Après TF1 en 2017, les chaînes publiques France 2, France 3 et France 5 s’attaquent au marché publicitaire belge avec la complicité de RMB, la régie publicitaire de la RTBF. Une onde de choc pour les acteurs privés de notre paysage médiatique qui crient déjà au scandale.
Deux salles, deux ambiances. Aujourd’hui, le monde de la publicité est partagé entre deux annonces qui agitent le secteur en Belgique. La première se veut triomphante et émane des états généraux du CIM et du Conseil de la Publicité réunis: selon une étude du groupe Econopolis, la publicité génèrerait annuellement, en Belgique, un impact total de 16,4 milliards d’euros, soit 2,8 % du PIB.
Selon Geert Noels, chief economist d’Econopolis, l’impact de la publicité est en effet souvent sous-estimé et est donc bien supérieur à l’impact direct évalué, quant à lui, à 4,1 milliards d’euros. Avec l’impact indirect, le secteur apporte en réalité 16,4 milliards de valeur ajoutée pour l’économie belge: ‘‘La publicité fournit les fonds nécessaires pour maintenir notre production locale riche et diverse de contenus et d’informations, explique Geert Noels. Mais l’impact indirect est encore plus grand. La diffusion d’informations par les médias permet d’avoir des consommateurs informés et la publicité stimule la concurrence, ce qui profite à tous. Cela conduit à une économie plus grande, ce qui améliore notre visibilité et notre réputation nationales.’’
L’invasion française
Mais derrière cette annonce triomphante ‘‘qui stimule la concurrence’’ (sic) se cache une autre réalité du marché. Ce mercredi, RMB, la régie publicitaire de la RTBF, a rendu public un nouvel accord de partenariat avec le groupe France Télévisions qui suscite déjà plusieurs réactions virulentes. A partir du 1er janvier 2026, les chaînes France 2, France 3 et France 5 disposeront en effet de leurs propres écrans publicitaires décrochés sur le territoire belge et la commercialisation de ces espaces sera précisément confiée à RMB.
C’est un nouveau coup de tonnerre dans notre paysage médiatique, à l’instar du séisme qu’avait provoqué l’arrivée similaire de TF1 sur le marché publicitaire belge en 2017. Concrètement, avec la nouvelle présence de France 2, France 3 et France 5 dans le portefeuille des annonceurs en Belgique, le gâteau publicitaire va encore se réduire pour les acteurs belges du secteur à commencer par RTL Belgium qui ne voit pas d’un bon œil cette annonce de la RMB. C’est le moins qu’on puisse dire…
Selon Bernard Marchant, patron du groupe Rossel co-actionnaire de RTL Belgium à 50% cité par Le Soir, ce nouvel accord entre RMB et France Télévisions ‘‘crée une concurrence déloyale et affaiblit le pluralisme des médias’’.
“Voir la RTBF et RMB venir concurrencer les acteurs privés belges pour capter une partie de notre petit marché au bénéfice des institutions publiques françaises et de la marge commerciale de la RMB, c’est tout simplement inaudible”, renchérit aujourd’hui François Le Hodey, CEO du groupe IPM et propriétaire de LN24, dans les quotidiens du groupe IPM.
La riposte s’organise
Du côté des éditeurs francophones, on peut facilement comprendre que ce partenariat fraîchement signé entre RMB et France Télévisions suscite un véritable tollé. Avec leurs nouveaux écrans pubs à la sauce belge, les chaînes France 2, France 3 et France 5 vont inévitablement grignoter une part du gâteau traditionnellement dédiés aux médias belges, alors que le secteur souffre déjà d’une érosion des revenus au bénéfice des géants de la tech.
Mais du côté de la régie de la RTBF (qui commercialise aussi les espaces publicitaires de LN24 et AB3), on se veut évidemment rassurant: ‘‘La prise en régie des décrochages de France Télévisions reflète l’ADN de RMB: la régie innove en permanence, renforce ses alliances et élargit son offre, toujours dans l’intérêt des annonceurs et de l’écosystème belge.’’
Grâce à cet accord avec France Télévisions, RMB espère augmenter de 12% sa part d’audience sur la cible privilégiée des 18-54 ans et donc la porter à 44% sur le marché francophone. D’où le courroux des concurrents qui n’ont pas dit leur dernier mot et interpellent déjà la ministre francophone des Médias Jacqueline Galant pour, éventuellement, bloquer l’accord.
Deux salles, deux ambiances…