Temu, l’application qui mélange shopping et jeu, vampirise la Belgique
Deux semaines après son lancement en Belgique, l’application chinoise Temu est l’application de shopping la plus téléchargée. Son secret ? Des produits que l’on ne paye pas avec de l’argent, mais avec ses données.
L’application Temu et son large éventail de produits à la Amazon, ses prix riquiquis comme Shein et ses jeux addictifs qui permettent d’obtenir des articles gratuits a rapidement conquis le monde. Et la Belgique n’a pas résisté au phénomène. L’application y a été lancée il y a deux semaines et connaît un succès fulgurant.
De l’ultra fast fashion
La boutique en ligne Temu, que l’on prononce ti-mou et qui est mot valise de “Team Up, Price Down”, propose une offre pléthore. Temu propose ainsi de l’ultra fast fashion (soit de la mode à prix ultra bas), mais aussi des objets de décorations, des jouets, du cosmétique, des bijoux et même des outils. Soit une offre qui s’inspire de site comme Shein, Ali Express ou encore Wish. Sauf que Temu ne propose pas seulement beaucoup de produits, elle les vend aussi à des prix défiants toute concurrence. Elle peut pour cela dire merci aux fabricants chinois qui vendent sur sa plateforme leurs produits directement aux clients internationaux. De quoi faire sauter les marges des intermédiaires.
Si l’application cartonne, elle n’est pourtant pas bien notée. Sur l’App Store d’Apple elle est ainsi évaluée à 2,9 sur 5. Beaucoup y critiquent des délais de livraison de parfois deux semaines (quand le produit arrive) et la qualité des produits guère faits pour durer.
A déjà conquis l’Amérique
Une approche qui, outre la Chine, a déjà séduit en masse les États-Unis ou l’application a longtemps été la plus téléchargée. Elle a ainsi dépassé Amazon, Instagram ou encore TikTok. Lancée en septembre 2022, on estime qu’elle a aujourd’hui environ 900 millions d’utilisateurs dans le monde. Un succès aussi en bourse puisque sa capitalisation boursière s’élève aujourd’hui à quelque 85 milliards d’euros.
Temple du « shopatainment » (shopping et divertissement)
Elle doit son succès non seulement à ses prix très bas et sa large offre, mais aussi à une technique de vente particulière. Elle mêle en effet jeu (gaming) et vente de façon très addictive. En jouant on peut obtenir des codes promos, voire des produits gratuits. L’idée est de récolter un maximum de données auprès de, si possible, nouveaux utilisateurs.
Si de nombreux sites d’e-commerce utilisaient déjà ce type de procédés, aucun ne le faisait de façon aussi systématique. D’autant plus que, comme souvent, au début on gagne rapidement, puis cela se complique.
Pour augmenter ses chances de gagner, on doit augmenter les interactions et l’engagement. Par exemple en ouvrant l’application plusieurs fois par jour ou en demandant, de façon plus ou moins insistante, à ses amis de télécharger l’application. Si parfois quelques minutes à parcourir les offres font déjà l’affaire, tout est en réalité fait pour que le consommateur scrolle un maximum. C’est aussi pour ça que des milliers de nouveautés sont ajoutées chaque jour. Plus de choix signifie un ciblage plus précis par les algorithmes et, in fine, plus d’achats.
Campagne massive via les réseaux sociaux
Partager des vidéos sur TikTok, ou un jeune passe en moyenne environ une heure et demie par jour, est aussi particulièrement récompensé par l’application. De quoi expliquer l’engouement sur ce réseau social. Le hashtag sur TikTok a en effet déjà généré plus de 1.9 milliards de vues. Pas mal pour ce qui n’est souvent qu’un déballage de produit.
Mais ce succès sur les réseaux sociaux s’explique aussi par un marketing agressif notamment sur Facebook, sur Instagram et via les influenceurs. Temu va même s’offrir une pub à la mi-temps du Superbowl de février. Soit 12,9 millions d’euros pour deux spots de 30 secondes avec le slogan « shop like a billionaire » ou « achetez comme un milliardaire ».
Temu se montre chaque jour plus agressive sur la publicité. L’année dernière, Temu a dépensé 1,4 milliard d’euros pour collaborer avec des influenceurs et acheter des espaces publicitaires. On estime que ce montant atteindra 4 milliards cette année.
Une enquête réalisée par Comeos révèle ainsi que près de neuf jeunes sur dix suivent les influenceurs. Chez les adultes, ils ne sont que la moitié d’entre eux.
Pas une nouveauté cependant
En réalité Temu n’est pas une nouvelle entreprise, mais une variante occidentalisée de Pinduoduo, un site d’e-commerce fondé en 2015 et troisième plus grande entreprise de commerce électronique en Chine. Les deux appartiennent d’ailleurs au même groupe PDD Holdings.
Quoi qu’il en soit, encouragée par ce succès américain, Temu s’est depuis lancée à la conquête du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et enfin de l’Europe. Avec le Royaume-Uni à la fin mars et la Belgique il y a deux semaines.
Un succès qui montre aussi qu’entre les discours des consommateurs et la réalité, il y a plus qu’un gouffre. Car il prouve que la surconsommation et l’ultra fast-fashion sont loin d’être enterrées et font toujours recette. Et qu’importe, tant que le prix défie toute concurrence et que le rabais est attractif, si l’origine du produit est incontrôlable tout comme sa composition. Qu’importe aussi si cela augmente l’addiction au jeu et aux achats compulsifs.
“Je pense que l’Occident n’a pas encore pleinement réalisé ce qui va se passer dans les mois et les années à venir”, déclare ainsi Ed Sander, spécialiste tech digitale en Chine dans De Morgen. “Une entreprise comme Coolblue n’a pas à s’inquiéter dans l’immédiat, car ses produits ne sont pas immédiatement vendus par les plateformes chinoises. Mais pour les discounters comme Action ou Zeeman, il faudra être vigilant. Ils misent beaucoup sur les produits ménagers et la décoration, des produits qui proviennent souvent de Chine de toute façon. Et il n’est pas improbable que des entreprises similaires soient créées dans les années à venir”.
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