissance de l’IA tout en conservant une maîtrise absolue des données. En adoptant une approche de “Souveraineté à la demande” et en s’appuyant sur des architectures hybrides multi-cloud, les organisations s’ouvrent la voie pour réussir leurs projets d’IA à l’échelle.