LN24 : le pari sportif

En fâcheuse posture financière, la chaîne d’information LN24  rebondit, augmente son capital et fait désormais le choix du sport pour son salut médiatique. Un changement de stratégie inspiré par Freddy Tacheny, ancien directeur de RTL Belgique et actuel patron de Zelos, qui s’invite avec la RMB (la régie pub de la RTBF) parmi les nouveaux actionnaires de LN24. Show devant !

C’est un nouveau départ qui se profile pour LN24. Fondée il y a tout juste six ans, la chaîne d’info belge a vu son avenir maintes fois pesé, au fil de ses audiences décevantes et d’une trésorerie largement en souffrance. Mais aujourd’hui, c’est l’optimisme qui prédomine avec un virage stratégique encouragé par de ­nouveaux actionnaires et, dès ce week-end, une nouvelle grille de programmes qui fait la part belle au sport. Au menu : le grand prix de moto GP en Espagne, un peu de football, du VTT, mais aussi de la voile et le championnat du monde des rallyes aux îles Canaries.

Ce virage sportif n’est pas le fruit du hasard. Reprise majoritairement par le groupe de médias IPM (La Libre, La DH, L’Avenir, etc.) à la fin de l’année 2021, LN24 accusait encore plus de 18 millions de pertes cumulées il y a quelques semaines à peine, mais l’arrivée de nouveaux partenaires a complètement changé la donne. L’entreprise de presse a accepté de passer l’éponge sur une grosse partie de la dette de LN24 et deux millions d’euros d’argent frais ont pu être injectés, notamment grâce à deux nouveaux actionnaires venus du monde de la pub et des médias. La RMB, la régie publicitaire de la RTBF, s’est en effet invitée au capital de LN24 via, d’une part, sa filiale Belgian Media Ventures et, d’autre part, Sport & Media Saleshouse (SMS) qui se présente aussi comme une régie publicitaire, mais cette fois orientée sur le sport. La société SMS est détenue à parts égales par la RMB et Zelos, une entreprise spécialisée dans le management et la production de contenus sportifs, fondée par Freddy Tacheny, qui fut le directeur général de RTL Belgique de 2002 à 2011.

Élargir l’audience

Avec cette redistribution des cartes, l’actionnariat de LN24 se redessine aujourd’hui avec quasi 64% des parts pour le groupe IPM, 18% pour Belfius Insurance, 9% pour Belgian Media Ventures et 9% pour SMS. “C’est un vrai nouveau départ, le bilan est propre aujourd’hui !”, se réjouit Denis Pierrard, directeur général du groupe IPM, qui vise la rentabilité du projet dans les toutes prochaines années. Mais en coulisse, c’est Freddy Tacheny qui est à la manœuvre de ce choix éditorial assumé et qui a d’ailleurs conditionné l’arrivée des nouveaux actionnaires, mais aussi le maintien de Belfius Insurance dans le capital de LN24. “Je ne suis pas là pour critiquer le passé, mais personnellement, je ne crois pas à une chaîne thématique en Belgique francophone ou, du moins, à l’idée de rendre cette chaîne thématique équilibrée en termes financiers dans un paysage audiovisuel qui est minuscule et sans doute l’un des plus complexes au monde, explique Freddy Tacheny. Alors, soit il faut élargir le marché, ce qui est compliqué, soit il faut élargir l’audience, et c’est ce qu’on va faire avec ce projet de relance. Moi, je crois à une chaîne qui se généralise et qui a un certain nombre d’accroches plus locales. Et le sport permet justement d’avoir cette ouverture plus large et cet ancrage plus populaire. J’y crois vraiment, sinon je n’aurais pas déposé d’argent sur la table.”

Pour mener à bien sa mission au sein de LN24, le patron de Zelos a non seulement emmené avec lui toute son expertise télévisuelle et son précieux réseau dans le monde du sport, mais aussi une autre figure emblématique de l’ancienne RTL Belgique. Directeur de sa régie publicitaire IP de 2010 à 2022, Denis Masquelier change aujourd’hui de cap professionnel et devient producteur délégué de LN24 Sports, en charge de la grille et des contenus qui vont désormais rythmer les week-ends de la chaîne réinventée. “On veut être le premier supporter des Belges dans un maximum de sports, s’enthousiasme Denis Masquelier, et en particulier dans des compétitions qui sont souvent peu médiatisées comme la moto GP, le rugby, le judo ou encore le mountain bike. Notre volonté est de retransmettre plusieurs événements en direct, mais il y aura aussi des documentaires sportifs, sans oublier que nous allons également attacher un soin particulier au sport féminin et au handisport.”

Le sport, c’est de l’info

En optant pour la dynamique sportive, LN24 espère donc augmenter ses parts d’audience moyenne qui, pour l’instant, stagnent sous les 2%, avec cependant des pointes jusqu’à 4% certains soirs sur les groupes sociaux les plus élevés (1 à 4) et en ­particulier chez les hommes de 18 à 54 ans.

“Malgré tout le talent de l’équipe de LN24, force est de constater que notre cible est beaucoup trop étroite pour aller chercher les grands annonceurs traditionnels en télévision, souligne Denis Pierrard, directeur général du groupe IPM. Et donc, pour avoir l’audience que ces annonceurs recherchent, il est nécessaire de populariser la chaîne, sans pour autant renoncer à notre ADN parce que nous ne voulons pas perdre les gens qui nous regardent maintenant. Nous ne voulons pas les décevoir. Par conséquent, le fait de venir avec du sport, ça complète le puzzle, d’autant plus qu’il sera diffusé le week-end, à un moment où notre audience habituelle se fait plus rare. Et puis, je peux ajouter que le sport, c’est aussi de l’information et que ça ne dénature pas la chaîne. Donc, je crois franchement que c’est un projet réaliste et que l’on a de la chance d’avoir réuni une équipe de gens qui s’y connaissent à la fois dans le média et le sport pour y arriver.”

Freddy Tacheny partage aussi cet enthousiasme car cette nouvelle offre télévisuelle devrait également pousser les différentes fédérations sportives du pays à inviter leurs membres à regarder davantage LN24, en rappelant aussi que l’accès au programme est gratuit (contrairement à d’autres acteurs comme DAZN). Mais surtout, ce virage sportif n’est que la première étape d’une volonté réelle d’élargissement de la chaîne vers de nouveaux horizons. Le patron de Zelos rappelle que, le 1er juillet prochain, Thibaut Roland quittera son poste de responsable stratégie média et contenus chez RTL Belgique pour rejoindre LN24 et IPM où il fut chef du service sports à La Libre / La DH au début des années 2010. “L’arrivée de cette personnalité plus généraliste est la deuxième étape qui va dans cette volonté d’élargissement de la chaîne, ajoute Freddy Tacheny, car Thibaut Roland endossera un double rôle, d’abord en tant que directeur d’antenne, mais aussi un rôle à l’antenne, dans l’animation. La troisième étape sera quant à elle franchie avec la nouvelle grille de rentrée en septembre, mais là, il est encore un peu trop tôt pour en parler.”

Objectif n°8

Avec Thibaut Roland comme directeur d’antenne, Jim Nejman à la rédaction en chef et Denis Masquelier à la tête du nouveau département LN24 Sports, Freddy Tacheny ne cache son impatience à relever le défi de remettre la chaîne sur le devant de la scène médiatique. “J’aurai le plaisir de guider ces trois personnes au niveau stratégique, ajoute-t-il, mais c’est bien ce triumvirat qui va opérer l’élargissement de LN24, un élargissement qui devrait permettre d’augmenter l’audience et de viser notre seul et unique objectif, c’est-à-dire l’équilibre financier de la chaîne. Et elle le mérite bien après tout ce qu’elle a vécu.”

Au sommet du groupe de médias, l’excitation est également palpable puisque François Le Hodey nourrit un objectif précis pour sa chaîne de télé : “Aujourd’hui, nous occupons la 11e place en termes d’audience dans le paysage belge francophone, mais notre objectif est de devenir clairement la 8e chaîne dans les deux à trois ans qui viennent, s’enthousiasme le CEO du groupe IPM. Nous sommes quasiment la seule chaîne en croissance, mais je dois reconnaître que le projet initial, qui était du ‘tout info’, n’était ni raisonnable ni viable par rapport à la taille du marché. On va donc ajouter quelques perles sportives à ce petit bijou.”

L’appui de la RMB

Actuellement, le classement des télés diffusées en Belgique francophone place RTL-TVI en tête des audiences, suivie de La Une, TF1, Tipik, France 2, AB3, RTL Club, France 3, C8, RTL Plug et, enfin, LN24 à la 11e place. L’objectif de François Le Hodey est de dépasser clairement France 3, C8 et RTL Plug à l’horizon 2028 pour décrocher la huitième place.

“Il faut doubler l’audience de LN24 et aller chercher 4% d’audience en moyenne pour attirer de nouveaux annonceurs et faire grandir la chaîne”, rappelle Yves Gérard, CEO de la Régie Média Belge (RMB) qui est, non seulement la régie publicitaire des différents médias de la RTBF, mais aussi d’autres acteurs privés sur le territoire belge comme AB3, NRJ, Fun Radio ou encore LN24. L’intérêt de la RMB – détenue à 99% par la RTBF – pour la chaîne d’info a d’ailleurs crispé la majorité MR-Engagés en Fédération Wallonie-Bruxelles, vu les efforts budgétaires demandés à la Cité Reyers (près de 12 millions d’économies imposées en 2025). Mais finalement, la ministre des Médias, Jaqueline Galant, a accepté l’arrivée de la RMB au capital de LN24, étant donné que les moyens investis proviennent uniquement des revenus privés de la filiale de l’entreprise publique et non de la dotation qui lui est accordée.

“LN24 est en régie chez nous depuis cinq ans et c’est donc une source de revenus pour la RMB, renchérit son patron, Yves Gérard. Nous avons donc tout intérêt à ce que la chaîne grandisse et à ce qu’elle soit pérenne au niveau financier. Pour nous, c’est un vrai win-win et nous nous investissons dès lors dans ce ­projet parce que nous pensons que le sport peut la rendre plus populaire et donc multiplier les segments de population qui, empilés, vont augmenter l’audience de la chaîne. Cet objectif d’élargissement par le sport me semble dès lors pertinent, d’autant plus qu’il est pris en main par des professionnels comme Freddy Tacheny et Denis Masquelier.”

Il ne reste plus désormais à LN24 qu’à réussir ce fameux pari sportif…