L’art numérique comme moyen de placement
Depuis le covid, l’afflux à Dubaï d’une nouvelle population fortunée change petit à petit le profil de la cité émiratie. Après s’être construite sur les pétrodollars, la cité-Etat mise tout sur la culture mais aussi les NFT pour devenir un éden artistique et un hub crypto émergent.
De Dubaï, on connaît surtout les gratte-ciels futuristes. Erigée sur le sable, en bordure d’un bras de mer, elle a misé tout son devenir sur la finance internationale, le luxe et les landmarks architecturaux. Déjà riche de près de 3,5 millions d’habitants, la cité des Emirats arabes unis connue pour sa frivolité et ses divertissements n’a jamais arrêté de construire son avenir et s’étend à coups de pelleteuses et de rêves démesurés. Pour attirer encore et encore de nouveaux habitants.
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La ville n’assied plus seulement son ambition de pôle touristique (première destination touristique mondiale avec 14 millions de visiteurs en 2022, d’après les chiffres de Trip Advisor) mais mise également sur la culture. Dans les Emirats, les rôles ont été partagés: à Abou Dhabi les musées (Guggenheim, Louvre, etc.), à Sharjah la biennale d’art contemporain, et à Dubaï les galeries, les foires. Bref, le marché.
Plus qu’aucune autre ville du golfe Persique, Dubaï connaît une effervescence artistique. Ces dernières semaines, elle vibrait encore avec le Sikka Art and Design Festival, l’un des temps forts de la saison. Grâce à sa multitude d’événements et de lieux dédiés à l’art contemporain, les talents créatifs abondent. Le marché de l’art est florissant.
Pour preuve: des galeries très influentes se sont installées récemment dans la cité. Le galeriste français Emmanuel Perrotin, en association avec Dylan Lessel et Tom-David Bastok, a ouvert en novembre 2022 une nouvelle antenne dans le quartier d’affaires de la ville. “Dubaï, c’est la ville la plus cosmopolite des Emirats. Il y a ici une tolérance et une ouverture d’esprit qui poussent les collectionneurs à découvrir de nouvelles formes d’expression”, confie-t-il.
Impressions numériques
Le gouvernement de Dubaï a bien pris conscience de l’importance de l’art pour l’économie de la ville, encourageant la création d’infrastructures pour les artistes et amateurs d’art. Art Dubai a connu sa première édition en 2007 et est devenue la principale foire d’art contemporain au Moyen-Orient.
Accueillie à Madinat Jumeirah, une luxueuse oasis inspirée d’une citadelle arabe, cette édition 2023, qui se déroulait début mars, a été la plus importante jamais organisée, avec plus de 130 exposants de 44 pays et, depuis l’année passée, une nouvelle section consacrée à l’art numérique de pointe.
Entre des œuvres immersives exposées en réalité augmentée, des impressions numériques mêlant peintures évolutives, photographies organiques et NFT, ou encore des sculptures physiques capables de changer de forme grâce à des algorithmes, les visiteurs peuvent explorer des galeries en métavers et découvrir des œuvres inédites générées par une intelligence artificielle (IA).
Parmi ces œuvres, celle de Vesa, un artiste finlandais vivant à Dubaï qui figure parmi les mieux côtés de la foire. Son tableau mêlant peinture et photographies est proposé à 50 ethereums, soit l’équivalent d’environ 120.000 euros au cours actuel.
“La technologie ne change pas l’essence de l’art, c’est juste un nouvel outil.”
“C’est la deuxième fois que l’on peut acheter des œuvres en crypto-monnaie à Art Dubai”, explique Clara Che Wei Peh, fondatrice de NFT Asia et commissaire d’Art Dubai Digital. Si en Europe, cette forme d’art n’en est qu’à ses balbutiements, ici elle a déjà trouvé son public et conquis de nouveaux collectionneurs. “A l’heure où le monde découvre ChatGPT et où les générateurs d’image comme Dall-e questionnent le rapport de l’art à l’authenticité, de nombreux artistes utilisent l’IA comme outil de création. Ils s’en servent comme d’un pinceau pour créer exactement ce qu’ils veulent”, confie-t-elle. Et d’insister: “La technologie ne change pas l’essence de l’art, c’est juste un nouvel outil qu’il faut apprendre à maîtriser. C’est très enthousiasmant”.
Première artiste NFT des Emirats
Notons en outre qu’après avoir signé fin 2021 un accord avec Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde, les autorités émiraties ont annoncé l’adoption d’une loi sur les actifs virtuels et la création d’une autorité de régulation des crypto-actifs.
Cette étape vise à assurer “la transparence et la sécurité pour les investisseurs”, a commenté le souverain de Dubaï, Mohammed ben Rachid Al Maktoum. Les galeries de NFT, elles, y voient un signal positif pour les affaires, les détenteurs de cryptomonnaies s’intéressant de plus en plus à l’art numérique comme moyen de placement.
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“La communauté crypto à Dubaï croît de manière exponentielle”, explique Amrita Sethi, artiste pionnière. Après une carrière dans la finance pour des groupes comme Barclays, HSBC et d’autres banques privées en Suisse, elle s’est installée à Dubaï pour devenir la première artiste NFT des Emirats.
“J’ai créé un type d’art très personnel: des représentations de notes vocales. En prononçant un mot, par exemple, je peux obtenir un design unique, à l’image de ma voix. C’est une idée assez simple mais quand je l’ai réalisée, c’était vraiment quelque chose de nouveau. J’ai décidé de protéger ça grâce aux NFT. L’art NFT se lie avec les nouvelles technologies mais ça reste de l’art. La seule limite, c’est l’imagination!”
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