Nostal’geek: l’esthétique des années 1980-1990 est une source d’inspiration pour les marques
La high-tech est marquée par un retour aux valeurs sûres et une esthétique héritée des années 1980. Cette saison ne déroge pas à la règle avec, en prime, la réapparition de quelques produits cultes, dans une ambiance fortement teintée de nostalgie.
Mode, séries, design… L’esthétique des années 1980-1990 est une source intarissable d’inspiration pour les marques. Si bien que l’image fantasmée de ces décennies pousse également les constructeurs tech à ressortir de leurs cartons certains objets cultes. Ou comment des produits comme les boombox, les blasters, les lecteurs cassettes, le Polaroid ou le stick d’arcade se réinventent avec les technologies actuelles…
Il y a 42 ans déjà, Sony inaugurait son tout premier Walkman. Premier baladeur du marché, l’appareil est inscrit au palmarès des 12 idées de génie du 20e siècle et a culminé, 10 ans durant, à 220 millions d’exemplaires vendus. Pour Sony, qui avait débuté en 1946 avec un cuiseur à riz, ce sera un succès planétaire. Avec cet engin bourré de pièces mécaniques, Sony devient le premier constructeur grand public à promouvoir l’audiophilie nomade. “C’était d’une précision impressionnante, au point que je me demande si on saurait le refaire aujourd’hui”, confiait récemment l’ingénieur Hiroaki Sato, concepteur des walkmans plus récents et un brin nostalgique des anciens. “J’étais collégien quand le premier modèle est sorti, et je n’ai pas eu les moyens de l’acheter”, regrette-t-il.
Alors que la plupart des téléphones et téléviseurs adoptent le même design, les produits technos rétros apportent un peu de fantaisie dans notre quotidien.
Le Walkman numéro 1, né de l’envie d’un des fondateurs de Sony de se divertir avec de la musique dans l’avion, “avait deux prises casques pour que les couples puissent écouter ensemble de la musique”, rappelle l’ingénieur. Comme les passagers d’un hélicoptère, les deux utilisateurs pouvaient aussi se parler en appuyant sur la touche orange hot line. Aujourd’hui, cet engin premier du nom a l’air d’une antiquité avec son boîtier qu’on devait ouvrir pour y loger une cassette, ses boutons physiques à enfoncer, son casier à piles ou les curseurs pour le volume. Mais des exemplaires fonctionnels circulent toujours sur le marché de l’occasion, dont un présenté comme neuf et jamais utilisé, vendu la bagatelle de 1,3 million de yens (11.000 euros), soit près de 40 fois son prix initial.
Roulé dans la “newstalgie”
Après avoir ressorti une édition limitée de son baladeur historique en 2019, Sony va un pas plus loin cette année. La batterie remplace les piles, le numérique supplante la cassette. Mais Sony n’a pas lâché le walkman. Logé dans un châssis en cuivre usiné exempt d’oxygène, équipé de l’amplificateur numérique S-Master HX de Sony, blindé, doté de spécifications ultra haut de gamme et capable de lire des fichiers 16 bits 44,1/48 kHz sans perte, le NW-WM1ZM2 est un appareil dont la technologie et le look n’ont plus rien en commun avec son aïeul, mais il reste un digne porteur du nom “Walkman”. A l’instar de ses concurrents Astell & Kern ou Pioneer, ce baladeur audio lit l’ensemble des formats audio haute résolution existants (Flac, DSD, High-Res Audio, etc.) mais il donne aussi accès à une vaste collection de genres et d’artistes grâce à son écran tactile et sa connexion aux plateformes de streaming.
A défaut d’essayer de vendre des évolutions technologiques qui se succèdent parfois trop rapidement, nombre de constructeurs ont préféré se rabattre sur ce qui saute immédiatement aux yeux: le design. Ainsi, même s’il demeure massivement utilisé, le plastique noir cède peu à peu sa place à des matières plus nobles telles que le bois, l’aluminium, le cuir, le cuivre et l’acier. Surtout, les formes tirent majoritairement leur inspiration de l’école du Bauhaus, mettant en avant simplicité, élégance épurée et fonctionnalisme. Appareils rectangulaires, lignes sobres, boutons proéminents ou en bas-relief mais à l’usage immédiatement identifiable… Oui, la tech s’inspire de plus en plus du passé, histoire d’allier look à l’ancienne et confort moderne. La preuve la plus flagrante? Le retour de Braun Audio. Après pratiquement trois décennies de sommeil, c’est avec un modèle d’enceinte (la série LE) directement inspiré de celle conçue par Dieter Rams en 1959 que la marque allemande se remet en selle.
Dans une interview accordée en 2017 à Kinfolk, magazine danois dédié aux professionnels de la création, le même Dieter Rams, à la tête du design de Braun de 1961 à 1995, indiquait: “J’ai toujours eu tendance à plaider pour un design aussi réduit, clair et orienté utilisateur que possible, et simplement plus supportable plus longtemps”. Un credo repris par nombre de fabricants aujourd’hui, dans tous les domaines (audio, vidéo, etc.), y compris dans celui des jeux vidéo. Car une autre référence au passé voit le jour avec le retrogaming. Jeux, consoles et graphismes pixélisés issus de la fin des années 1980 tentent de reconquérir le coeur des anciens ados avec les incontournables Pong, Pac-Man ou Space Invaders.
“Quart de cercle vers la droite, puis B, A, B, A.” Voici le genre d’astuce qu’on se passait sous le manteau dans les cours de récréation. Compatible en Bluetooth ou en filaire USB-C, l’Arcade Stick de 8Bitdo (95 euros) permet de retrouver sur PC cette sensation unique après des heures de jeu: un début de cloque sous le pouce. Mieux: pour 99 euros, la console Evercade VS propose tout un écosystème de cartouches de compilations de jeux sous licence pour que les gameurs nostalgiques n’aient plus à choisir entre l’Atari, la NES, la Master System et consorts. Du coup, il est possible de jouer entre amis sur le même support à Double Dragon, Earthworm Jim, Asteroids ou encore River City Ransom…
Le retour des “ghetto blasters”
Aujourd’hui, alors que la plupart des téléphones et téléviseurs adoptent le même design, les produits technos rétros apportent un peu de fantaisie dans notre quotidien, la nostalgie d’une époque où l’exubérance et le style revêtaient plus d’importance que la performance. Popularisés par la vague hip-hop des années 1980, les ghetto blasters ou boomboxes, des radiocassettes démesurées au son hurlant, sont devenus des objets incontournables de la culture urbaine et ont fait fantasmer bon nombre d’enfants. Le vrai signe de rébellion à cette époque? Onduler dans la rue façon smurf avec sa bande de copains, en faisant cracher les décibels. Ces chaînes portatives signent aujourd’hui leur retour en force chez les plus grandes marques de matériel audio. Des lignes carrées reconnaissables de loin, on est aujourd’hui passé à des designs plus modernes, des couleurs plus discrètes, et même des formats plus compacts…
Très proche de l’original, mais avec des lignes beaucoup plus modernes et épurées, et surtout des technologies adaptées à l’audio numérique et au streaming, le Boomster de l’orfèvre allemand Teufel reprend tout de même les codes de l’original: la poignée, les enceintes et le style!
Comment expliquer que l’esthétique des années 1980-1990 reste une source d’inspiration aussi forte pour les marques de la tech? “Les gens recherchent une élégance intemporelle qui est difficile à améliorer. Mais lorsqu’ils achètent un nouveau produit, ils s’attendent à ce qu’un bon design soit combiné avec de nouveaux éléments technologiques”, explique Rob Peters, directeur marketing et ventes chez Teufel. Constructeur allemand historique, mais encore assez peu connu en Belgique, Teufel est du genre iconoclaste car il s’éloigne largement des codes classiques de la hi-fi. Sa Radio 3sixty – un de ses produits phares – se distingue par un alliage subtil entre rétro et modernité, alors que sa dernière enceinte connectée, la Boomster, rappelle très fort les ghettoblasters. Mais le fabricant se défend de surfer sur la vague. “Notre but n’est pas de construire une enceinte rétro mais de proposer un équilibre entre élégance, puissance et innovation, insiste Rob Peters. Avec la Boomster, notre intention est d’offrir une enceinte nomade très puissante et d’une grande autonomie. Un produit tout-en-un, suffisamment robuste pour être déplacé et suffisamment beau pour être aussi installé comme objet de décoration dans un salon. Mais notre préoccupation principale, c’est la qualité du son. Le design vient après. Et si on regarde nos anciens designs, on voit qu’ils étaient plus masculins. Car depuis environ cinq ans, Teufel propose beaucoup plus de produits adaptés aux femmes”. Un juste rééquilibrage dans la tech qui fait, à sa manière, sa petite révolution #metoo…
A l’extrême opposé, alors que les grands classiques s’adaptent aux nouvelles technologies, le fabricant français Thomson choisit de surfer sur le revival des années 1980 en lançant un sympathique et rondouillard lecteur radio- cassette-CD. Le RK101CD (59,90 euros) s’appuie sur les initiatives récentes de Lana Del Rey de sortir sa dernière production sous cette forme ou de Björk de rééditer tous ses albums en cassettes multicolores. K7, CD, radio FM… Rien ne lui résiste. A la manière des ghetto blasters, cet appareil permet d’écouter sa musique en déplacement grâce à une alimentation sur… piles LR14. Les plus motivés pourront même enregistrer sur cassette le son de leurs artistes préférés. Comme à l’époque!
3.700 euros
Le prix du baladeur numérique que Sony va lancer en avril.
Teufel ressuscite la “beatbox”
Encore assez peu connu en Belgique, le constructeur allemand tente de remettre au goût du jour les beatboxes avec son emblématique Boomster. Une gigantesque beatbox, comme dans les années 1980, mais aux fonctionnalités plus modernes. Avec la fonction Bluetooth, elle reproduit la bibliothèque musicale d’un smartphone. Un écran LCD discrètement placé sur le dessus permet de basculer entre les sources et de choisir ses diffuseurs préférés, Deezer, Spotify ou Amazon Prime Music ou des radios DAB+ (en plus du FM). On aime beaucoup sa fonctionnalité de charge inversée (l’utilisateur peut recharger son smartphone en le connectant en USB à l’enceinte), son design rétrofuturiste, et son son “chaud”. La Boomster se distingue aussi par son système stéréo à trois voies, avec une puissance de 42 W, et surtout la technologie “Dynamore” qui permet d’offrir une image stéréo immersive à 360°. L’autre gros atout de l’enceinte, c’est son excellente autonomie. Avec son énorme batterie de 7500mAh, elle est capable de jouer jusqu’à 20 heures de musique en continu fichée sur votre épaule façon ghetto blaster ou dans votre salon.
Prix: 369,99 euros.
L’appareil photo instantané réinventé
Robert Mapplethorpe, Ansel Adams ou encore Andy Warhol… Difficile de rêver meilleurs représentants pour faire entrer un procédé photographique dans l’Histoire. Polaroid a fait naître le concept voici 75 ans. Mais aujourd’hui, avec sa gamme Instax, Fujifilm s’affiche comme le porte-drapeau de la photo instantanée. Ultra-compact, avec son look sympa ou teinté de nostalgie, l’Instax Mini Evo est un véritable concentré de technologies. Sa face arrière est dotée d’un écran LCD. L’image capturée s’affiche sur l’écran. Pas satisfait? On l’efface et on recommence. Quand le résultat est bon, on actionne le levier d’impression et, quelques secondes plus tard, un “carton” de 54 x 86 mm s’extrait de l’appareil. Comme avec un bon vieux “Pola”… Connecté au wifi et aux réseaux sociaux, le Mini Evo peut également appliquer des filtres aux couleurs saturées et au grain rustique hérités de la lomographie, si populaires sur Instagram. Cerise sur le gâteau: il peut aussi imprimer via Bluetooth une photo prise avec votre smartphone avec une résolution de 600 ppp. Une qualité record pour un appareil instantané.
Prix: 199,99 euros.
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