Obliger Netflix, Spotify, Disney+ à mieux proposer les contenus francophones ?
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Face à la domination des contenus anglophones sur les grandes plateformes, le Québec veut imposer des règles pour protéger la visibilité des œuvres francophones. Le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, explique pourquoi cette bataille dépasse la langue et touche à la diversité culturelle mondiale.
Face à la domination des contenus anglophones sur les grandes plateformes numériques comme Netflix, Disney+, Spotify, etc, le Québec mène un combat crucial pour la « découvrabilité » numérique des contenus francophones. Mathieu Lacombe, ministre québécois de la Culture du Québec, veut « encadrer » les grands acteurs de la tech et les inciter à mettre plus en avant les contenus francophones. Il estime que cette question dépasse le cadre linguistique et s’inscrit dans un enjeu de diversité culturelle à l’échelle mondiale.
Trends-Tendances. Pourquoi le Québec fait-il de la découvrabilité une priorité ?
Mathieu Lacombe : La découvrabilité est essentielle pour protéger la langue française et s’assurer que notre culture francophone reste visible sur les grandes plateformes comme Netflix, Amazon Prime, Spotify ou Disney+. Ce que nous voulons, c’est garantir que les contenus francophones soient accessibles et faciles à trouver. Il faut qu’on nous les propose. On ne peut pas choisir quelque chose qui ne nous est pas proposé. On aime ce que l’on connaît. Et si nos œuvres disparaissent des radars, petit à petit, notre langue va reculer. Ce combat ne concerne pas seulement le français, mais toutes les langues et cultures nationales en danger. Cela s’applique aussi très bien à la protection du néerlandais pour les flamands, ou aux luxembourgeois. C’est une question de survie culturelle quand on sait que la majorité des contenus en ligne sont consommés en anglais. C’est un risque à long terme. Je vous donne une statistique pour illustrer l’urgence d’agir : quand les gens se déplaçaient en magasin pour acheter des disques, la moitié des ventes d’albums étaient des albums d’artistes québécois. Maintenant, avec l’écoute de musique en ligne sur Spotify, Apple Music ou Deezer, on st à 4% des écoutes chaque années qui sont des artistes québécois. Culturellement, c’est intenable.
![Le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe.](https://img.static-rmg.be/a/view/q75/w/h/7037036/mathieu-lacombe-jpg.jpg)
La découvrabilité est-elle uniquement un enjeu culturel ou aussi économique ?
C’est avant tout un enjeu culturel. Mais c’est aussi vrai que l’élément économique est intimement lié. Le secteur audiovisuel québécois est très important, nous exportons nos films et nos séries à l’international. Il ne s’agit pas seulement de protéger notre identité, mais aussi de préserver la pérennité de nos industries culturelles.
Quels sont les principaux leviers d’action pour améliorer cette découvrabilité ?
Nous travaillons à plusieurs niveaux. D’abord, le Québec agit sur son territoire. Sur le plan législatif, je vais déposer un projet de loi à l’Assemblée générale du Québec dans les prochaines semaines pour encadrer la présence des plateformes sur notre territoire. Et les contraindre à mettre en avant du contenu original francophone. Ensuite, concrètement, il faut mettre à jour la convention de 2005 sur la diversité des expressions culturelles à l’Unesco que quelque 180 pays ont ratifié. Ceci pour que ces pays adoptent, eux aussi, des projets de loi pour encadrer les plateformes numériques sur le territoire ou qu’ils se donnent des outils pour arriver au même résultat. Ce travail est en train de se faire. Nous avons 17 experts qui ont formulé 11 recommandations, dont la mise en place d’un protocole contraignant pour que tous les pays membres de l’UNESCO se dotent d’outils juridiques efficaces.
Les plateformes numériques sont-elles ouvertes à cela. Y a-t-il une discussion sur le sujet avec elles ?
Dans un monde idéal pour les, je comprends qu’elles préfèreraient qu’il n’y ait pas de législation. Par contre, on l’a vu avec l’Union européennes et la France qui est allées plus loin, ou le gouvernement du Canada: lorsque les États légifèrent, les plateformes collaborent. Cela doit nous rassurer même si les discussions sont parfois corsées et qu’il reste des défis. L’ important rester de travailler avec elles pour protéger notre culture nationale.
L’intelligence artificielle (IA) peut-elle être un levier pour améliorer la découvrabilité du contenu francophone ?
L’IA peut jouer un rôle positif si elle est capable de déterminer l’endroit où on est, et les contenus qui sont capables de nous intéresser. Mais il faut l’encadrer. L’IA a le potentiel de mieux recommander des contenus en français aux utilisateurs. Mais, en parallèle, n’oublions pas qu’elle peut aussi être un risque pour l’industrie du sous-titrage, l’industrie musicale. L’industrie musicale est assez inquiète car elle est submergée de contenu créé par l’IA et cela peut représenter un problème de taille.
Que souhaitez-vous de la Belgique francophone en venant ici en mission sur ce sujet de la découvrabilité? Ce sont les premières discussions sur le sujet ?
Des discussions ont déjà lieu dans le cadre de de l’Organisation Internationale de la francophonie même si c’est un dossier et un combat plus large que la francophonie. Entre francophones, on doit travailler en bloc sur ce sujet et assurer la découvrabilité de nos contenus. Il y a un collaboration entre membres de l’OIF dont la Wallonie. Il y a du travail qui est fait à l’Unesco aussi, notamment la Belgique. Le travail a donc commencé, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des discussions directes au-delà des instances internationales avec mes homologues… Comme la cause est juste, je pense que l’on sera suivi sur ce sujet. Je suis optimiste !
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