Le président du conseil d’administration de l’éditeur flamand Mediahuis porte avec le fonds d’investissement Pluralis un combat démocratique en Europe centrale et de l’Est en y soutenant le pluralisme de la presse. Il le confie: ce n’est pas une lutte facile. Mais elle est vitale à l’heure où les Etats-Unis se retirent.
Thomas Leysen est président du conseil d’administration de Mediahuis, le groupe qui édite notamment les quotidiens De Standaard en Flandre et NRC Handelsblad aux Pays-Bas. En 2021, il a participé à la création de Pluralis, un fonds d’investissement qui soutient le pluralisme de la presse dans des pays où la pression des oligarques pro-russes est importante: Pologne, Hongrie, Slovaquie…
C’est la dérive du régime de Viktor Orban en Hongrie qui a provoqué le déclic. A l’occasion de plusieurs voyages là-bas, Thomas Leysen assiste aux dérapages. “Celui critique est un ennemi du régime et il faut lui rendre la vie la plus difficile possible, dit-il dans un entretien à NRC Handelsblad. Ce n’est pas comme cela que j’imagine l’Europe.” D’où cette initiative visant à répondre aux oligarques déversant de l’argent pour créer des médias au service de régimes autocratiques et malmener la démocratie.
Un quotidien polonais sauvé
L’objectif consiste à soutenir des médias qui le demandent, fonctionnant selon un modèle économique libre, pour garantir le pluralisme de la presse.
“Le premier projet était en Pologne”, raconte Thomas Leysen. Le pays est alors dirigé par un gouvernement ultraconservateur, porté par le PiS. Les médias de service public étaient devenus un “porte-drapeau” du gouvernement et des journaix régionaux avaient été repris en mains, licenciements des rédacteurs en chef à la clé. “Le compagnie pétrolière d’Etat était sur le point de reprendre le journal le plus prestigieux, Rzeczpospolita, complète-t-il. Nous avons pu intervenir au dernier moment.”
Equivalent du Financial Times, conservateur mais critique, ce quotidien a survécu et bénéficie notamment de l’expertise de Mediahuis. “Nous resterons certainement actionnaires cinq ou dix ans, jusqu’à ce que la mission de Pluralis soit terminée”, précise Thomas Leysen.
Difficile en Hongrie et Slovaquie
Dans deux autres pays, l’intervention fut plus délicate. “En Hongrie, nous n’avons pas réussi”, prolonge Thomas Leysen. Les médias les plus importants se trouvent entre les mains d’entrepreneurs proches du clan Orban. Une législation vient, en outre d’être adoptée pour considérer que les plateformes journalistiques soutenues parc des actionnaires étrangers sont considérés comme des “agents de l’étranger”, comme c’est le cas en Russie.
En Slovaquie, où un régime aux tendances autocratiques a également pris le pouvoir, Pluralis un groupe, Petit Press, fortement mis sous pression. “Les journalistes y sont également considérés comme des agents de l’étranger ou des ‘porcs de Soros”, regrette-t-il.” Le milliardaire américain d’origine hongroise fait lui aussi partie des soutiens de Pluralis et est régulièrement pris pour cible par les mouvements nationalistes.
“Rien n’est irréversible” soutient Thomas Leysen face à cette contagion des atteintes au pluralisme de la presse, nourrir par l’argent et la propagande russe”. Cette initiative, en outre, remplit un manque après le retrait des Etats-Unis de Trump qui ont abandonné leur soutien à des médias libres dans ces pays.
La lutte, clairement, ne fait que commencer.