Alors que les IA génératives comme ChatGPT s’imposent dans les usages de recherche et concurrencent les listes de sites web fournies par Google, un nouveau défi émerge pour les marques : rester visibles dans un monde quasi sans clics ni liens. Soyez les premiers à tout savoir du GEO…
Google et les moteurs de recherche ringardisés, voire tués, par l’intelligence artificielle ? Depuis des mois, une idée revient avec insistance : les moteurs de recherche traditionnels, à commencer par Google qui détient toujours une part gigantesque de ce marché lucratif, seraient menacés par l’essor des IA génératives. Car de plus en plus d’internautes formulent désormais leurs questions directement dans des interfaces comme ChatGPT, Claude ou Gemini, à la recherche de réponses directes, synthétiques et contextualisées.
Lire aussi| 7 règles d’or pour préparer sa marque au GEO
Par exemple, un consommateur néophyte à la recherche d’un drone pourrait trouver plus facile de questionner une IA pour savoir lequel lui convient le mieux plutôt que d’aller surfer sur 36 liens bleus de Google. “Je n’y connais rien et je cherche un drone qui coûte entre 500 et 1.000 euros pour prendre de bonnes photos et qui est facile à piloter”. Et ChatGPT de sortir une sélection de drones qui peuvent convenir, doublée d’arguments. Cette bascule s’observe dans les comportements, les outils utilisés et les réflexes quotidiens des internautes.
“Google a vu arriver un concurrent de taille, observe Germain Deflandre, fondateur et CEO de MentionBox (anciennement Elocos), agence spécialisée en SEO. L’expérience est d’ailleurs bien plus agréable quand on pose une question à ChatGPT et qu’on a une réponse directe.” Une facilité qui pourrait bien pousser les internautes à en prendre l’habitude. “Le consommateur est paresseux, analyse Hubert de Cartier, CEO de l’agence de marketing digital Universem. Pourquoi un produit chasse-t-il l’autre, en général ? C’est la facilité de l’adoption par les utilisateurs. Une forme de paresse et de simplicité. La paresse est un bon driver pour le succès de ChatGPT.”
“Le succès de ChatGPT, c’est la facilité de l’adoption par les utilisateurs. Une forme de paresse et de simplicité. La paresse est un bon ‘driver’ pour le succès de ChatGPT.” – Hubert de Cartier, CEO d’Universem
Des modèles qui coexistent… pour l’instant
Pour autant, l’idée d’une disparition des recherches sur Google ne résisterait pas, à l’heure actuelle, à l’analyse. “Google s’est déjà adapté, précise Germain Deflandre, notamment avec AI Overview, la réponse IA dans les résultats de recherche Google, au-dessus de la liste de liens bleus cliquables.” Aujourd’hui, d’ailleurs, comme le souligne une étude de l’agence française Uplix, “la recherche traditionnelle reste encore dominante dans la plupart des cas d’usage”, notamment lorsqu’il s’agit d’explorer une diversité de sources, d’obtenir des résultats en temps réel ou de comparer plusieurs informations.
Lire aussi| Vers la fin de la suprématie de Google ?
Pour Hubert de Cartier, les liens ne devraient pas totalement disparaître. “Recherches dans l’IA et recherches via liens vont coexister. Les consommateurs ont des habitudes et utiliseront sans doute l’une ou l’autre selon la requête. Dans certains cas, comme une recherche de resto, on a envie d’avoir plus que trois ou quatre propositions et on veut se laisser le plaisir de découvrir par soi-même. Et dans certains autres cas, beaucoup d’internautes voudront avoir plus que la seule version des faits d’une IA.”
Il n’empêche, le succès des “liens bleus” devrait sérieusement s’éroder. Et Google sent le vent tourner : le moteur s’est déjà adapté. Germain Deflandre précise que “les gens ne fuient pas Google : le nombre de recherches continue d’ailleurs d’augmenter, de l’ordre de 4% d’une année à l’autre. Par contre, la croissance du nombre de recherches sur ChatGPT a, sans surprise, augmenté de 216%. C’est juste que l’on cherche beaucoup plus.”
“Les gens ne fuient pas Google : le nombre de recherches continue d’augmenter. Par contre, les recherches sur ChatGPT sont beaucoup plus nombreuses.” – Germain Deflandre, CEO de MentionBox
Une nouvelle logique de visibilité
À ce stade, les recherches dans Google ne sont donc pas totalement mortes, mais l’évolution poussera très clairement les internautes à se fier plus aux réponses d’IA, via les AI Overviews, qu’à cliquer massivement sur les liens. Pour les recherches explicatives, comparatives ou liées à l’achat, les IA génératives gagnent déjà du terrain, notamment via des initiatives comme GPT Shopping d’OpenAI. Il faut dire qu’il est souvent plus intuitif de poser une question complète dans ChatGPT que de chercher les bons mots-clés à formuler sur Google.
Il n’y a pas que les patrons de Google qui doivent se préoccuper de l’avenir du géant de la recherche en ligne. Tout responsable d’entreprise et de marque doit se sentir concerné par cette évolution. En effet, le sujet transforme la nature même de la visibilité en ligne. Face à un moteur de réponses (ChatGPT, Gemini…) qui synthétise l’information dans un bloc de texte, sans liens apparents, sans hiérarchie visible, et souvent sans citer ses sources, les stratégies de présence doivent s’adapter. Apparaître dans les réponses générées par une IA devient une nouvelle priorité. Et un défi inédit pour les entreprises et les marques qui découvrent ce nouveau phénomène.

Un espace restreint, une logique différente
La grande différence entre un moteur de recherche et un moteur de réponse, c’est l’espace. “La logique du moteur de réponse n’a rien à voir avec celle d’un moteur de recherche. Il n’y a pas 10 liens, pas de deuxième page, observe Sabrina Bulteau, qui a lancé PingPrime, dont l’ambition est d’accompagner les entreprises dans l’AI Search Shift. C’est une réponse unique. Si vous n’y êtes pas, vous êtes invisible.”
Heureusement, depuis deux ans, les spécialistes analysent en détail les systèmes d’IA et y voient de plus en plus clair sur la manière dont ces intelligences artificielles fonctionnent. Ils savent aujourd’hui comment veiller à apparaître dans les réponses d’IA génératives.
Et les règles du jeu ne sont plus tout à fait celles du SEO traditionnel, c’est-à-dire la méthode qui consiste à améliorer les sites web pour mieux apparaître gratuitement dans les résultats cliquables de Google. Les modèles génératifs fonctionnent, en effet, selon des logiques sémantiques et statistiques, produisant une réponse en fonction de leur compréhension du langage naturel et des données qu’ils ont intégrées.
L’IA favorise la probabilité plutôt que la découverte. Elle privilégie les réponses considérées comme crédibles, consensuelles, mainstream. Dans l’univers des moteurs de réponse, la notoriété redevient donc centrale, estiment les différents spécialistes. “L’IA va chercher à donner la réponse la plus crédible, la plus consensuelle, la plus rassurante. Il faut être une référence”, insiste Olivier De Decker, cofondateur de PingPrime.
Être identifié comme source fiable
Les intelligences artificielles génératives ont tendance à privilégier les marques reconnues ou sources déjà bien établies. Ce nouveau paradigme pénalise mécaniquement les structures plus petites ou moins connues, même si leurs offres sont compétitives. “Si vous n’êtes pas identifié comme source fiable, vous êtes tout simplement ignoré”, résume Olivier De Decker. Le GEO impose donc aux marques de travailler leur légitimité globale, au-delà de leur propre site web : être cité sur des médias reconnus, dans des comparateurs, des forums spécialisés, ou des études sectorielles devient déterminant.
“L’IA va chercher à donner la réponse la plus crédible, la plus consensuelle, la plus rassurante. Et pour cela, il faut être une référence.” – Olivier De Decker, cofondateur de PingPrime
Pour Sabrina Bulteau, il s’agit d’un changement de posture stratégique : “Le SEO permettait de remonter dans une liste. Le GEO, lui, permet d’être cité dans une réponse. Ce n’est pas la même bataille.” Autrement dit, la visibilité se joue désormais dans la narration, même de la réponse IA, et plus seulement dans un classement technique. Cela suppose d’inspirer confiance à l’algorithme, en apparaissant de manière cohérente, factuelle et répétée dans les contenus indexés ou ingérés par les IA.
Eldorado 2.0
La révolution des moteurs de réponse dopés à l’intelligence artificielle ne transforme pas que les usages des internautes. Elle attise aussi les convoitises de nombreux entrepreneurs du marketing digital. Les signaux ne trompent pas : quelques “anciens” du SEO et du digital marketing refont simultanément surface. Gilles Bindels, ancien cofondateur (avec Yves Baudechon) de Social Lab, agence pionnière du SEO en Belgique revendue à Ogilvy, refait surface : il vient de s’associer à plusieurs jeunes entrepreneurs du digital, dont Germain Deflandre (MentionBox), pour lancer MentionLab, une structure spécialisée dans le GEO qui commercialise un outil de diagnostic et propose également des services sur ce créneau.Autre retour du genre : celui du duo Sabrina Bulteau et Olivier De Decker, anciens fondateurs de BeConnect (revendue à Intracto en 2019). Ils viennent de lancer PingPrime. Leur projet ne se veut pas une agence au sens classique du terme. Sabrina Bulteau et Olivier De Decker l’ont pensé comme une structure légère, agile, sans équipe interne pléthorique. Ils s’entourent d’experts externes selon les besoins, et se positionnent comme conseils en stratégie GEO et IA, pas comme une agence d’exécution technique.
Et puis, à côté de ces nouveaux entrants, toutes les agences adaptent forcément leur offre, au vu de la demande croissante des entreprises. C’est le cas d’Universem, un des pionniers belges qui voit le sujet exploser. “La landing page ‘Agence GEO’ est celle qui génère aujourd’hui le plus de leads”, confie Hubert de Cartier, son CEO. Il tempère toutefois le côté “eldorado” pour le moment. “Le GEO génère énormément de curiosité et de questions, admet-il. Mais attire encore peu de budgets concrets. Aujourd’hui, les marques posent beaucoup de questions, testent parfois, mais peu passent massivement à l’action. Ce n’est pas encore un marché rentable comme le SEO.”
Reste qu’en quelques mois, le GEO est devenu bien plus qu’un mot-clé tendance : c’est le nouveau terrain de jeu du marketing digital. “On se retrouve comme à l’époque de la naissance du SEO”, reconnaît Gilles Bindels. Un marché qui a vu naître pas mal de boites à succès et est devenu une économie à part entière.
Une présence à bâtir autrement
Face à cette évolution, les marques doivent partiellement repenser leur présence digitale. Il ne suffit plus de soigner son site web, ce qu’il faut néanmoins continuer à faire. Il faut désormais aussi être mentionné par d’autres, apparaître dans des contenus crédibles, des comparateurs, des forums, ou des bases de données accessibles aux modèles. Plus une information est présente et recoupée, plus elle a de chances d’être intégrée dans les réponses IA. Dans ce nouveau paradigme, les anciens réflexes ne suffisent plus. Il ne s’agit plus uniquement de générer du trafic, mais de gagner la confiance de l’IA elle-même. “Trois types de sources se révèlent très importantes, précise Germain Deflandre. Le site web des marques, mais aussi Wikipedia et les médias de confiance qui représentent la grande majorité des sources…”
Un nouveau terrain de jeu : le GEO
C’est dans ce contexte qu’une nouvelle discipline très à la mode dans le marketing digital est née : le GEO (Generative Engine Optimization). Celui-ci n’est pas amené à directement remplacer les techniques de SEO, avec lesquelles il partage d’ailleurs beaucoup de points communs, mais à les compléter. Il s’appuie d’ailleurs en partie dessus. Surtout quand on sait que, lorsque ChatGPT va interroger le Web, il s’appuie ni plus ni moins que sur… des recherches Google !
Le sujet du GEO suscite un intérêt croissant, tant chez les marques que dans l’écosystème du marketing digital, où agences et consultants y voient potentiellement un nouvel eldorado. La demande commence à se faire nettement sentir du côté des entreprises. On voit s’organiser un secteur naissant qui se structure petit à petit.

Aujourd’hui, apparaissent les premières agences et autres conseils en GEO, ainsi que les premiers outils de diagnostic. Car, le plus souvent, les marques ignorent si elles sont citées ou non par l’IA. Ni même si elles correspondent aux requêtes des utilisateurs. ChatGPT et les IA restent, pour l’instant, des boîtes noires. “On est encore loin d’un outil de reporting intégré par OpenAI”, regrette Hubert de Cartier, d’Universem. Impossible donc de connaître précisément le type de recherches effectuées dans les outils d’IA. À l’exception, toutefois, d’une fuite de plusieurs dizaines de milliers de requêtes qui a eu lieu récemment : 16.000 discussions avec ChatGPT pouvaient être retrouvées jusqu’il y a peu via Google. Parfois avec des infos sensibles, des informations sur des personnes, etc.
Nouveau réflexe stratégique
En attendant plus de transparence, plusieurs agences développent des solutions de contournement pour simuler l’expérience utilisateur et auditer la visibilité des marques. En Belgique, certains outils comme MentionLab, Semactic ou Rankshift.ai proposent déjà des diagnostics basés sur des appels API à ChatGPT (requêtes envoyées à une interface de programmation, ou API pour Application Programming Interface, pour qu’un service externe, en l’occurrence ChatGPT, effectue une tâche et renvoie un résultat).
Universem a développé sa propre solution en interne. “On part des requêtes types suggérées par Google, c’est-à-dire ce que les gens demandent vraiment, comme dans les modules People also asked (une fonctionnalité du moteur de recherche, ndlr)”, explique Hubert de Cartier. Sur cette base, un jeu de prompts personnalisés est défini avec le client. Celui, simulant les questions qu’un utilisateur poserait à une IA générative. Ces prompts sont alors injectés dans ChatGPT et les réponses sont ensuite analysées : la marque y est-elle mentionnée ? Dans quel contexte ? Avec quelle récurrence ? Cela permet de dresser une première cartographie de présence ou d’absence dans les moteurs de réponse. Avant d’attaquer une stratégie de GEO.
“Celui-ci n’est pas juste un prolongement du SEO, c’est un nouveau réflexe stratégique pour les marques. Il faut anticiper les réponses IA, comprendre comment elles sont construites, et tester sa visibilité de manière proactive”, insiste Olivier De Decker. Et cela devrait commencer à se faire dès à présent pour ne pas laisser les autres prendre de l’avance…
De la publicité dans les réponses IA ?
Jusqu’ici, la visibilité dans les IA génératives reposait uniquement sur une présence, dite naturelle, via le GEO, à l’image du SEO dans les moteurs de recherche classiques. Mais la publicité arrive aussi dans cet univers.OpenAI a ouvert la voie avec Shopping GPT : une fonctionnalité qui permet aux utilisateurs de poser une question d’achat en langage naturel et de recevoir une réponse contextualisée, accompagnée de produits et de liens marchands, que les marques peuvent suggérer à l’IA. Pour l’instant, ces résultats ne sont pas sponsorisés, mais il y a fort à parier que cette gratuité ne soit que temporaire…
Du côté de Google, les choses vont déjà plus loin avec AI Max for Search, une nouvelle option d’optimisation (par IA) des campagnes publicitaires déjà active dans plusieurs pays. La fonctionnalité repose sur une logique d’intention de recherche basée sur la correspondance avec le contenu des pages, plutôt que de mots-clés. Traditionnellement, les campagnes Google Ads reposaient sur le ciblage des mots-clés ou de requêtes précises, on écrivait une annonce, on payait au clic. Avec AI Max, Google utilise l’IA pour détecter l’intention derrière une recherche, même sans mot-clé explicite. L’IA détecte ce que cherche vraiment l’utilisateur et génère une annonce personnalisée pour l’intégrer directement dans le contenu de la publicité générée par IA, comme s’il s’agissait d’une réponse naturelle. Tout en précisant quand même qu’il s’agit d’une pub.
C’est un changement de paradigme pour les marques. La frontière entre contenu informatif et message publicitaire s’efface. Et demain, leur présence dans les réponses IA ne dépendra plus seulement d’une bonne stratégie de contenu… mais aussi de budgets publicitaires intégrés dans les moteurs de réponse.
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.