Le cloud 3.0, véritable moteur d’innovation

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Si la crise sanitaire a de nouveau démontré les vertus du cloud, notamment la flexibilité des ressources et l’élasticité de leur mise à l’échelle, les entreprises doivent désormais exploiter le plein potentiel de ces services informatiques sur internet: l’innovation.

Le cloud, ce n’est que l’ordinateur d’un autre. Cette raillerie s’est rapidement invitée dans les commentaires sur l’incendie qui a ravagé un centre de données d’OVH en Alsace il y a deux semaines. L’incident, majeur pour le leader européen du cloud, laisse encore planer le doute sur certaines sauvegardes de clients, et ce jusqu’en Belgique. “C’est anecdotique. Combien d’utilisateurs ont véritablement été impactés par cette indisponibilité accidentelle, tranche Patrick Callewaert, cloud transformation leader pour Deloitte Belgium. L’objectif justement du cloud est d’offrir l’accès à un réseau de data centers qui permet de garantir un niveau de services très difficile à offrir au sein d’une seule entreprise.”

Trop peu de conseils d’administration et de comités de direction ont une bonne connaissance du potentiel que le cloud représente.

Patrick Callewaert (Deloitte)

La pandémie de Covid-19 l’a assez singulièrement démontré: en assignant les consommateurs et les travailleurs à domicile, la crise sanitaire a subitement exacerbé l’utilisation de solutions en ligne et dopé la croissance du cloud alors que la planète essuyait la plus forte récession de l’histoire moderne. Mais il y a cloud et cloud. “Tous ne sont pas identiques et aucun type ne convient à tout le monde. Plusieurs modèles et services différents ont évolué pour aider à trouver la solution adaptée”, indique-t-on chez Azure, la division cloud computing de Microsoft. D’ailleurs, trop peu de dirigeants d’entreprises le savent mais il y existe une gradation dans la maturité du cloud, du 1.0 lié à l’infrastructure au 3.0, véritable moteur d’innovation.

Montée en puissance

Il y a une vingtaine d’années, des acteurs industriels ont constaté qu’ils disposaient de grandes capacités IT mais ne les utilisaient vraiment qu’à un moment donné. Ils ont donc trouvé un moyen de les partager intelligemment. “C’était le cloud 1.0, un débat de flexibilité, de mutualisation d’infrastructures et de diminution de coûts dont Amazon constitue un bon exemple, remémore Patrick Callewaert. Mais ça ne concernait, à l’époque, qu’une toute petite partie du marché.”

Avec l’émergence de l’analyse de données et du big data, face aux quantités volumineuses de données produites, ce besoin de flexibilité s’est alors fait ressentir il y a une quinzaine d’années au niveau des bases de données. “Des entreprises étaient en train de mettre en place des applicatifs comme SAP, Salesforce ou Oracle qui formalisaient leurs processus et donc généraient toujours plus des données. Les entreprises ont compris qu’elles devaient exploiter ces données mais ne savaient pas vraiment les appliquer à leur échelle”, explique le responsable de Deloitte, ces tendances marquant selon lui l’étape du cloud 2.0.

Passons au cloud 3.0. Ces cinq dernières années, ses fournisseurs se sont transformés en véritables mastodontes. Amazon Web Services, la division cloud du géant de l’e-commerce, a dégagé en 2020 quelque 13 milliards de dollars de bénéfice. Sur la même période, Google Cloud n’a engrangé “que” 2,8 milliards. Et pour Microsoft, le numéro deux mondial du cloud public, les activités d’Azure ont participé à hauteur de 50% à la hausse de ses revenus. “Ces acteurs ont décidé de monter dans la chaîne de valeur et de créer ce que j’appelle des mini-applications, à disposition de leurs utilisateurs, pas par centaines mais par milliers, fait remarquer Patrick Callewaert. Il s’agit d’une innovation progressive avec des mini-applications d’abord liées aux infrastructures, puis aux données, puis à d’autres couches de l’entreprise: la supply chain, le CRM, la finance, comme autant de petites pièces de Lego qui permettent de construire la solution, le business model pertinent.”

Chez nous

Des cas pratiques de cloud 3.0 existent déjà en Belgique. Comme la plateforme digitale Mytax qui permet aux contribuables bruxellois d’interagir directement en ligne avec l’administration fiscale. La mise en place de l’écosystème cloud étant en cours, il est trop tôt pour en mesurer précisément les bénéfices. “Mais le cloud 3.0 est un atout majeur, cela affranchit de ces contraintes liées aux infrastructures et services IT de base toujours croissants, explique Dirk De Smedt, directeur général de Bruxelles Fiscalité. Nous pouvons nous centrer sur nos applications métier. Le métier de nos informaticiens et techniciens change. De plus en plus, ceux-ci gèrent les contrats et les services.”

Le CEO sur le siège du conducteur

Il serait dès lors temps pour les entreprises de s’approprier les outils du cloud 3.0 afin d’accéder à une toute autre dimension d’innovation. “C’est plus qu’un débat technologique. Il y a un besoin de suivre une roadmap pour monter en maturité. Pas seulement au niveau du département IT mais au travers de toute l’entreprise. Avec le 3.0, on est capable d’accélérer la mutation complète, d’imaginer quelque chose, lancer des prototypes, tester sur le marché, voir si ça fonctionne, scaler ou stopper. C’est innover plus vite pour participer à l’économie de services”, assure le responsable de Deloitte Belgium.

Et pour mener à bien cette transformation, la trajectoire se doit d’être portée par le patron, qui fédérera son personnel autour d’une vision stratégique. “Il en va de la responsabilité du CEO, effectivement, développe Patrick Callewaert. Si on n’a pas le CEO au volant, tout va devenir très compliqué. Il doit s’assurer que tout le monde comprend où on veut aller avec le cloud et que la roadmap est soutenue par les différents niveaux de l’entreprise. Puis, chose très importante, il doit poser les questions fondamentales: que voyons-nous aujourd’hui qui va nous permettre, soit de nous rendre plus efficaces, soit de nous réinventer.”

A l’heure où seule une entreprise belge sur sept s’est tournée vers le cloud, ce grand chantier du cloud 3.0 n’est encore qu’à ses balbutiements. Mais selon la firme conseil Deloitte, cela va devenir une référence dans les années à venir. Attention, le futur ne sera pas un “tout au cloud” mais reposera sur un modèle hybride. Il faudra que les entreprises soient certainement sur le cloud, mais chez différents fournisseurs afin de profiter d’une palette d’innovations. Quant aux obstacles, le plus grand frein sera d’abord lié à la capacité d’oser innover et d’amener le débat du cloud au bon niveau.

“Aujourd’hui, trop peu de conseils d’administration et de comités de direction ont une bonne connaissance du potentiel que le cloud représente. Trop peu réunissent autour de la table des gens qui ont un passé dans la transformation technologique et peuvent aider à ouvrir les yeux”, constate Patrick Callewaert. Mais s’il fallait un ultime argument pour convaincre les patrons d’entreprises, pensez que “financièrement, le vrai ROI, le payback, se concrétise dans le cloud 3.0″, assure Patrick Callewaert.

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