La chaîne ‘‘100% info’’ n’est plus, du moins dans sa formule originelle. Minée par les dettes, LN24 prend un virage généraliste pour la rentrée, pleinement assumé, histoire de séduire enfin les annonceurs frileux. Ca passe ou ça casse? Eléments de réponse avec l’expert Bernard Cools, professeur d’économie des médias à l’UCLouvain et directeur de la recherche à l’agence médias Space.
Le rêve était grand. Très grand. Sans doute trop grand. Après six années d’existence et de multiples changements d’actionnaires, LN24 revoit ses ambitions originelles à la baisse. Fini le rêve d’oser une offre ‘‘100% info’’ dans le paysage médiatique belge, la chaîne de télé qui appartient aujourd’hui au groupe IPM (éditeur de La Libre, La DH, L’Avenir…) assume un nouveau virage généraliste, histoire d’assurer sa survie.
Mais pour combien de temps ? Décodage avec Bernard Cools, directeur de la recherche à l’agence médias Space et professeur d’économie des médias à l’UCLouvain.
Le virage généraliste de LN24, c’est la preuve qu’une chaîne d’info en continu n’est pas viable dans le paysage belge ?
Bernard Cools : Pour moi, c’est effectivement la démonstration que l’info en continu sur le marché belge francophone est, économiquement, un rêve qui a tourné au cauchemar. J’ai toujours été très sceptique, dès le lancement de LN24, et je n’ai jamais dévié de ce point de vue-là. Je m’attendais d’ailleurs à ce virage généraliste beaucoup plus tôt parce que, selon moi, il y a déjà une saturation de l’offre et, surtout, il y a l’impératif de la taille du marché qui est vraiment déterminant dans ce cas précis. Son audience n’a jamais vraiment décollé et, d’une façon nette et peut-être un peu caricaturale, on peut dire que LN24 est restée une chaîne de vieux messieurs plutôt instruits.
Pourquoi les annonceurs n’ont-ils pas cru au projet?
En général, les annonceurs sont assez agnostiques, du moment que l’audience suit. Mais comme il y a eu un certain attentisme de leur part au moment du lancement et que l’audience n’a pas suivi, ils ne se sont pas bousculé chez LN24.
Ce nouveau virage généraliste de la chaîne vous surprend-il ?
Je suppose que les décideurs ont brainstormé sur tout ce qui pouvait faire alternative. Récemment, il y a eu un premier virage sportif qui est intéressant, mais malheureusement assez cher, en tout cas sur les sports qui attirent du monde. Et donc la formule généraliste, avec beaucoup d’achats de programmes extérieurs ‘‘clés sur porte’’ est probablement la seule échappatoire pour faire quelque chose de pas trop cher. Car j’imagine qu’un des grands éléments de décision là-derrière a été de construire une grille qui ne coûte pas des fortunes…
De là à programmer des vieux épisodes de Navarro et Une Femme d’honneur, deux séries produites dans les années 1990 et 2000, ce n’est pas se tirer une balle dans le pied ?
On est dans le ‘‘low cost’’ ! Ou plutôt dans le ‘‘old & low cost’’. C’est un nouveau concept…
Il y aura malgré tout de nouveaux rendez-vous d’info sur la chaîne. Avec cette formule généraliste, LN24 peut-elle s’imposer dans un paysage télévisuel classique qui est très concurrentiel et de plus en plus boudé par les nouvelles générations ?
Honnêtement, je ne crois pas. D’autant plus que la ‘‘nouvelle LN24’’ part déjà avec un énorme boulet financier au pied qui conditionne évidemment ce que la chaîne peut aligner. Et comme l’offre de programmes n’est pas extrêmement originale, je ne pense pas que LN24 va réussir à tirer son épingle du jeu…
C’est la chronique d’une mort annoncée ?
C’est la chronique d’une mort déjà maintes fois retardée à coups de millions et, malheureusement, je pense que cela ne pourra sans doute pas durer.