Le robinet des investissements publicitaires se ferme peu à peu pour ‘‘la télé de papa’’. Délaissée par les jeunes générations et par certains annonceurs en quête de ciblage, elle voit les budgets filer vers le streaming et la télévision connectée. Un glissement qui rebat les cartes du paysage publicitaire.
Le constat est sans appel et douloureux pour la télé à l’ancienne: selon le World Advertising Research Center (WARC), un organisme britannique spécialisé dans l’analyse publicitaire, les dépenses mondiales en télévision linéaire tomberont à moins de 144 milliards de dollars cette année, ce qui représente seulement 12,4 % du gâteau publicitaire global. La chute est vertigineuse puisque, en 2013, ces mêmes investissements dans la télé classique englobaient 41,3 % des investissements totaux. Soit trois fois plus (3,3 pour être précis).
‘‘Le rôle de la TV linéaire diminue progressivement, tant en termes d’audience que de dépenses publicitaires, alors que les spectateurs migrent vers l’écosystème en expansion de la télévision connectée’’, résume Alex Brownsell, head of content chez WARC Media.
Le petit écran se réinvente
Derrière ce recul massif de la télévision linéaire se cache une nouvelle réalité : le ‘‘petit écran’’, loin de disparaître, change simplement de visage et se consomme différemment, de plus en plus en différé et, surtout, à la demande. Aux États-Unis, la télévision connectée représente déjà près de la moitié de la consommation télé. Et les budgets publicitaires suivent la tendance : près de 40 milliards devraient être investis dans la ‘‘nouvelle télévision’’ cette année et près de 45 milliards sont prévus en 2026. La raison ? Les annonceurs plébiscitent une approche plus ciblée, plus mesurable et plus proche des standards digitaux.
Nouveau roi du salon, YouTube s’est imposé comme un acteur incontournable, générant en 2024 pas moins de 36 milliards de dollars de revenus publicitaires, soit davantage que les quatre principales chaînes américaines réunies. Loin de se contenter de vidéos courtes, la plateforme lorgne désormais les droits sportifs de certaines compétitions et, de plus en plus, la production de programmes de flux.
‘‘Les annonceurs doivent repenser ce que signifie le mot télé, qu’il s’agisse d’un format publicitaire spécifique, d’un media owner ou simplement du plus grand écran de la maison’’ », ajoute Alex Brownsell de WARC Media. Autrement dit : ce n’est pas la télévision qui meurt, c’est sa définition qui explose.
Fragmentation et opportunités
Alors, faut-il carrément enterrer ‘‘la télé de papa’’? Pas si vite. Elle reste, pour l’heure, le principal canal en volume d’investissements, notamment auprès des marques installées. Mais son règne sans partage appartient bel et bien au passé. Désormais, le spectateur choisit son programme, sa plateforme… et parfois même sa publicité.
Mais là où certains déplorent un lent déclin, d’autres y voient une opportunité. Le passage au programmatique ouvre en effet la porte à de nouveaux entrants, notamment les PME jusqu’ici découragées par les tickets d’entrée élevés de la télévision classique. En Grande-Bretagne, la création d’une marketplace commune par les chaînes ITV, Channel 4, et Sky illustre d’ailleurs cette volonté de résister aux géants du numérique en offrant un accès simplifié, premium et ‘‘brandsafe’’ aux annonceurs locaux. De quoi garder l’espoir…