Quel impact économique peut avoir la menace cinématographique de Donald Trump?

Le président des Etats-Unis veut imposer 100% de droits de douane sur les films tournés en dehors de son pays. Décryptage de l’impact éventuel de cette mesure spectaculaire avec Philippe Reynaert, le ‘‘Monsieur Cinéma’’ aux célèbres lunettes blanches.
C’est le plus grand spécialiste du cinéma en Belgique. Philippe Reynaert a été directeur de Wallimage, le fonds économique wallon de l’audiovisuel, et il s’apprête à sortir un livre de chroniques cinéphiles intitulé Le regard de l’homme aux lunettes blanches aux éditions Montparnasse. Il nous éclaire sur les conséquences que pourrait avoir la dernière offensive culturo-commerciale de Donald Trump, à savoir la mise en œuvre de droits de douane de 100 % sur les films produits en dehors des États-Unis.
Si cette mesure devient effective, quelle pourrait être son impact sur la distribution de films européens au pays de Donald Trump ?
Philippe Reynaert : Cela peut avoir un très gros impact parce qu’on a déjà énormément de mal à faire sortir des films européens aux Etats-Unis. Si les taxes douanières augmentent effectivement de 100%, il est à prévoir que les quelques distributeurs américains comme par exemple Sony Pictures Classics qui font l’effort de sortir des films européens en VO, sous-titrés pour un circuit limité aux Etats-Unis, vont renoncer. Déjà, actuellement, la rentabilité de la sortie de films européens aux Etats-Unis est minimale, donc on peut imaginer que ça leur nuise davantage, voire que ces sorties disparaissent carrément.
Ces droits de douane portés à 100% aux Etats-Unis pourraient-ils avoir aussi un impact sur la production cinématographique en Europe ?
Pas vraiment, parce qu’il n’y a aucun film européen dont le business plan repose sur les ventes aux Etats-Unis. Ça reste très marginal. Mais il y a plein d’autres problèmes liés à la production des films en Europe…
C’est-à-dire ?
Ce n’est pas encore très clair dans les déclarations de Trump car on ne sait pas s’il entend pénaliser aussi les films américains qui se fabriquent en partie en Europe. Parce que là, en revanche, il y en a énormément ! Pour les Américains, c’est moins cher de tourner à l’étranger et puis, il y a aussi beaucoup d’incitants fiscaux. Si ça doit avoir lieu, il y a deux pays qui vont vraiment trinquer, à savoir la France et le Canada. Presque toutes les majors ont des studios à Vancouver. On appelle d’ailleurs cette ville le ‘‘Hollywood North’’ parce que de très nombreux films américains et des blockbusters se font à Vancouver. Donc, pour les Canadiens, ce serait très grave. Et pour la France aussi parce que nos voisins ont misé, depuis quelques années déjà, sur l’importation de la fabrication de films américains en créant un crédit d’impôt dit international qui, en fait, est pratiquement utilisé à 100% par les Anglo-Saxons et surtout les Américains. Donc là, oui, il risque d’y avoir un vrai problème pour les sociétés de post-production et pour les grands plateaux de tournage dont plusieurs ont été inaugurés ces deux dernières années, justement pour pouvoir accueillir ce genre de production.
Si ces droits de douane à 100% sur les films étrangers deviennent effectifs, doit-on craindre pour la diversité culturelle des films distribués aux États-Unis ?
Si Trump va au bout de sa pensée, il va encore appauvrir le système américain. Sa logique, c’est l’appauvrissement de la diversité de l’offre aux États-Unis. Parce que, déjà comme ça, c’est très difficile pour les Américains de voir autre chose que leurs blockbusters. Il y a très peu de films internationaux ou même de films d’auteurs américains qui circulent bien, mais là, ils vont disparaître ! Donc, idéologiquement, c’est le seul bénéfice que je vois pour Trump : réduire encore la marge de réflexion des spectateurs de cinéma.
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