Révolution NFT: l’art avant beaucoup d’autres secteurs
Depuis quelques années, les trois lettres les plus hype de l’univers crypto (NFT) font parler d’elles. Des chats, des singes ou des footballeurs numérisés agitent les collectionneurs prêts à débourser des fortunes pour devenir “e-propriétaire”. De quoi bouleverser le monde de l’art… Avant beaucoup d’autres domaines. Comment tout a commencé… et comment ça marche.
Surprenant: un NFT vendu à 1.000 ethers, celui de la golden key, réalisé par Yuga Labs et détenu par Mongraal. Un très joli score atteint en mars de cette année qui a mis en ébullition le microcosme de la blockchain et des cryptos. Cette information ne suscite aucune réaction en vous? Il est visiblement temps de vous remettre à niveau. Pour le dire autrement: une œuvre exclusivement digitale a en effet été vendue pour pas moins d’1,5 million d’euros! Il faut dire que le marché des NFT se structure et n’a plus rien de vraiment anecdotique, même s’il rencontre des hauts et des bas. En mars 2023, par exemple, 2 milliards de dollars ont été échangés sur les plateformes d’achat-vente de NFT… Voilà donc plus que le moment de s’intéresser et de comprendre cette technologie qui transforme l’industrie de l’art et ouvre aussi de nouvelles perspectives dans la propriété intellectuelle.
La multiplication des initiatives fait naître de nouvelles entreprises qui entourent les artistes.
Le terme NFT provient, évidemment, de l’anglais: “non fungible token”. Pour faire simple, retenons qu’il s’agit d’un titre de propriété certifiant l’authenticité et l’origine d’un bien numérique. Les NFT sont uniques et ont, chacun, leur propre valeur. “Un euro peut être échangé contre un euro ; une pomme contre une pomme, mais un NFT n’est pas échangeable contre un autre NFT: chacun est unique et donc non fongible, résume Rayan Kassir, cofondateur de From Belgium Witloof, une firme spécialisée en NFT. Il existe bien sûr beaucoup de produits numériques qui ont de la valeur. Nous pouvons payer pour de la musique sur Spotify, pour des films et séries sur Netflix ou pour accéder à des logiciels comme Adobe Photoshop. Tout cela n’est, cependant, pas rare. Et pas unique. A l’inverse des NFT.”
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Cette unicité et cette authentification inaltérable sont possibles car les NFT se stockent sur une blockchain, généralement celle de l’Ethereum. Conséquence? Chaque NFT possède un identifiant numérique exclusif qui le distingue de tous les autres jetons. Et ils peuvent être utilisés pour représenter et échanger une grande variété d’actifs, tels que des œuvres d’art numériques, des vidéos, des musiques, des articles de collection et même des biens immobiliers virtuels! De plus, grâce à la technologie de la blockchain, chaque transaction et chaque modification apportée à un NFT est enregistrée de manière permanente et vérifiable, ce qui élimine les risques de contrefaçon et de falsification. Ils équivalent à un titre de propriété dans le monde réel.
Opportunité à vie pour les auteurs
En outre, les NFT permettent aux créateurs de contrôler les droits d’utilisation de leurs œuvres. En incorporant des contrats intelligents dans les NFT, les artistes peuvent spécifier les conditions d’utilisation de leurs actifs numériques, y compris les limitations géographiques, les droits de reproduction et les royalties. Pour les créateurs, ce procédé offre de nouvelles opportunités de protéger leurs droits de propriété intellectuelle et de s’engager directement avec leur public. Cela a révolutionné l’industrie de l’art en permettant aux artistes de monétiser, d’une nouvelle manière, leur travail numérique.
Si les NFT existent depuis 2012 environ, c’est en 2017 que les grosses premières initiatives de NFT ont commencé à connaître du succès auprès du grand public. A l’époque, ce sont des chats qui ont attiré l’attention, au travers de la plateforme CryptoKitties. Le concept? Un jeu en ligne basé sur la blockchain Ethereum, où les utilisateurs peuvent acheter, collectionner et élever des chats virtuels uniques représentés sous forme de NFT. Chaque félin possède des caractéristiques génétiques propres et peut se reproduire avec d’autres spécimens pour créer de nouveaux NFT avec des attributs hérités. Cette application a connu un grand succès, attirant l’attention sur les NFT et montrant leur potentiel dans le domaine du divertissement et des jeux.
Après les chats, de nombreux autres projets de NFT ont vu le jour, dont les CryptoPunks, une collection de 10.000 personnages uniques, générés de manière algorithmique. Ce sont des petites têtes pixélisées de garçons et de filles, en général, à la mode punk. Chaque personnage de la collection fait l’objet d’un NFT (donc unique) et possède des attributs distincts. Les CryptoPunks sont considérés comme l’une des premières collections de NFT à avoir connu un succès majeur, avec des ventes atteignant des sommes importantes. D’après la plateforme spécialisée NFT Stats, les quelque 10.000 Cyberpunks seraient détenus par 3.700 propriétaires différents et leur prix d’échange moyen atteindrait tout de même… 104.000 dollars!
Les NFT peuvent être programmés pour inclure un pourcentage des ventes futures.
Ces singes qui ont fait un carton
Autre série ultra-connue: le Bored Ape Yacht Club (BAYC). Il s’agit également d’une collection de 10.000 NFT. Ceux-ci représentent des singes, chacun dessiné différemment. Vous les avez probablement déjà vus, soit en ligne soit dans les médias. Chaque singe possède des traits distincts tels que des chapeaux, des vêtements et des accessoires, tous générés de manière aléatoire. Lancé en avril 2021, ce projet est devenu extrêmement populaire et a un moment inondé la toile. Les propriétaires de ces singes avaient tendance à les utiliser comme photo de profil sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, la “valorisation de l’ensemble de ces singes avoisine, d’après le site spécialisé Coingeko, les 475.000 ethers (ETH), cette cryptomonnaie sur laquelle les NFT se basent. A un cours de 1.680 euros l’ETH, cela correspond à 798 millions d’euros. En plus du NFT lui-même, les propriétaires de ces singes deviennent automatiquement membres du club exclusif Bored Ape Yacht Club, qui propose divers avantages et privilèges. Les membres du club ont accès à des événements spéciaux, à des récompenses et à des opportunités de participation à la gouvernance de la communauté. “C’est une notion que l’on retrouve dans pas mal de NFT, explique Rayan Kassir, cofondateur de Witloof. Car le NFT peut servir de badge d’entrée dans une communauté qui s’organise autour d’un artiste ou de certaines valeurs que défendent les propriétaires de NFT.”
Tous ces NFT à succès peuvent s’échanger sur des plateformes spécialisées comme OpenSea. Un propriétaire de NFT peut donc revendre son bien unique, au prix souhaité et, potentiellement, faire une plus-value. La particularité? Contrairement aux œuvres d’art traditionnelles, où les artistes ne reçoivent généralement qu’un paiement initial lors de la vente, les NFT peuvent être programmés pour inclure un pourcentage des ventes futures. Donc chaque fois qu’un NFT est revendu sur un marché secondaire, l’artiste ou le créateur initial peut recevoir une commission prédéterminée sur le prix de vente. Ces royalties sont automatisées grâce aux contrats intelligents (smartcontracts) intégrés dans la blockchain, ce qui garantit que les créateurs continuent à être rémunérés pour leur travail, même après avoir vendu l’œuvre originale. Un procédé avantageux pour les artistes qui peuvent bénéficier du succès futur de leurs créations. Ainsi qu’à toute la chaîne qui se met peu à peu en place, faisant émerger un véritable écosystème au niveau mondial comme au niveau belge.
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D’autres initiatives, en dehors de l’art pur et dur, émergent ponctuellement pour tenter de tirer parti des NFT. Ainsi, en 2021, l’Union belge de football derrière les Diables Rouges nouait un partenariat avec la start-up française Sorare. Cette dernière, active dans le fantasy sport en ligne, dispose d’une plateforme de jeu à mi- chemin entre les cartes Panini et un jeu de composition d’équipe. La nature du partenariat entre l’Union belge et Sorare? Permettre aux internautes d’acheter les cartes de footballeurs comme Lukaku, Hazard et de les intégrer dans leur stratégie de jeu. Des pièces uniques, forcément, qui peuvent s’échanger sur les plateformes d’échange de NFT ou permettent de constituer un équipe virtuelle afin de remporter des points et des cadeaux (y compris des cryptomonnaies) sur Sorare. Outre le “coup de com’” d’une opération qui a permis à la “génération dorée” d’être la troisième équipe nationale en NFT (derrière les Français et les Allemands), l’opération a aussi permis à l’Union de générer un peu de revenus via ces cartes NFT.
Nouvel écosystème en plein développement
On le voit, la multiplication des initiatives fait naître de nouvelles entreprises et de nouveaux métiers dans l’édition et la commercialisation de ces actifs numériques révolutionnaires. A côté des artistes, on trouve désormais des éditeurs de NFT, tout comme l’on trouve des maisons d’édition pour les auteurs de livres. C’est d’ailleurs le chemin évident qu’a réalisé Luc Pire, ancien éditeur de livres qui, en 2012, a vendu son groupe à RTL Belgium. Depuis 2022, l’homme s’est reconverti, entre autres activités, dans l’édition de NFT via la start-up From Belgium Witloof, cofondée avec quelques jeunes entrepreneurs de la tech. “J’ai vu dans l’univers du NFT de belles opportunités d’avenir pour les créateurs et les artistes, détaille Luc Pire. Au-delà de l’aspect spéculatif, cette technologie permet une rémunération juste des œuvres numériques, y compris en cas de reventes. Une maison d’édition dans l’univers NFT offre en outre beaucoup de similarités avec une maison d’édition traditionnelle: la prise de risque, le choix et le challenge de l’auteur pour qu’il soit le meilleur possible et le plus en phase avec l’attente du public, la vente et la promotion.” Le modèle économique d’un éditeur de NFT est d’ailleurs hyper-proche de celui des maisons d’édition de livre: un retour sur les ventes pour l’éditeur et un pourcentage remis à l’auteur.
Des acteurs traditionnels du monde de l’art comme les galeries ou les maisons de vente aux enchères mettent également, depuis un moment, un pied dans l’univers NFT. Ils servent de pont entre les artistes et les collectionneurs, offrant une expertise, une curation et une validation supplémentaires aux NFT. Des maisons renommées comme Christie’s et Sotheby’s organisent des ventes aux enchères de NFT, offrant une légitimité et une reconnaissance institutionnelle aux artistes numériques. Ces enseignes mettent en place des expositions virtuelles et physiques, offrant aux collectionneurs un accès exclusif aux créations les plus prisées. L’été passé, c’est par exemple via Sotheby’s que le FC Barcelone a vendu (pour 678.000 euros) un NFT d’une animation de 40 secondes de l’emblématique but volant de Johan Cruyff contre l’Atletico Madrid en 1973, accompagnée d’un orchestre. Des musées se sont aussi intéressés aux NFT. A Florence, le Musée des Offices a créé un exemplaire numérique d’une œuvre de Michel-Ange qu’il possédait. Et l’a vendu pour (seulement? ) 140.000 euros.
L’univers NFT a beaucoup de similarités avec une maison d’édition traditionnelle .” – LUC PIRE, COFONDATEUR DE FROM BELGIUM WITLOOF
Mondial plus que local?
On trouve par ailleurs, parmi les acteurs émergents, les plateformes de NFT, ces espaces en ligne qui permettent aux artistes de vendre et acheter leurs œuvres. Différents acteurs se démarquent déjà au niveau international, telles qu’OpenSea, Rarible, SuperRare et Foundation. Ces plateformes permettent aux artistes de télécharger leurs créations, de fixer des prix, et de les mettre à disposition d’une audience mondiale. Fournissant une infrastructure technologique sécurisée, une visibilité et une audience potentielle aux artistes, elles jouent un rôle clé. Pour les acteurs locaux, à ce stade, l’équation semble en revanche encore compliquée. Cela explique la fermeture rapide de Wawstreet, la première plateforme belge de NFT. Lancée officiellement en janvier 2023, elle a déjà discrètement cessé ses activités. Il faut dire que le marché belge reste encore relativement limité. Et pas encore très structuré. Dès le départ, le fondateur de Wawstreet pointait la principale difficulté rencontrée: “Le challenge, ce n’est pas une éventuelle concurrence, mais celui d’éduquer le marché, admettait Vincent Schobbens. On est comme au début du web ou des réseaux sociaux. Pourtant, c’est évident, les NFT vont se généraliser et révolutionner pas mal de secteurs”.
En attendant, les amateurs belges de NFT restent encore majoritairement des initiés et le grand public ne se rue pas encore vraiment sur cette technologie qui peut sembler compliquée: il faut détenir un wallet numérique dédié pour stocker ses actifs numériques, il faut payer en cryptomonnaie, etc. Tout le monde n’est pas forcément familier avec cet univers. Raison pour laquelle certains acteurs facilitent les choses pour les acheteurs en permettant des ventes en euros ou en dehors des plateformes et aident à la création d’un wallet. “On doit trouver des solutions pour lever un maximum les freins, admet Luc Pire. Nous sommes encore très tôt sur ce marché ; une phase d’évangélisation reste nécessaire.”
C’est d’ailleurs en vue d’aider nos lecteurs à comprendre cet univers NFT et ses possibilités qu’est née l’initiative NFTrends (lire l’encadré). En proposant, pour 300 euros seulement, un NFT incluant une œuvre unique de l’artiste belge Toska, mais également l’accès à une conférence et à des formations aux NFT, Trends-Tendances se donne comme mission de faire comprendre, par l’exemple, comment fonctionnent les NFT. Si aujourd’hui, le secteur de l’art (et du marketing) tire son épingle du jeu, les propriétés des NFT ouvrent d’innombrables pistes de développement et de business dans d’autres secteurs: les produits de luxe, les billets de concert, les diplômes, les certificats d’authenticité, etc. “Etant infalsifiables, les NFT deviennent pour des produits de luxe une preuve d’authenticité et une opportunité pour les marques d’avoir une traçabilité du produit après sa vente, détaille Rayan Kassir, de Witloof. Dans le monde industriel, des débouchés se dessinent aussi autour de la supply chain et de la traçabilité.”
La semaine prochaine, dans la rubrique NFTrends, découvrez comment, à côté de l’art, les NFT peuvent trouver des débouchés dans le business.
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