Après des années de repli, Intel se réinvente en misant sur une intelligence artificielle intégrée au cœur des ordinateurs, un pari qui signe son retour à l’innovation et ravive la confiance des marchés.
Sous la houlette de Lip-Bu Tan, arrivé à la tête d’Intel en mars 2025, le géant américain amorce un redressement que peu auraient encore jugé possible. Après plusieurs années de déclin, la firme a retrouvé de la marge grâce à une cure d’austérité sévère, des cessions d’actifs et un plan de financement de plus de 20 milliards de dollars, scellé avec Nvidia, SoftBank et le gouvernement américain. En toile de fond, une entreprise allégée, avec 20 % de personnel en moins, recentrée sur son cœur technologique et désormais animée par une ambition de faire de l’intelligence artificielle son nouveau moteur.
En matière d’IA, Intel a clairement fait de l’IA embarquée, ou edge AI, un axe stratégique, privilégiant le traitement local sur PC plutôt que le seul recours aux datacenters. Traditionnellement, l’essentiel des opérations d’intelligence artificielle (apprentissage, analyse, etc.) s’effectue dans les datacenters, car ces tâches requièrent une puissance, une mémoire et un refroidissement considérables. L’IA embarquée désigne, au contraire, la capacité d’un appareil à exécuter certaines fonctions d’IA localement, sans dépendre en permanence d’une connexion au cloud.
Selon Intel, en misant sur l’ordinateur individuel plutôt que sur les infrastructures centralisées, l’IA embarquée offre plusieurs avantages majeurs pour les entreprises comme pour les utilisateurs. Elle réduit la latence en traitant les données directement sur la machine, rendant possibles des usages instantanés comme le filtrage audio ou vidéo, la reconnaissance vocale ou l’amélioration d’image en temps réel. Elle renforce la confidentialité et la souveraineté des données, qui ne transitent plus vers le cloud, limitant ainsi les risques de fuite ou de dépendance à un prestataire externe. Elle améliore également la mobilité, puisqu’un utilisateur peut profiter de ses fonctionnalités même hors connexion — un atout notable pour les ordinateurs portables. Enfin, en réduisant la sollicitation des serveurs distants et les transferts massifs de données, l’IA embarquée contribue à une consommation énergétique plus efficiente, un argument de poids dans un contexte de sobriété numérique.
Panther Lake
Début octobre, Intel a présenté Panther Lake, sa nouvelle architecture conçue comme la première véritable plateforme d’IA embarquée pour PC. Elle introduit une génération de processeurs Core Ultra 3 destinés à un large éventail d’usages : ordinateurs grand public, environnements professionnels, jeux vidéo ou applications edge. Intel met en avant une conception dite XPU, qui intègre trois types d’unités de calcul (CPU, GPU et NPU) capables d’atteindre jusqu’à 180 TOPS (trillions of operations per second). Cette puissance permet d’exécuter localement des tâches exigeantes comme la reconnaissance d’image, la traduction en temps réel ou l’assistance à la création. Au-delà des PC, Panther Lake s’ouvre également à des applications en périphérie de réseau, notamment la robotique, grâce à une suite logicielle dédiée qui permet de développer des robots dotés de capacités de perception et de contrôle IA sans dépendance au cloud. L’objectif, selon Intel, est de répartir l’intelligence sur l’ensemble de l’écosystème informatique, du cloud jusqu’au terminal individuel, afin de rendre les traitements plus rapides, plus sobres et plus respectueux de la confidentialité des données.
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S’il est clair que la remontée d’Intel en Bourse s’appuie d’abord sur des facteurs structurels, elle tient aussi au virage pris vers l’intelligence artificielle embarquée, qui redonne au groupe une image d’acteur innovant et capable de se repositionner sur un segment en pleine expansion. Le partenariat stratégique avec Nvidia a contribué à restaurer la confiance des marchés, tandis que la demande supérieure aux attentes pour les PC intégrant des fonctions d’IA locale a confirmé la pertinence de cette orientation. Ce mouvement ne garantit pas encore une croissance durable, mais il illustre la capacité d’Intel à renouer avec une dynamique d’innovation que beaucoup pensaient perdue.