Le point de vente de Grand Central, le 5e à Manhattan, est le plus grand jamais construit par Apple. Il est placé dans un lieu stratégique : 750,000 personnes passeront devant chaque jour en empruntant cette gare de New York. Apple a inventé pour ces voyageurs pressés un service unique : des formations express de 15 minutes.
Apple a ouvert son premier magasin il y a seulement 10 ans, à Los Angeles. Aujourd’hui l’entreprise compte 361 boutiques en propre dans 11 pays. Elle a ouvert 31 nouvelles boutiques cette année, dont 21 en dehors des Etats-Unis. Et prévoit d’en inaugurer encore 40 en 2012, avec une priorité à l’international (les trois quarts). Cette année, 300 millions de clients ont visité ses points de vente. Photo : Steve Jobs le jour de l’ouverture du magasin de la 5e Avenue à New York, en mai 2006.
Apple a ouvert en septembre son 3e magasin à Shanghai et son premier à Hong Kong. La Chine, avec Hong Kong et Taiwan, est devenue la deuxième région en source de revenus pour Apple après les Etats-Unis. C’est là que les magasins font le plus de fréquentation et les meilleurs chiffres d’affaires. L’entreprise devrait inaugurer 25 nouveaux Apple Stores en Chine dans les prochaines années, le pays étant devenu une priorité pour Tim Cook. Photo : Hong Kong.
En moyenne les magasins font autour de 750 mètres carrés. Le plus petit (Californie) en fait 50, le plus grand est le dernier de Grand Central à New York, avec 2100 m² ouverts au public. De tels volumes permettent d’accorder de la place aux produits, autour desquels on peut tourner. C’est grand, ce qui n’empêche qu’on s’y bouscule, parfois. A Londres, la boutique de Regent Street a accueilli jusqu’à 11 000 visiteurs en une journée. En moyenne, chaque magasin reçoit près de 18 000 badauds par semaine.
Les ventes des Apple Stores ont atteint 14 milliards de dollars sur le dernier exercice annuel, pour 3,1 milliards de bénéfice, contribuant aux profits du groupe à hauteur de 12%. Le chiffre d’affaires au mètre carré, un indicateur de référence dans la distribution, bat des records. Une étude américaine indiquait en août que les magasins Apple étaient les boutiques les plus rentables du pays, et de loin, devant les enseignes Tiffany (bijoux) et Coach (maroquinerie et accessoires de luxe). “Apple a appliqué les recettes de l’avenue Montaigne, en en reprenant certains codes, explique Jean-Michel Cagin, associé au cabinet OC&C Strategy Consultant : très gros volumes, de la hauteur, place accordée au produit… On n’est pas sur des rayonnages et des allées, on tourne autour des objets. La différence, ce sont les volumes de ventes très importants et les taux de conversion. D’où les records de chiffre d’affaires au mètre carré. C’est le volume de Carrefour appliqué aux produits de Chanel.”
Ce n’est pas chez Apple que vous attendrez des heures avant de trouver un vendeur. Les magasins emploient en tout 36 000 équivalents temps plein. Celui de Hong Kong, par exemple, en a embauché plus de 300, tout comme le dernier magasin de New York. Formés pendant plusieurs semaines, payés non pas à la commission mais avec un variable tenant compte d’une multitude de critères, ils sont là avant tout pour conseiller. Un seul produit à la fois. “Le personnel n’est pas là pour vendre, mais pour construire une relation et essayer d’améliorer la vie des gens”, explique Ron Johnson, celui qui a imaginé les Apple Stores. Parfois les conseillers sont même au service du client 24h/24, comme dans le magasin new yorkais de la 5e Avenue, ouvert toute l’année.
Les Genius Bars, service après vente gratuit pour résoudre les problèmes techniques mineurs et orienter les clients pour les réparations plus lourdes, aident 50 000 clients chaque jour dans le monde. Dans les boutiques Apple, on peut également s’inscrire à des formations en informatique personnalisées, en s’abonnant au service One to One pour 99 euros par an. Photo : Le Genius Bar de la 5e Avenue à New York.
Steve Jobs a voulu créer un univers cohérent, en faisant de ses boutiques le prolongement naturel de ses produits et de son discours. “Les gens viennent chez Apple pour l’expérience, et ils sont prêts à payer plus cher pour ça”, explique Ron Johnson, ancien de chez Target et désormais patron de JC Penney, qui a créé les Apple store en 2001. “Les Apple Stores prolongent l’expérience Apple, analyse Jean-Michel Cagin de OC&C. C’est leur facteur clé de succès : un mélange de design et d’interface. On est dans la découverte des produits, des usages, et accessoirement on passe à la caisse. On est entre le showroom et le magasin, un peu comme ce qu’a créé Colette dans la mode en rendant l’achat secondaire. Chaque conseiller transporte son propre terminal de paiement, ce qui fait qu’il n’y a pas de queue et pas de rupture dans l’expérience. Un peu comme sur iTunes.”
Apple apporte le même soin au design de ses magasins qu’à celui de ses produits. Cube translucide à New York, logo immense, escaliers de verre ultra graphiques… L’architecture des points de vente impressionne le chaland bien avant qu’il entre dans la boutique. Pour attirer le grand public dans ses filets, Apple ne lésine pas sur les moyens. Il rénove des bâtiments classés (comme à Covent Garden à Londres), cible des lieux hyper fréquentés, prestigieux et touristiques, comme le Carrousel du Louvre et Opéra à Paris, ou encore la 5e avenue à New York. Pour le magasin de Grand Central, il a investi 2,5 millions de dollars. Photo : Pudong, en Chine.
Microsoft a inauguré récemment son 14e magasin, à Washington, qui ressemble terriblement à un Apple Store. Pas de vitrine, beaucoup d’espace, des appareils posés sur des tables, une assistance informatique gratuite… On y trouve les produits made in Microsoft et des appareils sous Windows Phone. En Caroline du Nord, il en a ouvert un juste à côté d’un Apple Store. En France, The Phone House ne cache pas s’être inspiré d’Apple pour son point de vente de La Défense, qu’il décrit comme “un univers de technologie et de services centrés sur le client, où les offres deviennent des solutions mobiles, traduites en usages pour le consommateur”. Cela laisse sceptique Jean-Michel Cagin : “Le concept me semble assez incompatible avec du multiproduit et du multimarque. Dans ces magasins on amène le consommateur à faire des choix, rationnels, et il se pose beaucoup plus de questions. Chez Apple, il y a un fort attachement à la marque, et c’est le plaisir avant tout.” Photo : Microsoft Store, Atlanta.