Robots humanoïdes: la Chine en embuscade pour conquérir ce marché à 10 000 milliards de dollars

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Grâce à son soutien étatique et à des coûts réduits, la Chine accélère la cadence pour rattraper son retard sur l’Occident et s’imposer sur le marché émergent des robots humanoïdes, estimé à 10 000 milliards de dollars.

Agitant des mouchoirs rouge vif et dansant au rythme d’une musique folklorique, la douzaine de robots humanoïdes était les stars du gala annuel du Nouvel An lunaire. Les plus d’un milliard de spectateurs suivant le plus grand show télévisé de Chine ont pu admirer en direct les avancées réalisées par les robots humanoïdes chinois.

Cette démonstration vient rejoindre les nombreuses vidéos relayées par les médias d’État montrant ces robots exécutant toutes sortes de prouesses comme faire du vélo ou effectuer un salto. De quoi rendre moins lointain un avenir à la  « I, Robot » où des robots humanoïdes seconderaient l’homme pour les tâches du quotidien.

Un titanesque marché

Selon CNN, de tels robots n’auront un véritable impact sociétal que d’ici 5 ou 10 ans. Mais, à terme, selon Xi Ning, professeur titulaire en robotique et automatisation à l’Université de Hong Kong, ils pourraient devenir des appareils électroniques de consommation courante. «Tout le monde en aura besoin, comme pour les automobiles ou les téléphones portables, et le volume du marché sera potentiellement immense », a-t-il déclaré à CNN.

Goldman Sachs a estimé l’an dernier que le marché mondial de ces robots humanoïdes atteindra une valeur de 38 milliards de dollars d’ici 2035. D’ici cinq ans, la banque américaine prévoit la livraison de 250 000 unités, principalement destinées à un usage industriel. Et d’ici une décennie, Goldman Sachs prévoit que les consommateurs pourraient acheter près d’un million de ces robots par an.

Elon Musk – dont le robot humanoïde Tesla Optimus suscite un intérêt mondial depuis son lancement en 2022 – est lui convaincu que ce secteur pourrait générer à lui seul plus de 10 000 milliards de dollars de revenus.

Un retard technologique persistant

Un rapport de Morgan Stanley, publié le mois dernier et cité par le site d’information américain, estime que 56 % des entreprises de la chaîne d’approvisionnement des robots humanoïdes sont basées en Chine. Ce qui ne l’empêche pas d’accuser un retard sur l’Occident dans certaines technologies clés.  

Les entreprises européennes, américaines et japonaises conservent en effet une position dominante sur le marché des composants haut de gamme, tels que les capteurs, les moteurs et le matériel de précision, qui garantissent une meilleure stabilité et une plus grande fluidité des mouvements robotiques, selon ce rapport.

Un autre problème est les puces nécessaires à l’IA. Elles sont essentielles au fonctionnement des robots humanoïdes puisqu’elles pilotent leurs capacités cognitives, leur perception et leurs mouvements. Or, de nombreux développeurs de robots dépendent des produits de Nvidia. Des produits qui connaissent des restrictions et qui ont poussé Pékin à développer une chaîne d’approvisionnement nationale pour les semi-conducteurs.

Pour pallier ces lacunes, les fournisseurs chinois cherchent activement à collaborer avec Tesla. Nombre d’entre eux lui ont déjà envoyé des échantillons de composants.

« Une fois que les fabricants chinois fournissent des composants à Tesla, ils les améliorent en fonction des retours de tests, puis proposent ces versions optimisées aux fabricants locaux », explique, à CNN, P.K. Tseng, responsable principal de la recherche chez TrendForce, une société d’analyse de marché. Cela permet une mise à niveau technologique permanente et renforce la qualité de l’ensemble de l’industrie nationale de la robotique humanoïde, ajoute-t-il.

La Chine domine déjà le secteur des robots industriels

Bien qu’arrivées plus tard que leurs concurrentes américaines – telles que Tesla Optimus, Boston Dynamics ou Figure AI – les entreprises chinoises comblent rapidement leur retard. Leur maîtrise des chaînes d’approvisionnement et leur capacité à réduire les coûts leur permettent d’accélérer la production de masse des robots humanoïdes, selon les experts.

La Chine domine déjà le secteur des robots industriels, déployant chaque année (et ce depuis 2021) plus d’unités que tous les autres pays réunis, selon la Fédération internationale de la robotique, une organisation non gouvernementale basée en Allemagne. Contrairement aux robots humanoïdes, les robots industriels reposent sur des technologies moins avancées et exécutent des tâches moins complexes.

Pékin a depuis intensifié son soutien au secteur de la robotique humanoïde, en multipliant les financements et les initiatives gouvernementales. « La Chine a démarré relativement tard, mais elle possède des atouts considérables, notamment un marché immense et une chaîne d’approvisionnement technologique relativement complète, ce qui lui permet de développer facilement des robots similaires à moindre coût », confie Xi Ning, professeur en robotique et automatisation à l’Université de Hong Kong, à CNN.

Une guerre des prix qui bouleverse le marché

Malgré ces écarts technologiques, la Chine s’impose déjà comme un acteur disruptif sur le plan tarifaire dans ce secteur émergent. L’entreprise Engine AI, basée à Shenzhen, a lancé fin 2023 son modèle PM01 au prix de 12 175 dollars, tandis que Unitree a commercialisé son G1, capable d’exécuter un coup de pied circulaire, pour 13 697 dollars. À titre de comparaison, lors d’un événement l’année dernière, Elon Musk a estimé que le prix du Tesla Optimus se situerait entre 20 000 et 30 000 dollars.

Réduire les coûts de production constitue un levier essentiel pour accélérer la commercialisation des robots humanoïdes et leur adoption à grande échelle.

Un rôle à jouer pour l’industrie des VE

Au-delà des start up, les grands constructeurs chinois de véhicules électriques, tels que BYD et XPeng, investissent également dans le secteur des humanoïdes, prévient CNN. Selon les experts, la forte concurrence et la guerre des prix qui caractérisent le marché automobile chinois ont permis à ces entreprises de perfectionner leurs capacités de production à grande échelle, tout en optimisant les coûts.

Fin 2023, XPeng a dévoilé son robot humanoïde, Iron, et prévoit une production de masse d’ici fin 2025. Dans le même temps, BYD a lancé une campagne de recrutement en vue de développer son propre modèle, après avoir investi dans plusieurs fabricants nationaux de robots humanoïdes.

Comme les robots humanoïdes partagent de nombreuses similitudes technologiques avec les véhicules électriques, notamment en ce qui concerne les capteurs et les batteries, les fabricants automobiles chinois bénéficient donc d’un avantage concurrentiel stratégique.

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