L’IA est déjà responsable de licenciements dans l’industrie qui l’a créée
Nombreux sont ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme sur le fait que l’intelligence artificielle (IA) pourrait être à l’origine de la disparition de nombreux emplois dans les années à venir. La chose se vérifie dans un secteur où les travailleurs semblaient autrefois invincibles : celui de la technologie.
Ces derniers mois, un nombre croissant d’entreprises technologiques ont cité l’IA comme motif de licenciement et de réexamen des nouvelles recrues, relate CNN sur son site. Et de citer l’exemple de Chegg, une société de technologie éducative, qui a annoncé le mois dernier dans un document officiel qu’elle supprimait 4 % de ses effectifs, soit environ 80 employés, “pour mieux positionner la société et mettre en œuvre sa stratégie en matière d’IA, afin de créer une valeur durable à long terme pour ses étudiants et ses investisseurs”.
En mai dernier, le CEO d’IBM, Arvind Krishna, annonçait dans une interview accordée à Bloomberg que son entreprise prévoyait de suspendre le recrutement pour certains postes : des postes, qui selon lui, pourraient être remplacés par l’IA dans les années à venir. Dans un entretien ultérieur avec Barrons, précise CNN, M. Krishna a toutefois déclaré que ses commentaires précédents avaient été sortis de leur contexte et a souligné que “l’IA créera plus d’emplois qu’elle n’en supprimera”.
Fin avril, c’était Dropbox, un service de stockage de fichiers, qui déclarait qu’environ 16 % de ses effectifs étaient renvoyés, soit environ 500 personnes, en invoquant là aussi l’IA comme le motif des licenciements.
Dans son dernier rapport concernant les licenciements, le cabinet d’outplacement Challenger, Gray & Christmas indique que, au mois de mai 2023, 3.900 personnes avaient été licenciées à cause de l’IA. C’est la première fois que ce motif est invoqué comme cause des licenciements. Toutes ces suppressions d’emplois ont eu lieu dans le secteur technologique, selon le cabinet.
Expertise en matière d’IA indispensable
Avec cet épisode, la Silicon Valley va être à l’avant-garde non seulement du développement de l’IA, mais elle sera aussi la première à offrir en quelque sorte un aperçu de comment les entreprises pourraient s’adapter à ces outils. Plutôt que de décider du jour au lendemain que certaines compétences sont désormais devenues obsolètes, comme certains pourraient le craindre, souligne CNN, la nouvelle génération d’intelligence artificielle semble forcer les entreprises à réorienter leurs ressources afin de mieux tirer parti de la technologie. Et ce meilleur parti tend à privilégier les travailleurs ayant une expertise en matière d’IA.
Dan Wang, professeur à la Columbia Business School, a quant à lui déclaré à CNN que même si l’IA “entraînera une restructuration des organisations”, il ne pense pas encore que les machines remplaceront les humains. “D’après moi, l’IA ne remplace pas nécessairement les humains, mais améliorera plutôt leur travail“, a déclaré M. Wang. “Je pense que le type de concurrence auquel nous devrions nous attendre davantage est que les spécialistes humains seront remplacés par des spécialistes humains MAIS capables de tirer parti des outils de l’IA. »
Le conte de deux Silicon Valleys
Les licenciements dans le secteur de l’IA s’inscrivent dans un contexte plus large de réduction des effectifs dans l’industrie. Dès le début de la pandémie, il y a trois ans, de nombreuses entreprises technologiques se sont adaptées afin d’évoluer dans un environnement économique incertain doublé d’une baisse de la demande de services numériques.
Selon les données recueillies par Layoffs.fyi, quelque 212 294 travailleurs de l’industrie technologique ont été licenciés au cours de la seule année 2023, dépassant déjà les 164 709 enregistrés en 2022. Mais dans l’ombre de ces licenciements massifs, c’est toute l’industrie technologique qui a attrapé la fièvre de l’IA et a investi massivement dans les talents et la technologie de celle-ci.
En janvier, quelques jours après que Microsoft ait annoncé son intention de licencier 10 000 employés dans le cadre de mesures de réduction des coûts, l’entreprise a confirmé dans la foulée qu’elle investissait “plusieurs milliards de dollars” dans OpenAI, l’entreprise à l’origine de ChatGPT.
En mars, même topo chez Meta. Dans la même lettre que Mark Zuckerberg adressait à son personnel pour annoncer son intention de licencier 10 000 personnes supplémentaires (après avoir déjà supprimé 11 000 postes en novembre l’année d’avant), le CEO de Meta a fait part également de son intention d’investir massivement dans l’IA.
Savoir utiliser les outils de l’IA
Même les ingénieurs logiciels de la Silicon Valley, qui semblaient autrefois particulièrement recherchés, risquent aujourd’hui leur place au profit de ceux qui possèdent une plus grande expertise en matière d’IA qu’eux.
Il y a gros à parier que ceux qui veulent prospérer dans l’industrie technologique, et au-delà, devront rafraîchir leurs compétences en matière d’IA.
M. Wang, professeur à la Columbia Business School, a déclaré à CNN que depuis le semestre passé, il a commencé à demander à ses étudiants de se familiariser avec cette nouvelle génération d’outils d’IA sur le marché. “Je pense que cette familiarisation est absolument essentielle pour les préparer à la réussite et à l’obtention de leur diplôme”, a déclaré M. Wang.
Il ne s’agit pas de faire de chacun un spécialiste de l’IA, mais plutôt de faire en sorte que les travailleurs sachent comment utiliser les outils de l’IA pour devenir plus efficaces dans leur travail.
“C’est là que le champ de bataille pour les talents se déplace vraiment”, a déclaré M. Wang, “car la différenciation en termes de talents vient des moyens créatifs et efficaces d’intégrer l’IA dans les tâches quotidiennes”.
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