En quelques mois, les assistants d’IA sont devenus le point d’entrée privilégié vers l’information pour bon nombre de Belges, au quotidien comme au travail. Ce glissement n’est pas neutre : il confère aux IA un pouvoir prescripteur inédit, capable d’orienter l’intention d’achat.
On s’en doutait. Et certains prédisaient même la mort des moteurs de recherche. On n’en est pas là, mais il se confirme que les internautes se tournent de plus en plus vers l’intelligence artificielle quand ils se posent une question et ont besoin de mener une recherche. Pendant longtemps, le point d’accès au web est resté le bon vieux moteur de recherche avec ses liens cliquables, Google en tête. Besoin de trouver l’âge d’un artiste ? De découvrir les lieux touristiques incontournables d’une région ? Google offrait déjà une série de liens à découvrir.
Désormais, les IA génératives, popularisées par ChatGPT, répondent, en langage naturel, aux questions des surfeurs. De nombreux observateurs avisés avaient, dès les premiers temps des IA génératives, questionné l’avenir des liens cliquables et de Google. Désormais, on en sait plus sur la manière dont les internautes recherchent. En effet, la première étude “Les Belges à l’ère de l’IA générative“, menée par les spécialistes de marketing digital Semactic et PingPrime.ai, et réalisée par le cabinet d’étude de marché IntoTheMinds, vient d’être dévoilée.
L’IA en plus des moteurs
Les chiffres sont impressionnants : près de sept Belges sur dix (67%) utilisent désormais l’IA générative, au moins occasionnellement, pour s’informer, apprendre ou obtenir un conseil personnalisé. Cela en fait une adoption massive, mais qui ne tue pas totalement les habitudes anciennes. Les moteurs de recherche conservent, en effet, toujours leur position dominante : 80% des internautes belges y ont recours plus régulièrement qu’à l’intelligence artificielle générative. Les Belges combinent par ailleurs IA, moteurs et réseaux sociaux, plateformes vidéo, contenus communautaires et assistants conversationnels.
Ce qu’ils cherchent sur ChatGPT, Gemini, Copilote, Perplexity et les autres assistants ? Majoritairement des informations générales : culture, explications sur des sujets variés, conseils pratiques du quotidien (voyage, cuisine, sport, santé…). L’aide aux études devient également une habitude chez les jeunes. Tandis qu’un tiers des Belges fait également usage des assistants d’IA pour leurs achats : idées de cadeau, recommandations shopping…
Les internautes belges s’en servent de plus en plus comme d’un comparateur de produits, voire de prix. Et cela n’a rien de totalement anodin. En effet, selon Semactic et PingPrime.ai, 36% des Belges déclarent avoir déjà pris une décision d’achat basée uniquement sur la recommandation d’une IA. Ce qui en dit long sur la confiance que semblent accorder les Belges à une intelligence artificielle. En effet, au-delà des décisions d’achat, 40% des internautes lui font totalement confiance et se contentent de la première réponse d’une IA… sans la vérifier ! “En d’autres termes, l’intention se fige avant même le clic”, souligne Céline Naveau, cofondatrice de Semactic.
Les jeunes, mais pas que…
Le phénomène se vérifie surtout chez les plus jeunes (18-34 ans) : trois quarts d’entre eux font confiance aux réponses données par l’IA générative. Chez les plus de 35 ans, ils sont 67% à lui faire confiance. Les AI overviews, ces petits cadres d’information générées par IA qui apparaissent au-dessus des liens proposés par Google inspirent également confiance aux utilisateurs. Plus de 70% des Belges leur accordent leur confiance. Un chiffre très élevé alors qu’une étude menée par Deloitte fin 2024 dévoilait qu’à peine 44% des Bruxellois, 49% des Wallons et 51% des Flamands avaient confiance dans les réponses générées par l’IA. Certes, l’échantillon n’est pas le même, mais la différence démontre qu’au fil du temps (et de l’amélioration des modèles d’IA ?), les Belges font davantage confiance à l’IA.
Et ce n’est pas tout : cette confiance ne se cantonne pas au cadre privé et aux loisirs…. Elle s’installe aussi, et c’est plus inquiétant, dans les pratiques professionnelles. L’étude menée par Semactic et PingPrime.ai s’est en effet aussi intéressée aux pros. Et elle montre que neuf professionnels belges sur dix déclarent faire confiance à l’IA dans leur travail. Et l’adoption est massive : 87% l’utilisent déjà au quotidien, non seulement pour la rédaction ou la synthèse de documents, mais aussi pour la recherche, la traduction ou la préparation de présentations. L’IA est devenue un réflexe de travail, un geste presque automatique qui s’impose par son efficacité.
“L’IA ne s’impose pas par l’exactitude, mais par la fluidité et la commodité.” – Sabrina Bulteau, co-fondatrice de PingPrime.ai.
Confiance mais compréhension superficielle
Ce phénomène s’accompagne d’un paradoxe révélateur : la confiance est forte, mais la compréhension reste superficielle. La plupart des professionnels reconnaissent n’avoir reçu aucune formation structurée. L’apprentissage se fait surtout au fil de l’eau, par essais, imitation ou via des tutoriels glanés en ligne. Autrement dit, l’IA s’intègre plus vite dans les pratiques que dans les compétences. Et cette adoption intuitive conduit à un comportement similaire à celui des particuliers : 72% des professionnels se satisfont du résumé IA sans même consulter les sources. Le gain de temps prévaut sur la vérification.
“L’IA ne s’impose pas par l’exactitude, mais par la fluidité et la commodité, observe Sabrina Bulteau, cofondatrice de PingPrime.ai. Clarté, pertinence et rapidité deviennent les maîtres-mots. En rendant l’information plus accessible, l’IA laisse déjà entrevoir son influence.”
Un impact fort sur les marques et les entreprises
Si les Belges utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle générative comme un outil de recherche à part entière (ou se basent sur les overviews de leur moteur classique), lui font de plus en plus confiance et se contentent de la première réponse fournie, c’est loin d’être sans conséquence sur le monde de la recherche en ligne, les marques et le commerce dans son ensemble. Cela implique, en effet, que l’accès au marché s’en trouve progressivement bouleversé. Il dépend moins de la visibilité dans les pages de résultats ou le marketing payant sur les réseaux et moteurs, et davantage de la manière dont un modèle comprend et restitue une marque.
Une marque qui n’apparaît pas dans la réponse générée perd une chance d’entrer dans le champ de décision. À l’inverse, une marque citée ou intégrée obtient une place stratégique dans l’esprit du consommateur, surtout si celui-ci ne vérifie pas les sources. Le curseur de l’influence n’est plus le lien bleu, mais la phrase produite.
Ce mouvement modifie mécaniquement la concurrence. Les marques qui disposent de preuves claires, de contenus structurés, de signaux cohérents et sourçables auront plus de chances d’être intégrées dans les réponses des IA génératives. Les autres risquent de devenir invisibles, même si elles restent présentes sur le web. C’est une forme subtile de sélection : l’IA ne retient que ce qu’elle comprend, ce qu’elle peut vérifier et ce qui s’insère harmonieusement dans un récit. Ce changement n’est pas une simple évolution technique ; il redessine déjà l’économie de l’attention et, par ricochet, les dynamiques commerciales…
À savoir aussi…
• Les plus âgés (55+) ne sont que 17 % à utiliser l’IA pour une recherche.• 72 % des pros utilisent les AI overviews… et 72 % ne consultent pas les sources.
• 77 % des pros ont reçu une formation (mais majoritairement informelle).
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