Payez ou livrez vos données : le marché de dupes de Meta

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Caroline Lallemand

Facebook et Instagram proposent aux Européens de payer pour échapper à la publicité ciblée. Mais, derrière ces différentes fenêtres de choix affichées aux utilisateurs ces derniers jours, Meta ne change rien à l’essentiel : la collecte de données reste au cœur de son modèle économique. La Commission européenne n’est pas dupe.

Depuis novembre 2023, Meta propose à ses utilisateurs européens un choix en apparence clair : soit payer un abonnement pour supprimer les publicités ciblées (5,99 € via le site, 7,99 € via l’application), accepter le ciblage publicitaire basé sur ses données personnelles, ou, option plus catégorique : supprimer son compte.

Cette formule est la réponse de Meta au Digital Markets Act (DMA) européen, qui impose aux grandes plateformes numériques de proposer une alternative à la collecte massive de données. Mais, dans les faits, le dilemme reste binaire : payer ou céder ses données.

Bruxelles ne lâche pas

Malgré cette adaptation, la Commission européenne continue de douter de la sincérité de Meta. En avril dernier, le groupe s’est vu infliger une amende de 200 millions d’euros pour ses pratiques antérieures, jugées contraires à la réglementation. Et ce n’est peut-être qu’un début. Selon Thomas Regnier, porte-parole de la Commission, un courrier a été envoyé récemment à Meta pour signaler que « des problèmes demeurent » avec la nouvelle formule. Il évoque également la possibilité de nouvelles sanctions financières, notamment des astreintes journalières, en cas de non-conformité persistante, rapporte Euractiv.

Des ajustements plus cosmétiques que structurels

Pour tenter d’apaiser les tensions, Meta a récemment mis à jour son interface utilisateur : désormais, même les comptes gratuits peuvent désactiver le ciblage publicitaire, ce qui devrait entraîner une collecte réduite de données. Le groupe a également annoncé une baisse du prix de l’abonnement, comme précisé dans ses communiqués officiels.

Mais sur le fond, rien ne change vraiment. Les trois options initiales restent en place. Meta ne remet pas en cause son modèle, il ajuste la présentation pour rassurer les autorités.

Gagner du temps

Cette opération ne serait rien d’autre qu’une stratégie dilatoire. Les responsables de META n’auraient pas l’intention de se mettre pleinement en conformité. S’ils le faisaient, ils perdraient tout l’intérêt économique de leur modèle. Il s’agirait plus de gagner du temps. La menace est pourtant sérieuse. Des amendes pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires mondial de Meta sont aujourd’hui envisagées par la Commission.

Une machine à pub (et à cash)

La raison de cette résistance est simple : la publicité ciblée est le cœur du réacteur Meta. Xavier Degraux, consultant en marketing digital, estime qu’un utilisateur européen de Meta génère environ 36 € de chiffre d’affaires par an, rapporte la RTBF. De plus, il indique que moins de 0,5 % des utilisateurs ont souscrit à l’abonnement payant .

Proposer une version payante, c’est répondre à la loi. Mais pour l’entreprise dirigée par Mark Zuckerberg, ce modèle est économiquement désavantageux.

Et ce n’est pas qu’une question de revenus publicitaires immédiats : les données collectées alimentent les algorithmes de Meta, et demain, sa future intelligence artificielle générative, que le groupe ambitionne de rendre incontournable sur le marché.

Un changement de forme, pas de fond

Facebook et Instagram ne deviendront donc pas payants pour tous. La publicité restera, elle, omniprésente pour la majorité. La nouvelle interface de Meta n’est en définitive qu’un vernis réglementaire, pensé pour répondre aux exigences de la Commission européenne sans bouleverser le modèle économique du groupe. La bataille avec l’Europe est loin d’être terminée. Et pour Meta, l’heure n’est pas à la transformation en profondeur, mais au calcul politique et juridique.

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