La vie privée des Belges, menacée par un projet de loi anti-cryptage?
Une septantaine d’experts en cybersécurité et d’organisations internationales actives dans la défense des droits fondamentaux et d’un internet libre, ouvert et sûr tirent la sonnette d’alarme au sujet d’une nouvelle loi belge actuellement en préparation sur la conservation des données dans le secteur des communications électroniques, rapportent Le Soir et L’Echo mardi.
Le projet deloi exige des applications de messagerie cryptée comme WhatsApp de permettre de déchiffrer ce qui est échangé par certains utilisateurs, sur demande des forces de l’ordre, et avec l’accord d’un juge d’instruction. Autrement dit, les fournisseurs de services seront obligés de “désactiver” le cryptage pour certains utilisateurs.
Dans une lettre ouverte adressée aux ministres fédéraux Vincent Van Quickenborne (Open VLD, Justice), Ludivine Dedonder (PS, Défense) et Petra De Sutter (Groen, Télécommunications), ces experts et ONG estiment que le projet de loi porte atteinte à la sécurité et la protection de la vie privée offerte par le chiffrement de bout à bout et serait même “l’une des plus dangereuses d’Europe”.
Frédéric Taes, président du chapitre belge de l’Internet Society, estime dans Le Soir que “si on introduit une faille technique dans le cryptage pour permettre aux forces de l’ordre d’intercepter des communications, d’autres personnes moins bien intentionnées pourront aussi trouver et exploiter cette vulnérabilité à des fins criminelles (vol d’informations privées, ransomware, phishing¿). Frédéric Taes craint aussi qu’en s’engageant dans cette voie, la Belgique ne crée un précédent en Europe et que d’autres pays ne s’engouffrent dans la même direction qu’elle.
Le professeur Bart Preneel, de la KUL, expert en cybersécurité, déclare aussi dans L’Echo qu’il est “essentiel d’avoir la possibilité d’avoir des conversations chiffrées, protégées. Les citoyens ont droit à la vie privée. Cette loi est une menace pour la vie privée des Belges“.
“Il faut bien comprendre que si cette loi passe, les criminels trouveront d’autres plateformes et d’autres moyens de communication. Si le chiffrement devient interdit, on va aussi rendre les réseaux 3G et 4G beaucoup moins sûrs, puisqu’ils ne pourront plus être cryptés. On met tout le monde en danger avec cette loi. Toutes les conversations sont susceptibles d’être écoutées. Pour moi, le gouvernement veut affaiblir la sécurité de nos communications”, pointe le professeur.