L’assistant shopping numérique qui cherche seul les meilleurs prix, les modèles à votre goût, vous permet l’essayage virtuel et peut même, si vous l’y autorisez, régler les achats, est prêt à entrer dans nos vies, poussé par les géants de la tech.
“C’est la prochaine étape du shopping”, considère Angelo Zino, analyste du cabinet CFRA Research. Cette révolution est rendue possible par l’émergence des agents IA, qui ne se contentent plus de répondre à des questions ou de créer du contenu comme les assistants de première génération mais peuvent désormais réaliser une multitude de tâches sur demande en langage courant.
La semaine dernière, Google a présenté les fonctionnalités shopping de son moteur de recherche renforcé à l’intelligence artificielle, l’AI Mode, qui “réduit le temps de recherche de quelques jours à quelques minutes”, selon Vidhya Srinivasan, chargé de la publicité et du commerce au sein du groupe.
Dans le cas d’un vêtement, l’IA peut désormais créer, à partir d’une photo, une image de l’intéressé portant le costume ou la chemise qui lui plaît, en respectant les mensurations mais aussi le tombé en fonction de la matière et de la coupe. L’internaute peut alors fixer un prix maximum et laisser Google parcourir internet jusqu’à ce qu’il ait repéré une offre correspondante, même s’il lui faut pour cela plusieurs heures ou jours. Le client pourra ensuite finaliser l’achat grâce à la plateforme de paiement Google Pay.
“Ils s’en prennent un peu à Amazon”, a réagi Avi Greengart, analyste du cabinet Techsponential, pour qui le shopping “est un moyen de monétiser” l’IA, car il est susceptible d’augmenter le trafic et les revenus publicitaires.
Fin avril, OpenAI a ajouté une fonctionnalité shopping à ChatGPT, qui répond à une demande par des idées de produits, des avis de consommateurs et des liens vers des sites marchands. Selon le site spécialisé Techcrunch, la start-up californienne ne recevra pas de pourcentage des revenus du commerce en ligne générés par ce canal. Sollicité à ce sujet, Google n’a pas donné suite.
“Acheter à notre place”
Un autre acteur émergent, Perplexity AI, avait présenté, dès novembre, une offre pour ses abonnés payants, qui permettait déjà d’aller jusqu’au paiement, compris, sans quitter l’application. “Les autres plateformes vont devoir s’y mettre et ça va devenir la norme”, anticipe Angelo Zino.
Amazon a lancé en septembre son assistant, Rufus, puis, début avril, le mode “Buy for Me” qui réalise sur commande un achat directement sur un site tiers d’une enseigne, hors de la plateforme Amazon.
Mi-mai, le responsable technologique de Walmart, Hari Vasudev, a évoqué l’arrivée prochaine d’un agent IA dans son écosystème, mais expliqué que l’enseigne souhaitait également travailler avec d’autres plateformes pour que ses produits puissent être recommandés par leurs assistants.
Fin avril, les deux principaux acteurs des paiements dans le monde, Visa et Mastercard, ont chacun dévoilé une nouvelle architecture technique qui ouvre la voie à l’achat direct par un agent numérique via leur réseau.
“Les distributeurs vont maintenant devoir réfléchir à la manière d’optimiser” leur positionnement au filtre d’un assistant IA, anticipe Elise Watson, du cabinet Clarkston Consulting, et de comprendre “quelles informations vont rendre un produit plus désirable pour chaque agent” numérique. “Ces agents n’ont pas à dévoiler quels types d’informations ils priorisent, donc les commerçants seront obligés de tâtonner et tester l’algorithme”, poursuit l’analyste.
Angelo Zino ne s’attend pas à un bouleversement de la hiérarchie du commerce électronique. Ce nouveau paradigme va selon lui profiter à Google, mais aussi à Meta, dont il anticipe l’arrivée dans l’univers des assistants shopping. “Ils ont probablement accumulé plus d’informations sur les consommateurs que tout autre”, souligne l’analyste. “C’est pour cela qu’ils sont considérés depuis longtemps comme des gagnants potentiels de ce pivot vers l’IA.” L’avantage procuré par la connaissance du client pose de nouveau la question de l’utilisation des données personnelles.
Google va affiner le profil du consommateur avec ses recherches passées mais assure que l’internaute devra autoriser expressément l’utilisation d’informations supplémentaires comme les courriels ou d’autres applications.
Pour Elise Watson, cette dimension devrait échauder une part minoritaire des clients, au moins pour quelques années.
De façon plus générale, si la technologie est maintenant au niveau, “le cadre légal, opérationnel et éthique n’est pas encore stabilisé”, relève Chris Jones, du cabinet PSE Consulting. “Pouvons-nous faire confiance à des machines pour acheter à notre place?”, interroge-t-il. “De cette question va dépendre la prochaine phase de l’e-commerce.”