Proxistore: “Oui, il est possible de gagner contre Google”

Bruno Van Boucq, CEO de Proxistore © PG / M. RUSSILLO
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Malgré un jugement en sa faveur obligeant Google à lui verser 76 millions d’euros, la firme belge Proxistore n’a pas encore obtenu l’exécution du jugement. Ni Google, ni la justice irlandaise n’ont encore bougé. Le patron de Proxistore se dit prêt à aller jusqu’à la Cour de Justice de l’Union européenne. Interview.

Après des années de combat judiciaire (non terminé) contre Google dans le cadre de ce qu’elle considère comme une violation de brevet, la PME belge Proxistore a remporté, contre le géant du Web, une victoire judiciaire qui fait du bruit. La justice belge a condamné le géant américain à verser 76 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles, après avoir bloqué de manière injustifié l’accès de Proxistore à sa plateforme Google Ads. Mais Google n’a pas encore payé et la Justice Irlandaise qui, en vertu des réglementations européennes, doit faire exécuter le jugement, n’a pas encore bougé.  Entretien avec Bruno Van Boucq, CEO de Proxistore.

Cela fait 7 années que vous êtes en conflit avec Google, vous avez gagné quelques étapes même s’il y a des recours et encore des dossiers en cours. Pourquoi cette décision fait-elle tant parler d’elle ?

Bruno Van Boucq. C’est vrai que cette condamnation de Google devant les tribunaux belges fait beaucoup de bruit. Pour deux raisons principales à mon avis. D’abord, parce que nous avons obtenu deux décisions de justice favorables coup sur coup : un jugement du Tribunal de Nivelles le 7 février et une ordonnance du 12 février par la cour d’appel de Bruxelles. Même s’il s’agit de décisions unilatérales comme ce doit être le cas en référé dans ce type d’affaires, cela reste une condamnation. Ensuite, le montant de l’astreinte marque les esprits. Pour une fois, on parle de chiffres dignes des feuilletons judiciaires américains. C’est crucial, car si on veut vraiment bousculer les pratiques abusives, il faut que les sanctions soient suffisamment lourdes pour avoir un impact. Google est habitué à payer des amendes importantes aux États et à la Commission européenne, mais ici, il s’agit d’une petite entreprise belge. Et la somme est assez élevée pour les déranger. Si l’astreinte avait été fixée à quelques milliers d’euros par heure, ils n’auraient même pas réagi.

Pourtant, ce ne sont pas des montants impayables pour un acteur comme Google.

Au niveau cash, ce sont des montants abordables pour Google. Mais cette victoire envoie un signal fort : oui, il est possible de gagner contre Google. Et sans doute qu’ils veulent éviter que cette décision en faveur de Proxistore ne serve d’exemple pour d’autres entreprises. Or, certains maintenant réalisent qu’il est possible de faire valoir ses droits face à Google et qu’il existe une justice prête à se saisir de certains abus. Oui, il est possible de gagner contre Google. Si des astreintes de ce niveau deviennent la norme, Google et d’autres acteurs du numérique devront sans doute être plus prudents… Surtout que des montants pareils peuvent justifier de se battre. Nous avons déjà gagné une première bataille judiciaire contre Google, mais cela nous a coûté plus de 250.000 euros en frais d’avocats, pour au final ne récupérer qu’environ 10.000 euros. Alors que c’était une procédure défensive, engagée lorsque Google a tenté d’attaquer nos brevets. Ici, c’est différent…

Quelle a été la réaction des annonceurs dont vous ne pouviez pas diffuser les annonces durant la période où votre compte Google a été bloqué ?

Au départ, les annonceurs ne comprenaient pas ce qui se passait et ont pris de la pub sur Google en direct ou sur Facebook, puisque l’on ne pouvait pas afficher leurs pubs. En France, par exemple, nos équipes de vente partenaires ont dû faire face à des clients qui pensaient que Proxistore n’était pas fiable, simplement parce que Google nous bloquait. Aujourd’hui, c’est en train de changer. D’ailleurs, ces derniers jours, plusieurs annonceurs nous ont contactés pour tester nos services. C’est une belle surprise, même si ce n’était pas l’objectif initial de cette affaire évidemment.

Et maintenant, quelle est la prochaine étape ?

La prochaine étape est de faire exécuter cette décision de justice en Irlande, où se trouve le siège européen de Google. Le ministère de la Justice irlandais doit, en vertue de la législation européenne, faire appliquer cette décision. S’il ne coopère pas d’ici jeudi, nous saisirons la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). C’est la procédure prévue. J’en appelle également au gouvernement belge pour qu’il nous soutienne. Nous avons une décision de justice belge qui doit être appliquée en Irlande, et pour l’instant, cette exécution est bloquée. Pourtant, cette condamnation devait être immédiate.

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