Le très haut débit depuis l’espace passera par le laser
Pour démultiplier les débits de communications entre un satellite et le sol et mieux les sécuriser, la start-up française Cailabs mise sur les liaisons optiques.
Pour tout satellite en orbite, une station au sol permet de communiquer avec lui et de recevoir par signaux radio les données qu’il transmet, qu’il s’agisse de données météorologiques, de lourdes photos d’observation de la Terre ou de conversations relayées par le satellite. Or ces signaux radio peuvent être interceptés ou brouillés, comme ont pu l’expérimenter les Ukrainiens avec les terminaux satellitaires Starlink fournis par Elon Musk pour faciliter leurs communications face aux Russes.
Et alors que le secteur spatial voit poindre un risque d’encombrement des fréquences à mesure que le nombre de satellites en orbite se multiplie, ces signaux radio gardent un débit limité à l’ère de la fibre optique terrestre.”En radio, en théorie on peut faire quelques gigabytes par seconde, en pratique atteindre le giga est extrêmement difficile. En optique on peut déjà envoyer des liens de 10 gigas, ça change l’équation économique”, explique Jean-François Morizur, le patron de Cailabs, entreprise rennaise de 75 salariés qui a levé 42 millions d’euros depuis sa création en 2013.”On peut augmenter les débits échangés d’un facteur qui pourrait aller jusqu’à 10.000″, abonde Jean-Marc Charbonnier, directeur de programme espace à l’Onera. Ce laboratoire public au cœur de la recherche aérospatiale française planche avec son programme Feelings sur l’avenir de ces liaisons optiques sol-satellite, tout comme aux Etats-Unis son homologue de la Darpa.
La difficulté de ces liaisons optiques par laser est que “pour échanger entre le sol et le bord (le satellite, ndlr), il faut avoir un faisceau capable de passer à travers l’atmosphère sans être perturbé par elle”, explique-t-il. C’est sur cet aspect que Cailabs revendique être “bon: pour gérer la turbulence atmosphérique”. L'”effet mirage” dans le désert ou le scintillement des étoiles sont par exemple dus à ces turbulences. Elles laissent passer plus ou moins vite la lumière et créent des déformations. Au risque de coupures du signal transmis par le satellite.
Talkie-walkie et pointeur laser
Là où sur le marché des liaisons optique inter-satellites, hors de l’atmosphère et de ses turbulences donc, la concurrence est vive, Cailabs dit n’avoir que quelques petits acteurs américains face à lui. La start-up construit déjà des premières stations-sol à liaison laser et en a vendu deux en Suède et en Corée. Le marché reste pour l’instant minime par rapport au millier de stations-sol radios déployées chaque année dans le monde. Mais il est amené à se développer, selon Cailabs. Il n’est pas nécessaire de se voir attribuer les convoitées licences d’utilisation de fréquence radio, donc “ça permet à des nouveaux entrants d’arriver”, estime le patron de Cailabs.
Et les militaires s’intéressent de près au sujet. Pour se protéger des interceptions et du brouillage, le satellite de communications militaires français Syracuse 4B, qui doit être lancé le 4 juillet, ne peut compter que sur le puissant cryptage de ses données transmises par radio. A l’avenir, son successeur ou la future constellation européenne de communications sécurisées Iris2, pourrait les transmettre par une liaison optique. “C’est la différence entre un talkie-walkie et un pointeur laser: la difficulté, c’est de pointer précisément mais l’avantage c’est que c’est très difficile à détecter ou intercepter”, explique Jean-François Morizur.