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Qui est Liang Wenfeng, le chef des mystérieux sorciers de DeepSeek ?

deepseek

Ce qui n’était qu’un hobby d’un mathématicien lancé dans la finance s’est mué en une entreprise potentiellement capable de révolutionner le monde. Portrait de Liang Wenfeng, l’homme qui aime expérimenter avec des algorithmes.

Liang Wenfeng (40 ans) est un homme qui défie les stéréotypes des entrepreneurs en technologie, notamment ceux de la Silicon Valley. Ce mathématicien, passionné par les algorithmes et les modèles d’intelligence artificielle, a commencé son parcours dans un tout autre domaine : celui des fonds spéculatifs.

C’est en effet loin de la Silicon Valley, dans un laboratoire de Hangzhou, au sud de Shanghaï, qu’est née DeepSeek, la nouvelle star de l’IA. Ses débuts remontent à 2015, lorsque Liang Wenfeng fonde High Flyer, un fonds spéculatif chinois. Il a alors à peine 30 ans, mais il est déjà convaincu que l’intelligence artificielle va changer le monde.

Prédire les marchés financiers

Il va dans un premier temps l’utiliser pour comprendre et prédire avec acuité le comportement des marchés financiers. Pour booster ses modèles d’IA et prédire les comportements des marchés, il va optimiser son fonds à l’aide de cartes graphiques (GPU) de Nvidia. Ces cartes se révèlent particulièrement utiles pour augmenter les capacités de calcul de l’IA. En 2021, il possède déjà 10 000 puces parmi les plus avancées du géant Nvidia, devançant même les géants chinois du cloud. Liang Wenfeng engage également, à grands frais, de jeunes talents locaux, fraîchement diplômés. Le succès est rapidement au rendez-vous, puisque, la même année, le fonds franchit le cap des 100 milliards de yuans (13 milliards de dollars) d’actifs sous gestion.

Une nouvelle révolution de l’IA

Malgré ses premières victoires dans le secteur financier, Liang conserve un goût prononcé pour l’expérimentation et la recherche. Son grand projet est l’intelligence artificielle générale (IAG), soit une IA capable de rivaliser avec l’intelligence humaine. Dès le début, l’objectif est de provoquer une nouvelle révolution de l’IA, de déclencher une « destruction créatrice ». C’est ainsi qu’en 2023 naît ce qui n’est alors qu’un projet de recherche et développement financé par l’activité principale de High Flyer : DeepSeek.

Ses ambitions sont dès le départ audacieuses : plutôt que de se contenter de reproduire ce qui existe déjà, il veut repousser les frontières de la technologie pour stimuler l’écosystème même de l’IA.

Cependant, il se heurte à deux problématiques : le fossé dans l’efficacité des modèles chinois par rapport aux américains et l’interdiction décrétée par l’administration Biden de vendre les puces les plus puissantes de Nvidia aux acteurs chinois. Ces contrariétés obligent DeepSeek à innover.

Une technologie qui pourrait bien révolutionner l’ordre mondial

Grâce à une équipe d’innovation conséquente, ils optimisent leurs modèles grâce à l’apprentissage par renforcement. Cette méthode consiste à guider le modèle pour qu’il apprenne par lui-même, et à le récompenser lorsqu’il donne les bonnes réponses. Dès 2024, la Silicon Valley bruisse de cette « force mystérieuse de l’Est ». Jack Clark, un ancien d’OpenAI et d’Anthropic, qualifiera même les chercheurs de DeepSeek de « sorciers mystérieux ». La nouvelle assistante IA chinoise va effectivement rapidement performer au niveau des meilleurs chatbots mondiaux, tout en étant produite à une fraction du coût. Selon ses concepteurs, leur chatbot n’aurait coûté que 5,6 millions de dollars, alors que le fabricant de ChatGPT, OpenAI, aurait dépensé à lui seul 5 milliards de dollars l’année dernière, précise la BBC.

© DR

Derrière son apparence plutôt discrète – portant des lunettes et un style vestimentaire décontracté, avec une chevelure noire qui tombe sur ses yeux – Liang Wenfeng semble bien être l’architecte d’une révolution technologique qui bouscule les équilibres mondiaux.

L’IA en open source

Il prône ainsi une approche en open source de l’IA, soit une approche ouverte et non lucrative. Il partage ainsi les avancées de DeepSeek avec la communauté internationale. Une démarche qui a séduit aussi bien la communauté de chercheurs que les instances officielles en Chine. Son succès a même attiré l’attention de Xi Jinping, qui le considère désormais comme un acteur clé de l’innovation numérique du pays. Il n’est pas anodin que DeepSeek soit désormais une star incontestée aux yeux de Pékin, qui cherche à propulser son influence technologique tout en contrôlant étroitement son écosystème numérique.

Un environnement hautement contrôlé par l’État chinois

On aurait en effet tort d’oublier que Liang le « visionnaire » évolue dans un environnement hautement contrôlé par l’État chinois, où l’innovation est souvent façonnée par des impératifs politiques et idéologiques. L’usage de l’intelligence artificielle en Chine, en particulier, s’accompagne de lourdes restrictions sur la liberté d’expression et de surveillance. Le modèle R1 de DeepSeek, qui intègre la censure du régime chinois, reflète cette réalité : les modèles de langage omettent systématiquement les événements de Tiananmen, le sort du Tibet ou des Ouïghours, soulevant ainsi des questions éthiques sur l’utilisation de l’IA pour manipuler et contrôler l’information. La volonté de Liang de « bousculer les frontières » de la technologie semble ici se heurter à des considérations qui entrent en contradiction avec la notion même de liberté numérique.

Il n’est donc pas certain que toute la démarche soit uniquement motivée par un désir de démocratiser l’accès à la technologie. La philosophie open source, bien que séduisante en apparence, pourrait également être un moyen stratégique pour la Chine de se positionner en leader de l’IA mondiale, tout en utilisant les talents et les ressources internationales pour surpasser les géants occidentaux. En effet, en offrant une version accessible de ses modèles tout en restant secrète sur ses données d’entraînement, DeepSeek pourrait tirer un avantage stratégique tout en échappant à un contrôle plus strict de ses développements.

Pas le seul acteur chinois

Le succès éclatant des derniers jours fait néanmoins oublier qu’il n’est pas le seul acteur chinois sur ce terrain. D’autres comme ByteDance ou Alibaba sont déjà bien ancrés dans l’IA, et bien que DeepSeek ait réussi à se distinguer par ses prix plus compétitifs, il reste à voir si son modèle saura perdurer face à la concurrence interne. Or une dynamique de guerre des prix où la recherche d’un leadership technologique ne ferait que précipiter une course vers le bas, tant en termes d’éthique que de durabilité. Pas certain que l’humanité en sorte gagnante.

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