Pourquoi Spotify délaisse-t-il la Belgique ?
Spotify a renvoyé son unique responsable pour la Belgique et supprimé plusieurs playlists locales. Ce sont surtout les artistes belges moins connus qui risquent d’en faire les frais.
Spotify a licencié David Binkhorst, dit De Morgen. Il était l’un des 1500 employés dont la firme s’est séparée en décembre. Pourtant il n’était pas un employé parmi d’autre. Il était l’unique responsable pour la Belgique.
Désormais, les tâches de Binkhorst ont été réparties entre ses collègues néerlandais et luxembourgeois, eux-même chapeautés par Spotify France. Et si Spotify assure que l’on continuera à s’occuper de la musique belge, le milieu s’agite. D’autant plus, qu’en passant, la plateforme a aussi fait disparaître plusieurs playlists exclusivement belges. Des playlists pourtant populaires en Belgique et qui jouaient un rôle crucial dans la promotion des artistes locaux.
Pourquoi ?
La raison de se délaissement doit beaucoup à la spécificité du marché belge. Un marché très compliqué avec plusieurs défis très particuliers.
Le premier est la segmentation du marché. Rien de bien neuf, le pays est en effet composé de communautés linguistiques distinctes avec des marchés aux préférences et des comportements de consommation totalement différents. À cela s’ajoute encore Bruxelles qui a sa propre dynamique et une scène musicale très éclectique. La conséquence est que dans tous les autres pays européens, au moins trois des cinq chansons les plus écoutées en 2023 provenaient de leur propre pays. En Belgique, il n’y en a pas une.
La deuxième raison est plus technologique puisqu’elle est liée à l’adoption plus tardive, par rapport à d’autres pays européens, du streaming. Ce retard est en partie dû à des lois et une réglementation plus strictes qui interdisent, par exemple, la vente liée d’abonnements téléphoniques et de services de streaming.
Le vilain petit canard de l’Europe ?
Face à ce marché petit, morcelé et complexe, beaucoup de grandes plateformes ont décidé de centraliser en collant la Belgique dans un groupe plus large. « Les services de streaming prêtaient déjà si peu d’attention à la Belgique, et maintenant même ce dernier intérêt semble disparu. Pour Spotify, nous sommes vraiment le vilain petit canard de l’Europe. » dit ainsi Jarri Van der Haegen, manager, entre autres, de Charlotte Adigéry dans De Morgen.
Pourtant les playlists locales sont un outil crucial pour découvrir de nouveaux talents. Leur absence désavantage les artistes belges par rapport à leurs homologues internationaux qui bénéficient de ressources promotionnelles et de budgets marketing beaucoup plus importants. Les pays voisins comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas ont des industries musicales robustes qui dominent souvent les tendances régionales, éclipsant ainsi les artistes belges. Un constat d’autant plus vrai que la plupart des playlists personnalisées sont basées sur des algorithmes individuels, comme Discover Weekly ou Daily Mix. Indolore pour des stars mondiales comme Angèle qui sont repris sur d’autre liste, il n’en va pas de même pour ceux moins connus. Soit ceux qui débutent ou qui sont spécialisés dans une niche ou focalisés uniquement sur la Belgique.
Il n’empêche qu’au regard des aides institutionnelles fragmentées et insuffisantes en Belgique, la puissance de frappe des grands acteurs du streaming garde toute son importance pour promouvoir la musique plus locale. Ce qui fait dire à Tony Vandenbogaerde du label Mayway Records, toujours dans De Morgen, « Pourquoi devrions-nous attendre Spotify pour les playlists belges ? Peut-être devons-nous nous retrousser les manches et les faire nous-mêmes. »
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