Google a annoncé son intention de développer un câble sous-marin de télécommunication reliant les États-Unis à l’Europe, faisant ainsi écho à un projet similaire lancé par Meta en début d’année. Cette initiative confirme l’implication croissante des Big Tech dans ce qui constitue l’épine dorsale des communications numériques mondiales.
Contrairement aux idées reçues, l’essentiel des connexions Internet internationales ne passe pas par des satellites, mais par des câbles sous-marins. Plus de 95% du trafic Internet international passe en effet par un enchevêtrement de câbles sous-marins de plusieurs milliers de kilomètres de long.
Ces câbles, qui abritent des fibres optiques qui transportent des faisceaux lumineux, font transiter d’immenses quantités de données aux quatre coins du monde. Durant très longtemps, leur développement était assuré par des entreprises spécialisées privées et des consortiums soutenus parfois par des États. Mais depuis plusieurs années, les Big Tech s’investissent dans ce secteur clé, poussées par la nécessité de répondre aux besoins croissants de bande passante générés par leurs services numériques (cloud, réseaux sociaux, streaming ou encore assistants virtuels). Et le boom de l’IA n’a fait qu’accroitre ces besoins.
Meta et Google à la conquête des fonds marins
Le géant américain Google a annoncé début juillet le projet Sol, soit un système de câble sous-marin transatlantique reliant les États-Unis, les Bermudes, les Açores et l’Espagne. Ce système vise à renforcer l’offre de la firme de Mountain View et surtout à répondre à la demande croissante pour ses services cloud et d’IA aux États-Unis et en Europe notamment.
Ce nouveau système, qui viendra compléter le câble sous-marin Nuvem dont la mise en service est prévue pour l’année prochaine, “augmentera la capacité, améliorera la fiabilité et réduira la latence pour les utilisateurs et les clients Google Cloud du monde”, peut-on lire dans le communiqué de l’entreprise américaine.

En février, Meta avait fait une annonce similaire, avec le projet Waterworth. Présenté comme le projet de câble sous-marin “le plus ambitieux” du monde, ce dernier reliera les cinq continents sur plus de 50.000 km, soit plus que la circonférence de la Terre, et visera, lui aussi, à renforcer la capacité et la fiabilité du transport de données numériques de l’entreprise.
À noter que Google et Meta ne sont pas les seules. Microsoft et Amazon, chacune active dans le cloud et l’IA, investissent également massivement dans de nouveaux systèmes de câbles sous-marins.
L’IA, mais pas que
Les premiers investissements des GAFAM dans le secteur des câbles sous-marins remontent au début des années 2010, soit au moment où leurs produits ont connu une croissance fulgurante et se sont accélérés à mesure que la demande croissait. Mais disposer de ses propres infrastructures représente plusieurs avantages pour les Big Tech, dont le premier est tout simplement de gagner en indépendance par rapport aux fournisseurs traditionnels.
L’aspect performance est également central puisque, pour s’assurer un fonctionnement constant, à la mesure de leurs ambitions, les entreprises technologiques souhaitent profiter d’un réseau plus direct et plus moderne, tout en s’assurant de la sécurité des infrastructures et en évitant tout goulet d’étranglement.
Enfin, l’aspect économique est évidemment crucial. Si le déploiement de câbles sous-marins représente des investissements colossaux – Meta évoque plusieurs milliards de dollars d’investis sur plusieurs années pour son projet Waterworth -, la rentabilité à long terme pourrait être très élevée. De fait, elles pourront se passer d’intermédiaire, voire proposer leurs infrastructures à des entreprises tierces, devenant elles-mêmes des fournisseurs.
Enjeux géopolitiques
À l’heure actuelle, il existe environ 500 câbles sous-marins de taille variable, principalement détenus par des entreprises, telles qu’Alcatel Submarine Networks (ASN), SubCom (USA) ou encore NEC Corporation (Japon), mais, outre les GAFAM, des puissances mondiales cherchent, elles aussi, à devenir des acteurs majeurs du marché. C’est notamment le cas de la Chine qui vise à développer la “route de la soie numérique”. Au-delà de répondre aux besoins de connectivité ou de développement de l’IA, les câbles sous-marins représentent un enjeu géopolitique majeur.
De fait, en cas de tensions, ils peuvent devenir la cible d’attaques visant à isoler un pays ou une partie du monde et à réduire les communications d’un territoire. C’est pourquoi des pays comme la Chine, dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis, développent discrètement leur propre infrastructure, de peur de se voir exclus des réseaux de télécommunications mondiales en cas d’escalade. C’est aussi une manière de se protéger contre l’espionnage ou encore la fuite de données sensibles.
À côté de cela, ces infrastructures sont tout simplement vulnérables à ce qui les entoure, et ce, malgré le blindage qui les compose. Des tremblements de terre sous-marins ou des glissements de terrain peuvent les endommager.
Reste que l’implication toujours plus forte des Big Tech dans les câbles sous-marins pourrait amener à des questions en termes de concentration des marchés et des infrastructures numériques. Les géants de la tech dominent déjà les plateformes et services numériques, mais pourraient bien, à terme, contrôler également les fondements physiques du monde numérique, comme l’ont souligné des chercheurs de l’Oxford Internet Institute au Royaume-Uni. Verra-t-on, d’ici à quelques années, les autorités s’en inquiéter et imposer des règles pour les encadrer ?