L’incubateur WSL fait pousser des techno-entrepreneurs

Agnès Flémal, directrice du WSL “Nous n’avons jamais été partisans des levées de fonds pour les levées de fonds. C’est avant tout un moyen pour arriver à ses fins.” © Belgaimage
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Plusieurs fois auréolé d’une bonne position dans les classements des meilleurs incubateurs au monde, WSL reste relativement peu connu. Cette structure publique a pourtant une mission de premier ordre dans l’innovation wallonne et bruxelloise: elle aide en priorité les ingénieurs à lancer leurs projets technologiques. Avec quels résultats?

“Il faut toujours viser la Lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles.” Cette célébrissime formule d’Oscar Wilde semble taillée sur mesure pour l’incubateur WSL. Pour deux raisons au moins… D’abord parce que cet outil public wallon créé voici 23 ans avait été initialement imaginé pour lancer des spin-off des universités francophones… dans l’univers du spatial. Ensuite, parce que, depuis lors, WSL a considérablement étendu son rayon d’action et affiche un bilan impressionnant: 200 entreprises sont passées au sein de ses programmes, il revendique (depuis son lancement) plus de 171 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé de “ses entreprises” sur l’année 2021 et pas moins de 1.500 emplois directs. Fait notable, WSL a déjà été à plusieurs reprises listé parmi les meilleurs incubateurs du monde dans différents classements…

WSL s’adresse tant aux jeunes entreprises qu’à des entreprises en recherche de croissance. Et plus seulement dans le spatial.

Pourtant, il n’est pas vraiment simple de catégoriser WSL. Incubateur? Accélérateur? Pour Agnès Flemal, la directrice du WSL depuis ses débuts, la réponse est claire. “Nous sommes plutôt un support global aux techno-entrepreneurs, insiste-t-elle. C’est un concept connu aux Etats-Unis mais qui ne semble pas vouloir dire grand-chose ici. En gros, on intervient en support aux techno-entrepreneurs depuis la pré-incubation, puis à l’incubation et on pratique de l’accélération ciblée.”

En effet, WSL s’adresse tant aux jeunes entreprises qu’à des entreprises en recherche de croissance. Et plus seulement dans le spatial. “Tous les secteurs sont aujourd’hui représentés, souligne Agnès Flemal. Nous touchons en réalité toutes les sciences de l’ingénieur, ce qui couvre tous les secteurs: IA, greentech, factory, agrotech, etc. Le seul secteur sur lequel nous n’allons pas, c’est le pharma car il s’agit de projets avec des types d’incubation totalement différents.”

Deeptech B to B

Reste quand même une particularité qui délimite le périmètre de WSL et en fait un acteur relativement pointu: l’organisation ne s’occupe que des sociétés deeptechs (comprenez dotées d’une technologie pointue) actives dans le B to B. Par ailleurs, pour entrer dans les programmes de WSL et bénéficier de l’accompagnement des coachs, les scale-up doivent remplir certaines conditions.

“On ne travaille pas sur des idées, insiste la patronne de WSL. Il faut avoir déjà mis en place un minimum de choses. La technologie doit exister et disposer d’un prototype labo. On ne fait pas de hackathons ou de choses comme cela.” Les start-up ne doivent pas forcément être très avancées et, parfois, WSL aide à créer la structure d’une boîte en plein lancement et n’attend pas forcément qu’elle ait des revenus.

Lorsque l’on observe la liste des entreprises suivies actuellement par WSL ainsi que celle des alumni de la structure publique, on découvre quelques noms bien connus tels que Lasea, Lambda X ou encore Aerospacelab. Mais on y retrouve également des boîtes aussi diversifiées que Myocène, spécialisée dans la fatigue musculaire, Mintt, focalisée sur la détection de chutes ou encore Verbolia qui réinvente le référencement.

Boosters

En tant qu’organisme public, la mission de WSL consiste à créer de l’emploi et de l’activité innovante en Wallonie. Dès lors, l’incubateur propose un nombre toujours plus grand de services et de programmes. A côté de l’accompagnement par des “ingénieurs avec une expérience entrepreneuriale”, l’organisme a aussi développé différents programmes ponctuels comme le booster dans le domaine medtech ou le concours Startech à destination des étudiants ingénieurs. L’une de ses obsessions? Le revenu.

“Nous n’avons jamais été partisans des levées de fonds pour les levées de fonds, détaille Agnès Flemal. C’est avant tout un moyen pour arriver à ses fins. Mais on a plutôt une obsession du revenu. On pousse toutes nos entreprises à faire du chiffre.” Et pour cela, l’incubateur a mis en place des boosters spécialisés et mise aussi fortement sur le soutien à l’international.

La Défense comme nouveauté

En outre, WSL s’active actuellement à développer un programme dans le secteur de la Défense. En effet, l’incubateur a été désigné par l’Otan comme accélérateur belge (parmi les huit accélérateurs labellisés) pour accueillir les premières start-up issues du projet Diana (Defence Innovation Accelerator for the North Atlantic).

L’enjeu est de faire appel à des jeunes pousses évoluant dans des technologies de pointe (intelligence artificielle, technologie quantique, systèmes autonomes, biotechnologie, technologie hypersonique, etc.) qui pourraient être utiles pour la Défense, un domaine qui reprend du galon depuis la guerre en Ukraine, notamment. Une initiative encore en phase pilote mais qui devrait s’inscrire dans la durée et pourrait être développée aussi au niveau purement belge. En tout cas si WSL obtient les financements.

Car la structure dirigée par Agnès Flemal fonctionne, en majeure partie, sur base de financements publics. Lesquels sont complétés par quelques revenus provenant de certaines entreprises soutenues. Au total, WSL dispose d’un budget de fonctionnement de l’ordre de 2 millions d’euros annuels. Certaines mauvaises langues le jugent “relativement élevé eu égard des résultats, nous glisse un observateur. Car si l’on rapporte les chiffres avancés au nombre d’entreprises, cela impose de relativiser”. WSL revendiquait, par exemple, 1.475 emplois directs en 2021. Mais pour un portefeuille de 200 start-up et entreprises. “Soit une moyenne d’un peu plus de sept personnes”, continue l’expert. Même exercice pour le chiffre d’affaires annuel cumulé de 2021: 171 millions répartis sur 200 boîtes, cela donne 855.000 euros de revenu annuel moyen par entreprise.

Reste, bien sûr, que pas mal de sociétés en sont à leurs débuts et ne sont pas encore génératrices de gros revenus. Mais à en croire la responsable de WSL, cela augmente sensiblement d’année en année. De plus, WSL s’est vu assigner la mission de la croissance. “Nous voulons faire passer les entreprises de 10 personnes aujourd’hui à 15 ou 20, continue Agnès Flemal. Nous avons reçu cette mission et devons, pour cela, lever les freins de leur croissance.” A cette fin, nul doute que la structure s’appuye sur le retour d’expérience de ses meilleurs éléments. Lasea, par exemple, compte environ 200 personnes.

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