L’intelligence artificielle n’avance plus, elle dévore: comment se réinventer à l’heure de notre dépassement par l’IA

L’arrivée de GPT o3, modèle d’intelligence artificielle au QI estimé à 136, marque une rupture cognitive. En quelques mois, les IA ont appris à coder, diagnostiquer, argumenter, planifier mieux que la majorité des humains. Le monopole intellectuel de l’élite managériale est brisé. Il faut désormais se redéfinir, non autour de l’expertise, mais autour du sens. Ce texte n’est pas une prophétie. C’est un manuel de survie.
Le 16 avril, OpenAI a présenté GPT o3 et GPT o4 mini, les deux plus puissantes intelligences artificielles. L’IA continue de progresser à toute vitesse : GPT o3 possède l’équivalent de 136 points de QI c’est-à-dire plus que 98% des Belges. Et la prochaine version attendue dans quelques semaines devrait pulvériser ces performances déjà intimidantes.
Le malentendu persiste : l’IA ne “complémente” pas le travail humain. Elle en concurrence le noyau. Ce n’est pas une technologie comme les autres, c’est une espèce concurrente. L’humanité a inventé, peut-être par orgueil prométhéen, ce qui est en passe de la rendre obsolète sur le plan cognitif. Le dépassement est proche. L’Homo sapiens va découvrir qu’il n’est plus l’espèce la plus intelligente sur Terre. Pas dans 10.000 ans : dans moins d’une génération. L’humanité a accouché d’un cerveau externe, plus rapide, plus stable, plus évolutif que le nôtre.
Le manager-tableur est mort
L’époque du manager-KPI, gardien de l’exécution, touche à sa fin. L’IA mouline les ratios plus vite que les analystes, propose trois scénarios supply chain avant le second expresso. Elle prédit les risques, synthétise les données, et rédige vos rapports stratégiques pendant que vous cherchez encore le bon slide.
Le rôle managérial se déplace : du contrôle vers la direction de conscience. Demain, votre valeur ne sera plus dans le stock de savoir, mais dans la capacité à incarner un récit. Moins d’encyclopédistes. Plus de stratèges-conteurs. Dirigeants et managers doivent se réinventer.
Que faire quand on est dépassé ?
Ce qui s’annonce, ce n’est pas une assistance algorithmique. C’est une substitution cognitive. L’IA comprend, juge, conseille, décide, crée. Nous refusons d’admettre que nous sommes déjà dépassés. Et nous préférons croire que l’IA servira l’homme… Alors qu’elle commence par le remplacer là où nous nous croyions intouchables.
Ce que l’IA va d’abord disqualifier, c’est l’élite cognitive traditionnelle. Tous ceux qui croyaient leur intelligence rare et irremplaçable vont devoir se métamorphoser. Non plus en accumulant du savoir, mais en dessinant des trajectoires humaines singulières. Il faudra plus que des diplômes pour avoir une place : il faudra un projet de civilisation. La question n’est plus “comment utiliser l’IA”, mais comment coexister avec elle sans être réduit à l’insignifiance…
Cinq impératifs de survie cognitive pour managers
À l’heure du basculement, cinq stratégies s’imposent aux dirigeants lucides. Ne pas les envisager, c’est sortir du jeu.
1. Adopter l’IA radicalement, pas de façon cosmétique
Ne parlez plus de “digitalisation”. Elle est déjà derrière nous. Ce qui arrive, ce sont des agents cognitifs non-humains dans tous les processus de décision, de conception, de planification. Il faut l’admettre pour agir.Adoptez l’IA à marche forcée. Oubliez les proof‑of‑concepts décoratifs ; redessinez votre chaîne de valeur. Votre avantage concurrentiel de 2025 peut être pulvérisé en quelques mois par une start-up pilotée par des IA.
2. Devenir un stratège cognitif augmenté
Le dirigeant de demain sera un architecte du dialogue entre les humains et l’IA. À chaque prise de décision, vous devez pouvoir mobiliser une IA copilote. Pas comme un assistant passif, mais comme un deuxième cerveau intégré, capable d’explorer les scénarios, de tester des hypothèses et d’élargir votre champ d’analyse. Formez-vous. Familiarisez-vous avec leurs biais, leurs limites et leur puissance.3. Cartographiez les fonctions sacrifiables, vite
Anticipez le dégraissage cognitif. Tout ce qui repose sur la répétition cognitive est en sursis. En tant que manager ou chef d’entreprise, vous devez prévoir les zones automatisables. Ne vous voilez pas la face : vos juristes juniors, vos analystes, vos chefs de projet intermédiaires peuvent déjà être remplacés. Ce n’est pas un plan social : c’est un basculement civilisationnel. Si vous ne le faites pas, vos concurrents le feront. Mais ne sacrifiez pas à l’aveugle : certains métiers seront revalorisés autour de la créativité, de la relation humaine et du jugement. Distinguez ce qui relève du processus et ce qui relève du sens.4. Bâtissez une culture du saut permanent
Instaurez une culture du saut technologique puisque chaque trimestre, une IA plus affûtée arrivera. Il faut organiser l’entreprise comme un atelier de d’expérimentation permanent. La stabilité devient l’exception, la plasticité la norme. L’IA est un facteur de disruption continue. Il ne s’agit pas d’un changement unique, mais d’un effondrement itératif de vos certitudes. Il faut donc bâtir des entreprises capables de réapprendre constamment, d’encourager la prise de risque cognitive. Il faut un changement anthropologique dans vos équipes.5. Réaffirmer une projet humain fort
Si l’IA fait tout mieux, pourquoi l’humain resterait-il dans l’équation ? Parce que nous portons plus que jamais la capacité de sens, d’éthique et de narration. Ce que l’IA ne remplacera pas de sitôt, c’est la mission, l’élan, la foi dans un projet. C’est à vous, dirigeants, de l’incarner. Le dirigeant de demain sera un architecte de sens.L’alternative : muter ou se fossiliser
L’IA n’est pas une tendance. C’est une césure. Vous avez deux choix : devenir un humain augmenté, lucide, agile, redessiné ou devenir un vestige en costume, gardien d’un monde dépassé. Le moment est à la réinvention cognitive, personnelle et collective. La machine pense. À nous de retrouver ce que penser humainement veut dire.
Vous avez deux choix : devenir un humain augmenté, lucide, agile, redessiné ou devenir un vestige en costume, gardien d’un monde dépassé.
Ceux qui embrasseront le saut évolutionnaire auront une longueur d’avance ; les autres seront balayés. À l’aube de cette discontinuité, le manager ne doit plus extraire de la valeur de la machine, mais y injecter ce qui reste irréductiblement humain : douter, aimer, renoncer. Il ne s’agit plus d’optimiser, mais de se réinventer, comme éclaireur.
Le monde nouveau ne manquera pas de données. Mais de direction. Votre rôle finalement est d’assumer la fin du monopole intellectuel des humains pour sauver notre singularité existentielle. L’intelligence artificielle modélise. L’intelligence humaine transcende.
Par Laurent Alexandre (médecin et entrepreneur) et Alexandre Tsicopoulos (étudiant en droit)
Intelligence artificielle
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