Le propriétaire américano-ukrainien d’OnlyFans, un site de contenu pour adulte, veut le vendre. Sa mise à prix est de 8 milliards de dollars. Si l’on se pince le nez et que l’on oublie l’aspect moral, ce n’est pas cher pour un business qui affiche des marges de plus de 50 %.
OnlyFans est un site internet qui a été créé en 2016 à Londres par Timothy Stokely, avec l’aide de son père et de son frère. Le projet de départ est de permettre à des artistes (acteurs, musiciens…) de monétiser leurs relations avec leurs fans en partageant avec eux des contenus (vidéos, photos…) moyennant paiement.
Le site est racheté deux ans plus tard par Leonid Radvinsky, un homme d’affaires américano-ukrainien, né à Odessa mais installé aujourd’hui en Floride, un programmeur qui s’est rapidement spécialisé dans les sites pornographiques.
Il rachète OnlyFans et tout en gardant l’idée première, il ajoute du contenu « pour adulte », qui va bientôt faire du site une vache à lait. Selon les dernières données disponibles, Onlyfans a réalisé en 2023 un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de dollars, affichant une marge opérationnelle d’environ 50 %, soit davantage que les business les plus rentables des géants de la tech tels que Microsoft ou Alphabet/Google.
8 milliards de dollars, au moins
Aujourd’hui, Leo Radvinsky veut vendre sa plateforme, qui rassemble 4 millions de « créateurs » et 300 millions de « fans », à un prix, dit-on, de 8 milliards de dollars.
Pourquoi ce site pour adulte dégage-t-il une telle rentabilité ? Parce qu’il permet aux créateurs de monétiser directement leurs relations avec leurs fans. Contrairement à YouTube, Facebook Instagram qui rémunèrent les créateurs de contenus en reversant une petite partie de la publicité qu’ils génèrent, Onlyfans permet aux créateurs de contenu de monétiser directement leurs abonnés qui paient un abonnement mensuel ou paient à la carte pour accéder à du contenu exclusif. Le système classique de rémunération par la publicité est en outre très peu rentable pour les sites pornographiques, car de nombreuses marques refusent d’associer leur image à ce contenu. Chez Onlyfans, le principe, une rémunération directe par les fans, est différent, d’autant que les créateurs bénéficient d’un système de partage de revenus très avantageux. La plateforme reverse aux créateurs 80 % des revenus qu’ils génèrent. Par ailleurs, le système OnlyFans encourage les interactions personnelles entre vedettes et abonnés, via des messages privés, des demandes personnalisées, etc.
Dans la partie plus morale du site, la chanteuse Lily Allen avoue qu’elle gagne davantage sur Onlyfans en partageant les photos de ses pieds que sur Spotify en partageant ses chansons.
Comme un processus bancaire
Ce lien direct entre fans et créateurs a un autre avantage : une grande partie de la gestion de la plateforme est assurée par les créateurs. Mais ce qui rend Onlyfans particulier, c’est aussi une politique de sécurité imparfaite certes mais bien plus efficace que celles de sites concurrents dans le domaine du « contenu pour adulte ». Selon Keily Blair, interrogée par The Economist, le processus de vérification des créateurs qui demandent à venir sur la plateforme est comparable à celui utilisé par les grandes banques. Il n’y a pas d’anonymat, les identités sont vérifiées, Onlyfans peut conserver un œil sur les publications et environ 1.500 personnes vérifient les comptes. Selon The Economist, en mai dernier OnlyFans a rejeté environ deux tiers des 187.305 demandes de nouveaux comptes.
Les législations, surtout en Europe, essaient cependant d’encadrer et limiter les contenus pour adulte qui ont tendance à devenir de plus en plus choquants afin de multiplier les clics. Cependant, « à 8 milliards de dollars, OnlyFans semble être une affaire, note The Economist. Airbnb et Uber sont actuellement valorisés respectivement à 33 et 50 fois leurs bénéfices opérationnels des 12 derniers mois. Sur une moyenne des deux, OnlyFans devrait être valorisé à environ 28 milliards de dollars ».
A priori, un groupe d’investisseurs américains, réunis autour de Forest Road Company, serait intéressé au rachat de cette plateforme sulfureuse et atypique.