La compagnie aérienne américaine Delta Air Lines teste la personnalisation des prix de ses billets d’avion grâce à l’intelligence artificielle. Un programme encore pilote à l’heure actuelle, mais qui pourrait séduire le marché du transport aérien.
Personnaliser le prix des billets d’avion sur base, entre autres, du profil des voyageurs grâce à l’IA, voici le projet de la compagnie aérienne Delta Air Lines pour maximiser ses profits à long terme. En test depuis plusieurs mois sur une part infime de ses clients, les premiers résultats sont prometteurs, assure-t-elle.
Concrètement, le programme pilote vise à déterminer le prix maximal que les passagers seraient prêts à payer pour voyager, en fonction de leurs habitudes de vol, ainsi que d’autres critères. Les tarifs affichés ne sont donc plus “universels”, mais dynamiques et adaptés à l’utilisateur, grâce à l’IA qui analyse 24h/24 et 7j/7.
Lancé il y a neuf mois déjà, le programme a déjà été utilisé pour déterminer 3% des tarifs de la compagnie aérienne, mais Delta Air Lines prévoit déjà de passer à 20% d’ici la fin de l’année, tant les retours sont “incroyablement positifs”.
“À terme, nous proposerons un tarif adapté à chaque vol, à chaque heure pour vous, le particulier”, avait expliqué Glen Hauenstein, le président de la compagnie, lors de la journée des investisseurs, rapporte le magazine Fortune, en novembre dernier.
Les tarifs personnalisés ne sont pas nouveaux
La tarification différentielle existe en réalité depuis de nombreuses années. Le prix d’un billet Bruxelles-New York varie en fonction du moteur de recherche que vous utilisez, de l’heure et de la demande. Il peut aussi être plus élevé si vous le réservez sur un site officiel ou un comparateur. Mais l’intégration de l’intelligence artificielle dans le processus fait que les tarifs proposés seront basés sur ce que l’utilisateur sera disposé à payer et non plus une tarification “universelle”, a souligné Matt Britton, auteur de Generation AI, auprès du média.
Sur le court terme, Gary Leff, expert du secteur du voyage, reconnait cependant que cette démarche pourrait être bénéfique aux consommateurs, notamment lorsque les compagnies chercheront à remplir leurs avions, mais sur le long terme, ça sera bien différent puisque, l’idée est de proposer le tarif maximal qu’une personne serait prête à payer.
Vie privée et discrimination
Outre la frustration que cette stratégie pourrait générer chez les passagers, notamment chez ceux qui sont toujours en quête d’une bonne affaire, des voix s’élèvent contre ce programme pilote en raison des risques qu’il représente pour la vie privée.
“Ils essaient de voir dans la tête des gens combien ils sont prêts à payer”, a déclaré Justin Kloczko, analyste chez Consumer Watchdog, une organisation à but non lucratif californienne. “Ils piratent nos cerveaux.”
Se pose également la question des critères pris en compte par l’entreprise qu’elle ne détaille pas. Or, on sait que bon nombre d’intelligences artificielles peuvent présenter des biais discriminatoires.
Inquiétude à laquelle Delta Air Lines a répondu auprès du média Fortune, assurant se prémunir de problèmes de ce type, sans préciser si une vérification humaine était mise en place.
“Nos tarifs sont publiés publiquement et basés uniquement sur des critères liés au voyage, comme l’achat anticipé et la classe de cabine, et nous appliquons des mesures de sécurité strictes pour garantir le respect de la loi fédérale”, a ajouté la compagnie aérienne.
L’IA dans le transport aérien
Delta Air Lines n’est pas la première compagnie aérienne à avoir recours à l’intelligence artificielle, mais, jusqu’à présent, il était surtout question d’assistance aux voyageurs. United Airlines utilise l’IA générative pour contacter ses passagers en cas d’annulation, par exemple, tandis qu’American Airlines y a recours pour déterminer qui parmi eux ratera son vol.
Mais le système de tarification individualisée et dynamique à base d’IA de Delta Air Lines pourrait amener ses concurrents à s’inspirer de ce qu’elle fait, au vu des retours positifs dont la compagnie fait état.
À moins que les autorités viennent mettre leur grain de sel. À l’heure où l’Union européenne, mais aussi les États-Unis, cherchent à encadrer l’utilisation de l’IA, la tarification personnalisée et dynamique des billets d’avion, pourrait faire l’objet d’un encadrement à l’avenir. Le sénateur de l’Arizona Ruben Gallego s’est déjà montré opposé à cette utilisation de l’IA.
En attendant, ce type de tarification pourrait s’exporter en dehors du transport aérien. Fetcherr, l’entreprise israélienne à l’origine du programme pilote de Delta Air Lines, ambitionnait déjà en 2022 de conquérir “l’hôtellerie, la location de voitures, les croisières, etc.”.